Depuis 2010, à la suite des élections présidentielles, quand j’ai écouté Monénembo sur les ondes de RFI, je l’ai déposé. Je n’avais pas eu tort du tout, le temps m’ayant donné raison plus de dix ans plus tard. J’ai toujours eu du respect pour le grand écrivain qu’il est, indépendamment de mes doutes sur l’intellectuel que certains veulent déifier.

Depuis lors, je l’ai toujours considéré comme un militant politique comme tous les autres. À la seule différence que, sous couvert de sa belle et souvent tranchante prose, il cache son militantisme et son parti pris par la noble couverture de l’intellectuel engagé. Éminent écrivain certes, mais surtout idéologue invétéré qui ne cesse d’invoquer le sacerdoce de l’écrivain engagé et de l’intellectuel courageux et objectif pour nous enfumer.

Je vois déjà d’aucuns hocher la tête, comme pour se demander : «Mais c’est finalement quoi ton problème avec Monénembo ?» J’y réponds d’emblée: mon principal problème avec l’auteur de Saharienne Indigo (son tout dernier roman) est que, s’agissant de la Guinée, il voit le mal partout sauf à l’UFDG. Toutes ses tribunes ces dernières années sur la politique en Guinée concourent à cela. Il voit en Cellou Dalein Diallo un ange, et c’est peu de le dire.

Maintenant que les choses se précisent, soyons d’accord que Monénembo est un militant de l’UFDG et pas des moindres. C’est « un compagnon de route du parti », selon ses propres termes.

En soi, cela ne devrait poser aucun problème. Personnellement, en tout cas, je n’ai aucun problème avec le soutien de tel ou tel personnage public à telle ou telle autre formation politique. Ce que je trouve déplorable et insupportable, c’est l’obstination de certains compatriotes à considérer comme chantre de la probité et de la grandeur intellectuelle quelqu’un dont les analyses sont tout sauf objectives, dont le positionnement politique en faveur de l’UFDG ne fait plus aucun doute.

Pourra-t-on croire à un mauvais procès, à de l’acharnement de ma part comme s’il était problématique de soutenir un politique alors que non ? Chacun de nous est libre de prier dans la chapelle de son choix. Et, malgré tout ce qu’on peut reprocher à Cellou Dalein Diallo, il a de bons arguments et n’a jamais été condamné. Chanter ses louanges et le présenter comme l’ange politique qui sortira la Guinée de son enfer postcolonial, comme l’a fait Monénembo ce samedi dans un discours au siège de l’UFDG, ne devrait en principe pas être disqualificatif.

Cellou Dalein Diallo est, selon notre Monénembo national, « un homme compétent, d’expériences avec des qualifications extraordinaires ». Pour ma part, je ne connais aucun observateur sérieux de la politique guinéenne qui ne soit pas d’accord sur le fait que Dalein est un technocrate compétent. Autrement dit, la compétence du président de l’UFDG n’a jamais été mise en doute.

Admettons donc un instant avec Monénembo que Cellou Dalein Diallo a en effet toutes les compétences managériales et technocratiques requises pour sortir notre pays de l’ornière. Mais — et ce “mais” est essentiel pour– on ne peut pas prétendre être de bonne foi ou objectif et se limiter à de telles éloges en parlant de l’héritage politique l’homme.

Qu’on veuille l’admettre ou non, Cellou Dalein
est aussi l’un des artisans de la remise en question du mythe du technocrate guinéen dans la gestion des affaires publiques. Qu’on le veuille ou non, il est le symbole le plus affirmé d’un régime qui a “organisé” la régression de notre pays. De l’affaire Air-Guinée au “Koudeïsme” dont il fut un grand parrain, Cellou Dalein Diallo est loin d’être le parangon de l’incorruptibilité et de la grandeur d’homme d’État exemplaire et irréprochable dans la gestion de la chose publique. Cellou Dalein Diallo, pour le dire crûment, n’a pas un passé convaincant.

Ce qu’on attend de lui aujourd’hui, c’est la rédemption. Nous n’ignorons pas ses efforts cette dernière décennie dans les luttes démocratiques. Nous ne lui reprochons que ses incohérences et contradictions successives. Depuis qu’il a été parachuté à la tête de l’UFDG, il a joué dans la realpolitik.

Enfin, ce que nous attendons de nos hommes politiques, au-delà de leurs compétences intrinsèques, c’est d’opter pour la rupture du système et non de nager dans le sens du courant.

Monénembo qui s’est toujours présenté en anti-système devrait savoir mieux que quiconque que le débat est ailleurs et que de cette façon, comme il croit défendre Cellou Dalein Diallo, il est hors sujet.

Par Ali CAMARA