Les principes de la démocratie sont universels. C’est en vertu de leur universalité que les citoyens d’un pays sont souvent amenés à porter un jugement sur les choix et décisions des dirigeants d’autres pays quand ils affectent les avancées démocratiques.
Monsieur Alassane Ouattara avait promis qu’il ne serait pas Président à un autre mandat et qu’il était prêt à placer sa confiance en une autre génération. Il l’a dit sans contention. « Cette décision est donc conforme à ce que j’ai toujours dit , à savoir qu’il faut laisser la place à une jeune génération , en qui nous devons faire confiance ; des jeunes ivoiriens honnêtes, compétents, expérimentés , qui ont appris à nos côtés ,comme nous l’avons fait aux côtés du Père de la Nation, le Président Félix Houphouët-Boigny », avait-il. Le RHDP avait alors choisi Monsieur Amadou Gon Coulibaly pour être son candidat à la présidentielle d’octobre 2020. Etait-il d’une jeune génération ? Le 8 juillet 2020, ce dernier meurt. Le plan du RHDP est dévasté. Ils avaient mis tous les œufs dans le même panier. Imprudence ! Les appels à se présenter à un autre mandat deviennent si pressants que Monsieur Ouattara retire sa parole.
Pour justifier son reniement, il évoque un cas de force majeure, le risque de destruction des acquis engrangés sous sa gouvernance. Les Ivoiriens honnêtes, compétents et expérimentés se résument-ils à Gon Coulibaly ? Le RHDP n’en a produit aucun ? Monsieur Alassane Ouattara n’a donc pas œuvré à la perpétuation de sa postérité ? Est-il un deus ex machina ? Pourra-t-il éternellement être là pour défendre ses acquis ? Les Hamed Coulibaly, Jeannot Ahoussou-Kouadio , Patrick Achi , Mariatou Koné , Kaba Nialé , etc., ne sont pas honnêtes , compétents et expérimentés ? Après Monsieur Ouattara se sera le déluge ? Sans nul doute, c’est un factotum. Et, cela est bien dangereux.
Monsieur Ouattara a manqué à sa parole. Cela est moralement répréhensible sauf pour ceux qui pensent que la politique n’a pas besoin de la morale et que la parole n’a rien de sacrée. Pourtant, quand un homme retire sa parole donnée, il devient quelque chose. Monsieur Ouattara a trahi la démocratie car il a trahi le principe de l’alternance. Ceux qui ont rédigé la Constitution ivoirienne en 2016 avaient dit que l’article 183 de la nouvelle norme ne lui permettait pas d’être candidat à un autre mandat, qu’ils ne doutaient même pas de sa bonne foi. Le Pr. Ouraga Obou , le garde des Sceaux , Sansan Kmabilé , ne doutaient pas de la bonne foi du Président qui leur avait intéressé à la rédaction d’une nouvelle constitution, comme tous les autres qui avaient contribué à ce travail de rédaction de la constitution de la Constitution ivoirienne.
« Je veux assurer aussi les conditions de passation du pouvoir d’un Président démocratiquement élu à un autre, pour la première fois dans l’histoire de notre pays », avait-il dit. Comment pouvait-il dire « Je suis candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 » ? S’il est élu, ce sera un coup de force, un accaparement du pouvoir, un grand nombre de ses concitoyens ne croira plus à sa parole. Il devait organiser les élections transparentes, inclusives et équitables et s’en remettre au choix des Ivoiriens. N’est-ce que le porte-parole de son parti l’avait appelé à se sacrifier pour eux ? Il est le candidat de cette minorité.
Monsieur Sidya Touré, interrogé sur le reniement de Monsieur Alassane Ouattara, s’est d’abord refusé tout commentaire. Ayant été pressé par les questions, il a dit « Comparaison n’est pas raison ». Mais le cas Ouattara est très grave comparé à celui du guinéen qui , depuis plusieurs mois , a usé de tous les moyens illégaux pour détruire la constitution qui a fait de lui le premier Président démocratiquement élu qu’il s’enorgueillit d’être. En 2016, la constitution ivoirienne avait été rédigée et aucune suspicion ne plainait sur la candidature de Ouattara à un autre mandat. Monsieur Ouattara abuse donc de la confiance de ses concitoyens, se renie alors que le monde voyait en lui un exemple d’honnêteté. Plus grave, Monsieur Touré dit que la mort du candidat du RHDP est une situation atténuante et qu’Alassane Ouattara aurait ses raisons. Monsieur Alpha Condé, lui aussi, n’a pas ses raisons ? Sont-elles valables ? Double standard ! Souscription aux principes variables selon les accointances et affinités !
Aujourd’hui, comme en Guinée, les conditions d’une instabilité sont créées en Côte d’Ivoire. Des acteurs majeurs sont radiés de la liste électorale : Gbagbo et Blé Goudé. Ce qui est infamant et ne favorise pas la réconciliation nationale. La Commission Électorale Indépendante (CEI) et autres institutions républicaines y sont favorables ai Président de la République, comme en Guinée. Monsieur Ouattara est devenu celui qui fera resurgir les tentations du troisième mandat en Afrique de l’Ouest. Il sera dit : « Ouattara l’a fait et pourquoi pas moi ? » Mimétisme !
Par Ibrahima Sanoh