On dit souvent que dans la vie, la seule chose prévisible est que tout est imprévisible. Le changement est également un ingrédient de la vie d’un pays, d’une entreprise (ce qui la pousse à aller de l’avant) en l’incitant à se fixer des objectifs toujours plus élevés.
Malgré tout, au cours des dernières décennies, notre pays a connu des changements et une volatilité sans précédent, le tout régulièrement ponctué d’errances et de tâtonnements à la fois naturelles et provoquées par le manque de vision de développement des gouvernants dans des proportions époustouflantes.
L’économie mondiale d’aujourd’hui est basée sur le savoir et la connaissance, tout pays émergent et/ou développé à travers un faisceau de subtilités accorde une grande importance à la réussite éducative des enfants. Les méthodes varient selon les besoins spécifiques et la culture de chaque société.
Tout pays aspirant à un vrai progrès socioéconomique se distingue par ses grands résultats scolaires, dus à une politique éducative très ambitieuse, pointue avec des acteurs du système éducatifs à la hauteur de leur responsabilité.
Malheureusement, le système éducatif national est soumis à l’interaction de deux entités complètement dépourvues de sens de responsabilité républicaine, ignorant ou ne prenant pas la mesure de la mission assignée à leur fonction. Cette confrontation appelée ‘’ crise entre le gouvernement et SLECG’’ n’est autre qu’une foire aux cancres !
Un gouvernement avec une kyrielle de négociateurs dans une seule négociation, où est le sérieux avec un tel dispositif ? Une méthodologie chiffrée serait plus édifiante dans de pareille circonstance puisqu’on parle de salaires avec une définition de perspectives à moyen et long termes.
Un SLECG sans un véritable canevas de revendication définie au préalable, en l’espace d’un trimestre, une réclame hors norme… De huit millions GNF on veut le départ du Premier Ministre, huit millions GNF non négociables, même si on n’a pas les huit millions GNF, on veut quelques choses, quelle versatilité improductive !
Une revendication syndicale ne devrait pas être circonstancielle et circonstanciée surtout au sein d’une corporation si noble qu’est l’Enseignement. Le temps de l’expansion irresponsable des grèves surtout dans l’éducation est révolu…..
Cette corporation exige la noblesse, l’intelligence, un meilleur traitement, une formation pointue, un cadre décent de travail, un plan de carrière, l’élitisme, une qualification du système éducatif, des infrastructures de taille, des programmes scolaires reformés…..
Vous, Gouvernement et SLECG, vous n’affichez aucune gêne en lisant le dernier rapport de l’UNIRANKING 2018, sur le classement des 200 meilleures universités du continent…. La Guinée devrait se trouver dans le top 500, top 1000 ou top nul du classement, aucune université guinéenne ne figure parmi les 200….
Ceci devrait être le véritable combat à mener par le pouvoir en place et les acteurs du système éducatif.
Or, depuis des décennies, les pouvoirs successifs ne se sont pas mis dans cette optique qui est la suivante :
AVONS‐NOUS BIEN RÉPONDU A L’EVOLUTION DES DEMANDES SOCIALES ?
C’est vraie, tous les changements ne sont toutefois pas si spectaculaires, mais le changement annoncé en 2010 s’est fait greffé un manque de compétences visionnaires, a manqué de bâtir une architecture d’envergure encadrant et définissant les priorités de la gouvernance.
Toutefois, il faudrait, à cette fin, un environnement social et politique caractérisé par la paix et la stabilité, une volonté et un leadership fermes et sincères, l’engagement de tous les partenaires et de la communauté, et une vision de l’éducation claire, judicieuse et rationnelle, en tant que partie intégrante du processus de développement humain.
A l’aune de l’île Maurice qui, en 1984, dans son Livre blanc sur l’éducation affirma ceci: « Rappelons-nous toujours que, dans le domaine de l’éducation, notre préoccupation est notre prospérité à l’avenir, voire la survie de notre nation. L’avenir de nos enfants doit nous unir et non nous diviser ». Pourquoi ne sommes-nous pas dans cette configuration ?
Un manque de patriotisme, un problème d’égo, une irresponsabilité de part et d’autre, caractérisent alors notre pays ?
Il y a de noter que les gouvernements successifs n’ont pas réussi à résoudre l’effondrement de la structure économique, des infrastructures du pays par un manque de grandes ambitions.
Par contre, ceci n’est nullement une excuse pour la gouvernance Alpha CONDE qui, aussi s’est beaucoup accentuée sur les mines avec la dégradation poussée de l’environnement, une bauxite exportée à l’état brut sans valeur ajoutée…..
La Guinée arrive 15è au classement 2018 des pays qui produisent le moins de richesses par habitant avec un produit intérieur brut par tête de 741 dollars. Le pays a un PIB de 9,86 milliards de dollars pour plus de 13 millions d’habitants. La LFI (Loi de Finance) 2019 fixe autour de 13% le budget alloué à l’éducation, les pays de la sous-région sont à hauteur de 30% de leur budget alloué au même secteur.
Il est impératif de revoir notre façon de faire de l’économie pour le mieux-être de la population présente et celle du futur.
La manne « bauxitique» devrait être exceptionnellement bien gérée et diversifiée (enrichir l’éventail de tissu économique) en vue de largement échapper à la « maladie hollandaise » qui affecte la plupart des économies rentières et se manifeste par les fluctuations du prix des minerais sur le marché mondial, l’hypertrophie du secteur public, un pouvoir d’achat faible, une inflation galopante et un nombre trop élevé d’agents publics par rapport à la productivité du travail……
Notre système éducatif national et nos perspectives économiques sont indissociables. Les efforts visant à mieux les harmoniser nécessitent de la volonté politique, des investissements stratégiques et un système universitaire et professionnel solides qui offrent des possibilités de créer des entreprises à forte intensité de technologies.
