Comme annoncé par le ministre Mory Condé, les opérations de démolition ont commencé ce vendredi matin au marché Dibida de Kankan, précisément sur la ruelle Silani Mango. En présence des autorités locales et sous haute sécurité, plusieurs magasins ont été rasés. Malgré un délai de 72 heures, de nombreux commerçants n’ont pas pu récupérer leurs biens. Certains, bloqués par les forces de l’ordre, ont vu leurs marchandises ensevelies sous les décombres.
Des familles, comme les Kaba, contestent la destruction de leurs concessions, qu’elles considèrent comme leur propriété historique:
«Ce lieu est pour nous. Après le départ des Blancs, mon père a acheté ces terres pour les mettre à la disposition de sa famille. Il n’a jamais dépensé un seul franc pour lui-même : il mettait tout l’argent dans une caisse pour subvenir aux besoins de ses frères, jusqu’à sa mort. Son fils unique a pris le relais et a continué sur la même voie. À chaque problème dans notre tribu, c’est à lui qu’on fait appel. Ce que nous voulons dire au Président, c’est que nous sommes contents de lui. Nous savons qu’il ne fera rien de mal à Kankan. Nous l’encourageons, et nous espérons que la nouvelle parcelle qui nous sera attribuée sera plus grande que celle-ci».
D’autres victimes, comme Mariame Diawara dénonce un préavis insuffisant et demandent des mesures d’accompagnement: «Après mon mariage, mon mari m’a demandé de garder mes propres ustensiles et d’utiliser ceux qu’il avait achetés. On nous a donné seulement 24 heures pour déguerpir. J’ai réussi à faire sortir une partie de nos affaires, mais à mon retour, j’ai trouvé que la machine avait écrasé le reste de mes ustensiles. Je ne peux même pas évaluer la perte, car je ne connais pas le nombre exact d’objets. Je suis allée voir les autorités, qui m’ont demandé de revenir pour récupérer ce qui restait, mais les policiers ne nous ont pas laissé accéder aux lieux. Je n’ai plus aucun moyen. Je n’ai rien à dire au gouvernement, sauf qu’avant de déguerpir un endroit, il faut donner suffisamment de temps comme préavis. Nous sommes trois femmes ici, et c’est avec ce lieu que nous arrivons à nourrir nos enfants. À cause de ces 24 heures, j’ai tout perdu», a laissé entendre Mariame Diawara.
De son côté, Massa Condé n’ajoute ceci: «Ils sont venus avant-hier pour nous informer qu’ils allaient démolir les lieux. Ce n’est qu’hier que nous avons appris que notre atelier faisait partie des zones concernées. Nous avons alors commencé à sortir nos affaires, mais nous n’avons pas eu le temps de tout évacuer. La machine a tout détruit. Franchement, nous avons tout perdu : des machines à coudre, des machines pour les finitions… Ce que je demande au gouvernement, c’est de nous aider à trouver un endroit où nous pourrions nous réinstaller. Si on nous avait donné un préavis de trois ou quatre mois, on n’en serait pas à subir de telles pertes. Aujourd’hui, nos enfants sont encore petits et nous ne savons pas comment faire».
Le Ministre a recommandé aux autorités de prévoir un site d’accueil provisoire pour les sinistrés.
El Hadj Mohamed Sangaré