Une vive polémique oppose les parents de la petite Bintou Mara aux médecins de l’hôpital régional de Kankan. Âgée de 7 ans, l’enfant avait subi une opération en février dernier pour une tumeur rénale. Mais aujourd’hui, son état de santé s’est à nouveau détérioré, suscitant la colère de ses parents qui dénoncent un échec médical.
Venue de Mandiana avec ses parents, la fillette avait été admise dans un état critique au service d’urologie. L’opération, prise en charge par l’hôpital suite à l’intervention de son directeur Dr Fremba Camara, avait été qualifiée de réussite. L’enfant, paralysée des membres inférieurs, avait recouvré l’usage de ses jambes.
Cependant, elle est aujourd’hui alitée à nouveau. Son père, Fodé Mara, affirme que les médecins refusent désormais de la soigner, et accuse l’hôpital de négligence.
« J’ai envoyé mon enfant à l’hôpital de Kankan pour son traitement. On m’avait dit qu’elle pourrait être traitée ici. Le médecin qui a fait l’opération ne m’a pas dit que ça pouvait échouer. L’intervention est finie, mais ça ne va toujours pas, et j’ai fini de dépenser. Le Directeur de l’hôpital m’a même aidé dans les dépenses. Après l’intervention, nous avons passé quelques jours à l’hôpital, puis on nous a autorisés à repartir à Mandiana et revenir le 13 avril 2025. C’était pendant le Ramadan. Avant même le 13, nous sommes revenus, mais le médecin dit qu’il ne touche plus l’enfant. Il dit que nous n’avons pas respecté les consignes, alors qu’il avait bien dit qu’il pouvait faire le travail. L’intervention n’a pas réussi, et maintenant il refuse de s’occuper de l’enfant. Moi, je suis là, je n’ai absolument rien».
En réponse, Dr Camara a tenu une conférence de presse pour rétablir les faits. Il rappelle que les parents avaient été informés de la nécessité d’un suivi à Conakry, chose qu’ils n’auraient pas respectée. Selon lui, c’est le non-respect des consignes qui a compromis l’évolution de l’état de santé de la fillette.
« La raison pour laquelle je vous appelle ce matin concerne le parent d’un enfant qui est en train de se promener dans les médias et administrations de Kankan. Je suis profondément écœuré par ce comportement. L’enfant est arrivé ici très affaibli, avec un ventre ballonné. Les parents n’avaient pas les moyens. L’information m’a été transmise, et le cas nécessitait une intervention chirurgicale. Certains ont proposé de ne pas la toucher et de l’envoyer directement à Conakry, mais le médecin traitant m’a dit : “S’ils n’ont pas pu payer ici, ce n’est pas à Conakry qu’ils le pourront.” Et le déplacement, est-ce qu’ils pouvaient l’assurer ? C’est ainsi que j’ai demandé à ce qu’on me fasse le titre de créance et qu’on me l’envoie. Ils l’ont fait. Les examens de laboratoire et cliniques ont été réalisés. J’ai demandé s’ils pouvaient opérer, on m’a dit oui, mais sous condition : qu’après l’intervention, ils aillent à Conakry pour le suivi. J’ai dit d’accord, on prend les dispositions, on l’opère. Le papa a même promis au médecin qu’il vendrait ses bœufs au village pour partir à Conakry. L’intervention a eu lieu, il est venu me remercier, et moi aussi j’ai remercié mon équipe. Après leur sortie, ils n’ont pas respecté les consignes données. J’ai donc demandé au surveillant d’appeler les parents pour savoir où ils étaient. J’avais même préparé une équipe pour aller voir l’enfant. Deux jours après, le médecin m’a dit qu’ils ont fait un traitement à Mandiana, qu’ils ont même injecté l’enfant, et qu’elle est redevenue paralysée. Quand le père est revenu, il a d’abord nié, puis il a reconnu les faits. Je lui ai dit que j’étais désolé. Mais quand je vois qu’il est en train de salir l’hôpital dans les médias, je me dis qu’il faut répondre. Sinon, cette intervention aurait coûté pas moins de 40.000.000 GNF. Pourquoi j’invite la presse ? Parce qu’il est en train de mentir sur l’hôpital. Demandez-lui combien il a payé pour le traitement de son enfant».
Le médecin traitant, Dr Arafan Fofona, souligne que l’intervention avait permis de retirer la tumeur, et que les soins prodigués ont été conformes aux standards. Il se dit surpris des accusations portées dans la presse et réitère la nécessité de transférer la patiente vers un service spécialisé.
«L’intervention a été un grand succès pour nous. La cicatrisation a été rapide, nous avons retiré la tumeur. Nous suspectons un cancer, et c’est pour cela que nous avons demandé qu’elle poursuive le traitement dans un service de cancérologie à Conakry. L’enfant ne marchait pas, mais après l’opération, elle a retrouvé l’usage de ses jambes. Deux mois après, ils m’ont appelé pour dire que l’enfant avait de la fièvre, qu’elle avait le paludisme. Je leur ai dit : “Tu n’es pas docteur, comment sais-tu que c’est le palu ?” Je leur ai ordonné d’aller à l’hôpital préfectoral de Mandiana, mais ils ne l’ont pas fait. Je ne sais pas où ils ont amené l’enfant. Ensuite, son état s’est aggravé. Depuis leur retour, je suis à leurs côtés pour les soins. Mais j’ai été surpris d’être interpellé par un média disant que nous refusons de soigner l’enfant. J’étais même en train de chercher une institution pour la prise en charge. Mais aujourd’hui, nous sommes limités dans la prise en charge : il faut maintenant un service de cancérologie à Conakry».
El Hadj Mohamed Sangaré