Pour atteindre les objectifs d’amélioration des conditions d’existence des populations, pour affermir l’efficacité et la survie de l’Etat dans un contexte généralisé de compétition internationale aiguë, notre système éducatif doit veiller à la vulgarisation de la formation pratique et intellectuelle du citoyen.
Ce droit légitime à la formation de la raison doit s’accompagner d’un droit à la formation critique de la conscience morale.
Sans verser dans des considérations élitistes exacerbées, admettons que les bénéfices pour notre pays se lisent aisément comme suit : plus l’Etat dispose d’hommes ayant un niveau général de formation somme toute appréciable et un rapport certain aux prescriptions morale, civique et juridique, plus la dynamique d’émancipation politique et culturelle, d’essor scientifique et technologique, d’interdépendance économique et industrielle ira crescendo, et sera gratifiée du sceau d’un optimisme lucide. Parallèlement, et a contrario, plus le degré général de formation des populations sera sujet à controverse, grandes et récurrentes seront les tentations et les tentatives, tant des citoyens que de l’institution politique tutélaire et régulatrice, de déroger au respect des principes et droits fondamentaux qui fondent et légitiment le pacte social.
Le système éducatif n’a pas pour mission exclusive d’éduquer simplement les citoyens à la normalité effective, c’est-à-dire : de conforter, de normaliser, de rendre conforme ou de légitimer des institutions établies (habitudes, système politique, obligations civiques, morales, traditions, etc.).
Le système éducatif nourrit en son principe le vœu de contribuer au perfectionnement de tous les matériaux et mécanismes à même de renforcer l’unité organique caractéristique du lien entre l’Etat (la République) et le citoyen, dans leur relation réciproque au progrès social et à la prospérité.
Le système éducatif se donne ainsi à voir, sous cet angle, irréductiblement, comme une instance critique de fondation ou de refondation sociale et politique…
Parce que les sociétés humaines sont loin d’avoir atteint la perfection, les hommes sont constamment mis en demeure d’amender les modalités de leur vie commune (socialité). Ainsi, la réversibilité des lois et des décisions des pouvoirs publics ou institutionnels, leur nature ou aptitude à se soumettre à des contestations dûment formulées, leur révision objective, sont une donnée essentielle qui doit imprégner, dans une République ou une démocratie, l’esprit de tout citoyen. C’est pourquoi le système éducatif a ici pour dessein primordial de traduire cette vérité en une sorte de réflexe vital dans la mémoire vive de l’Etat et du citoyen
Somme toute, l’éducation se donne à voir comme une institution essentielle dans l’architecture étatique : instance critique par excellence de production ou de fondation du politique et de la liberté politique.
Sur cette base, il est manifeste que tout peuple et tout Etat soucieux d’inscrire durablement son existence au sein du concert des nations et des Etats, désireux sinon d’atteindre à l’excellence du moins de réaliser autant que faire se peut les idéaux de progrès (sociaux, juridiques, technologiques, industriels, économiques et politiques), pourrait difficilement faire litière d’une politique somme toute vigoureuse et attentive des capacités de renforcement du système éducatif.
Le système éducatif, en tant qu’instance critique de fondation du politique (au sens de société globale), renferme ou comporte en son essence un enjeu stratégique essentiel consistant dans la définition des principaux axes prioritaires ou de positionnement (économique, politique, culturel et existentiel) de tout peuple ou Etat soucieux de compter parmi les peuples ou Etats du monde.
Cette conviction semble participer d’une mise en demeure, c’est-à-dire d’une invitation expresse à mener une réflexion certes constructive et néanmoins sans concession de la base sur laquelle repose, se structure et s’édifie le tissu éducatif guinéen…
Force est alors de se rendre à cette évidence primordiale qu’on pourrait difficilement concevoir l’élaboration d’un système éducatif qualitativement cohérent et performant qui fît l’impasse, sans que cela ne soit suivi de dommages significatifs, sur la nécessité d’une mise en corrélation ou en adéquation entre les variables suivantes :
-l’inventaire préalable des insuffisances, des besoins et des attentes (structurels, logistiques, financiers, humains) de l’Etat et des populations qui sont objectivement soumises à sa juridiction ;
-le contenu et la qualité des enseignements, de la formation et de la recherche proposés (tant au niveau de l’enseignement général qu’en ce qui touche à la formation professionnelle) dans les différents cycles (primaire, secondaire, universitaire) ;
-l’état des lieux et les exigences internes et externes du marché du travail présent et à venir, auxquels s’ajoutent plus globalement la prise en compte des principaux enjeux qui sous-tendent et président à l’acte d’insertion et d’affirmation de notre pays sur la scène sous régionale voire régionale;
-la définition, enfin, émanant du concert d’acteurs (économiques, industriels, scientifiques, sociaux, politiques, culturels) d’objectifs ou de programmes d’actions stratégiques visant à terme l’amélioration, dans tous les domaines susmentionnés, des capacités d’initiatives et d’anticipations à même de garantir la pérennité de l’essor économique et technoscientifique, ainsi que l’émancipation politique et culturelle…
Le monde change de plus en plus rapidement, ce qui raccourcit la durée des fenêtres d’opportunité, alors ouvrons grandement nos têtes et yeux pour enfin se mettre dans cette dynamique et non se focaliser sur des puérilités.
Le centre de gravité de notre gouvernance devrait s’articuler autour du principe suivant « guider la Guinée vers la réussite à travers des actions massives, concentrées et rationnelles ». Une configuration valable pour tous les individus, organisations et sociétés : qui veut un succès extrême doit prendre des mesures extrêmes.
Mohamed D. KEITA
Economiste
Tél : 622 03 54 79