A La Haye, ce mardi 15 janvier, la chambre de première instance de la Cour pénale internationale délibère sur le dossier de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo. A ses côtés, dans le box des accusés : Charles Blé Goudé, l’ex-leader des Jeunes Patriotes. Tous deux sont poursuivis pour crimes contre l’humanité, dans le cadre des violences commises entre décembre 2010 et avril 2011, suite à l’annonce des résultats de la présidentielle. Leur procès a démarré le 28 janvier 2016.
Depuis le début du procès, le procureur a appelé 82 témoins. Pour Eric MacDonald, le substitut du procureur, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé font partie d’un « cercle restreint » ayant mis en place un « plan commun » pour se maintenir au pouvoir par tous les moyens, y compris le recours à la violence contre les populations civiles qui leur seraient hostiles.
« Monsieur Gbagbo a incité les forces qui lui étaient loyales à commettre des crimes. Le 27 août 2010, à Divo, il leur a dit de ne pas remettre en question la régularité des ordres qu’il leur a donnés, déclarait Eric MacDonald, en octobre dernier. Il leur a bien dit que personne ne serait poursuivi pour leurs crimes, souligne-t-il. Par ailleurs, Laurent Gbagbo n’a pas pris de mesure pour éviter que des crimes soient commis pendant la crise. »
En novembre, la défense a pu plaider l’acquittement. Les avocats de Laurent Gbagbo estiment que le procureur n’est pas parvenu à prouver l’existence d’un « plan commun », qu’il se base sur de nombreuses rumeurs, des preuves peu fiables. La défense remet en question la fiabilité des preuves récoltées par le procureur lors de son enquête.
« Le procureur n’a tout simplement pas enquêté, dès les débuts de manière autonome et professionnelle, affirme Me Jennifer Naouri. Et c’est là, la vraie raison pour laquelle les règles d’administration de la preuve n’ont pas été respectées, poursuit-elle. Il n’a pas fait accomplir les actes médicaux légaux nécessaires par un expert qualifié en temps utile. Il ne présente pas d’éléments de preuve authentifiable, vérifiable, traçable, fiable, directe et qui puisse être recoupée », insiste cette avocate.
Débats sur la remise en liberté provisoire
En décembre, les derniers débats ont porté sur l’éventualité d’une remise en liberté provisoire des deux prévenus. Le procureur s’est opposé à cette éventualité. Il a dressé une liste des conditions restrictives en cas de remise en liberté provisoire des deux prévenus : le versement d’une caution, le port d’un brassard électronique, l’interdiction de sortir de la résidence territoriale sans l’accord de la CPI, etc. La défense garantit de son côté que ses deux clients ne prendront pas la fuite.
Enfin, le bureau du greffe affirme avoir déjà consulté un Etat hôte en cas de remise en liberté provisoire. « On a toujours eu un soutien maximum de cet Etat : il nous a toujours aidés à raccompagner des personnes à la frontière et a toujours accepté de recevoir un prévenu, indique Marc Dubuisson, le représentant du greffe. L’Etat concerné coopère de manière positive avec la Cour. »
Les trois scénarios envisageables
Dans le premier cas de figure, c’est le maintien en détention et la poursuite du procès sur tout ou une partie des charges. Dans cette configuration, les avocats de la défense devront présenter des témoins pour répondre aux accusations du procureur. Le procès pourrait alors encore durer quelques années.
Le second scénario, c’est la remise en liberté provisoire et la poursuite du procès sur tout ou partie des charges. Là encore, la défense devra organiser sa thèse et présenter des témoins. Les prévenus seront alors établis dans un Etat proche de la CPI, avec des conditions très restrictives en termes de déplacement. Jusque-là, aucune destination n’a été officiellement citée mais en décembre, le greffe avait indiqué avoir contacté un « Etat hôte qui coopère de manière positive avec la Cour ».
La dernière option, c’est l’acquittement et, par conséquent, l’abandon de toutes les charges. Cela marquerait la fin du procès, sous réserve que l’accusation fasse appel de cette décision.
RFI