Accueil À LA UNE Secteur électrique guinéen : Libérer le potentiel par la concurrence, une exigence...

Secteur électrique guinéen : Libérer le potentiel par la concurrence, une exigence de la loi et une nécessité pour l’avenir

42

La Guinée, riche de son potentiel hydroélectrique et de ses aspirations au développement, fait face à des défis persistants dans la fourniture d’électricité. Les délestages récurrents et l’accès encore limité à une énergie fiable et abordable freinent l’activité économique et pèsent sur le quotidien des citoyens. Face à cette situation, il est impératif de questionner le modèle actuel et de se tourner vers les solutions courageuses que notre propre cadre législatif a esquissées il y a plusieurs décennies.

En effet, la Loi L/93/039, adoptée en 1993, posait déjà les jalons d’un secteur électrique modernisé, fondé sur le principe de la concession. Cette loi visionnaire distinguait clairement le rôle de l’État – celui de stratège, de régulateur et de garant de l’intérêt public – de celui des opérateurs, chargés de la production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique. L’esprit de cette loi était d’introduire une saine émulation, d’attirer les investissements et l’expertise, notamment privée, à travers des mécanismes de délégation de service public transparents.

Or, la réalité actuelle du secteur, marquée par une position dominante de l’entreprise publique Electricité de Guinée (EDG SA) dans les segments du transport et de la distribution, semble s’être éloignée de cette vision initiale. Si EDG SA, érigée en Société Publique Anonyme, déploie des efforts considérables, la structure monopolistique de fait peut, par nature, limiter les incitations à l’innovation, à l’optimisation des coûts et à l’amélioration continue de la qualité de service que seule une concurrence encadrée peut véritablement stimuler.

Pourquoi la concurrence est-elle si cruciale ? Parce qu’elle est un puissant levier de performance. Elle pousse les acteurs à se surpasser, à investir dans des technologies plus efficientes, à améliorer la relation client et, à terme, à offrir un meilleur service à un coût maîtrisé. Dans le secteur électrique, cela peut se traduire par une réduction des pertes techniques, une meilleure maintenance des réseaux, une diversification des sources de production – impliquant davantage d’acteurs privés aux côtés d’EDG – et une réactivité accrue face aux besoins des consommateurs.

La Guinée dispose d’ailleurs d’un outil essentiel pour orchestrer cette ouverture : l’Autorité de Régulation des secteurs de l’Electricité et de l’Eau Potable (AREE). Créée par la loi L/2017/0050/AN, l’AREE a parmi ses missions fondamentales la « promotion de la concurrence et de la participation du secteur privé », la « défense des intérêts des usagers », ainsi que le « contrôle des appels d’offres et de l’octroi des Concessions ». Son rôle est également d’assurer « l’équilibre économique et financier du secteur » et de veiller à la régulation des tarifs. L’existence de l’AREE prouve que l’État s’est doté des moyens pour encadrer un marché ouvert et concurrentiel, garantissant que cette libéralisation se fasse au bénéfice de tous. La loi sur l’AREE elle-même rappelle que le service public de l’électricité peut être confié à des opérateurs via une « Délégation de gestion ».

Il ne s’agit pas de démanteler ce qui existe, mais de le dynamiser et de le compléter. L’introduction progressive de la concurrence, par exemple à travers des appels d’offres transparents pour de nouvelles capacités de production, la concession de certains périmètres de distribution, ou la mise en place de partenariats public-privé innovants, pourrait insuffler une nouvelle dynamique. EDG SA elle-même pourrait se voir renforcée en se concentrant sur ses avantages comparatifs, tout en étant stimulée par de nouveaux entrants.

L’heure n’est plus aux atermoiements. Les textes existent, la volonté politique doit suivre. Engager résolument le secteur de l’électricité sur la voie d’une concurrence régulée et transparente, c’est faire le pari de l’efficacité, de l’investissement et de la satisfaction des usagers. C’est, en définitive, œuvrer pour un avenir où chaque Guinéen aura accès à une énergie fiable et de qualité, moteur indispensable du progrès économique et social de notre nation.

Par Sékou Oumar CAMARA