Pourtant, beaucoup plus  réservée aux hommes, la menuiserie n’est cependant pas un tabou pour certaines filles et femmes. C’est exactement le cas de cette dame, Djésssira Diabaté. Veuve et mère de 4 enfants dont 2 filles, la diplômée a  fait ses études au centre de formation professionnelle de Fria, où elle a bénéficié l’expertise canadienne. De la menuiserie à l’usine, de l’usine à la terre, sa navette a eu bien une cause, celle d’ouvrir un atelier à son propre compte et sur fonds propres.

Jalouse de ce métier qu’elle a aimé depuis sur les bancs, dame Diabaté a toujours opté pour une autonomie. Dans son hangar qu’elle a construit en face du jardin 02 octobre dans la commune de Kaloum, sont éparpillés çà et là, ses matériels de travail, portes, fenêtre, lits, tous en phase de finition. Scie en main, marteau et crayon à côté, elle fabrique ses meubles sans apprentis. Accueillante et souriante, la quarantaine nous dresse les premiers pas de son parcours professionnel.

« Lorsque j’ai reçu mon diplôme en 1990, j’ai tout d’abord servi au département de Génie civile à l’usine de FRIGUA. Durant 5 ans, je travaillais avec détermination, même en état de famille. Grâce à cet engagement, mes collègues de travail ont fini par m’appelé, ‘’ madame Camara courage indien’’ », rappelle cette veuve tout en éclatant de rire.

Légende : Madame Camara Djéssira Diabaté, menuisière de profession

Sans embauche, Djéssira termine néanmoins les 5 ans au sein de l’usine. De teint clair, les yeux grandement ouvert, elle ne ressemble pas à une personne démotivée : « après avoir passé ce temps à l’usine, j’ai été admise par la suite d’un test organisé par le personnel. Malheureusement, trois mois après, l’usine a fermé ses portes et j’ai chômé pendant 6 mois », déclare-t-elle.

‘’Je ne suis pas venue dans ce monde pour chômer’’

Resté à la maison, a été un souci majeur qu’elle n’avait jamais envié. Rattachée à son travail,  Djéssira avait une seule et unique préoccupation, la réussite : « après ces 6 mois, je me suis dit que je ne pouvais plus rester dans le chômage. Donc, j’ai suivi une autre formation en  secrétariat bilingue pendant 3 ans. Ensuite, j’ai fait 3 mois de stage dans les secrétariats des directions de l’usine. Entre temps, j’ai eu des problèmes de vision et du coup, j’ai été conseillé par un doyen qui m’a demandé d’abandonner ce métier de secrétariat. C’est comme ça aussi je suis resté pendant 6 mois sans rien faire », témoigne-t-elle.

Malgré cette navette, l’amour de son métier qu’elle a tant aimé est resté sur son chemin. Aussi jalouse de l’autonomie à tel point qu’on ne puisse l’imaginer, il fallait revenir au bercail, c’est-à-dire, dans la menuiserie. Hélas, un problème de moyen qui pouvait lui permettre d’ouvrir son propre atelier s’est posé.

La terre ne trahit jamais dit-on !

Afin d’avoir un fond de départ et rêver à un atelier, il a fallu qu’elle se confie à la terre «  j’ai décidé de faire la culture des oignons, ventre et économiser l’argent afin d’être autonome. Alors pendant un mois, j’ai vendu ces oignons dans les marchés de Fria. Et, c’est avec cet argent que j’ai acheté deux madriers pour recommencer avec mon travail de menuiserie car, ça me tenait à cœur et je ne voudrais pas demander de l’aide à quelqu’un », rappelle-t-elle et de poursuivre : « c’est comme ça j’ai fait mon atelier sous les immeubles de Fria. Là, je fabriquais des meubles, fauteuils et autres mais sous commande » précis-t-elle.

Venue à Conakry en 2012 après avoir perdu son mari, les charges des 4 enfants reviennent sur le dos de dame Djéssira. Alors pas de recule, elle a décidé de se mettre à la tâche dès son arrivée. Puisque dit-elle, ne gagnent que ceux qui luttent. La veuve Djéssira s’est approchée de ses amis menuisiers pour travailler. Le travail qu’elle pratiquait étant femme, était extraordinaire que celui des hommes. La suite, elle a été confrontée à la jalousie de ses paires.

«Ça ne plaisait pas aux hommes lorsque qu’on parlait de la qualité de mon travail aux gens. Il y avait certains qui faisaient des manœuvres pour que je quitte. Alors j’ai décidé d’ouvrir un atelier à mon propre compte que j’ai surnommé ‘’ Mandin Diaka réveille les femmes et les jeunes’’.  J’ai fait moi-même la charpente et sa construction m’a coûté plus de dix millions

‘’J’ai préféré évoluer sans apprentis jusque-là !’’

Torse bombé, les joues gonflées, cette cheffe d’atelier a un travail très énorme qu’elle fait sans apprentis jusqu’à ce jour. Ce manque d’apprentis à l’en croire, a bien une cause et toute simple : «  pour l’instant je n’amène pas d’apprentis sinon, les gens finiront par dire que tous ces lits, portes, armoires et autres, sont fabriqués par les hommes », affirme Djéssira, une façon de valoriser la capacité des femmes.

Passionnante, courageuse, autonome, persévérante, travailleuse, ce sont ces qualités qu’on peut attribuer à Djéssira Diabaté. Dans l’exercice de son métier, on peut noter le manque de matériels de travail comme difficultés. Mais,  la vente de ses meubles par commande, lui permet de se tenir debout.

Avant de mettre terme à l’échange quelle nous a accordé dans la plus grande aisance, Djéssira a lancé un appel aux bonnes volontés car, soucieuse de servir davantage son pays : « Au gouvernement et aux bonnes volontés, de venir en aide à cette pauvre dame qui n’a ni père, ni mère, ni frère et qui vit avec ses enfants. Aux jeunes filles et femmes, de faire la formation technique afin d’être autonome. Moi j’ai aimé la menuiserie et  je vais la pratiquée jusqu’au dernier jour, je sais que j’aurai mon chemin», encourage-t-elle.

Pour maguineeinfos.com,

Sâa Robert Koundouno