A cinq jours du début du sommet de l’Union africaine, qui doit réunir à Addis-Abeba les chefs d’Etat et de gouvernement africains, le secrétaire général de l’ONU António Guterres fait le point sur les grands enjeux du continent. Si l’année écoulée a été porteuse de bonnes nouvelles dans la corne de l’Afrique notamment, de nombreux défis demeurent, explique-t-il au micro de RFI.

RFI : Les chefs d’Etat et de gouvernement africains se réunissent à Addis-Abeba pour le 32e sommet de l’UA dans quelques jours. Les sujets de division sont nombreux, à commencer par l’accueil à réserver au président congolais Félix Tshisekedi, qui a été élu dans des conditions contestées et qui entame sa première tournée africaine. L’ONU a réagi de manière très mesurée à cette élection. Qu’attendez-vous du nouveau président ?

António Guterres : Ce qu’on attend, c’est naturellement un service dévoué à la cause du peuple congolais. Le peuple congolais a beaucoup souffert et souffre encore. Regardez ce qui se passe dans l’est du pays, avec tous ces groupes armés, les violences contre les femmes, les enfants, Ebola…

Il faudra un gouvernement capable d’être inclusif, de rallier tous les Congolais et de créer les conditions pour que le pays puisse surmonter les difficultés politiques, économiques, sociales, et puisse trouver une stabilité qui permette de trouver une solution aux problèmes du pays.

Indépendamment de ce qu’il s’est passé, il y a aujourd’hui une situation établie et il faut à mon avis coopérer avec le Congo et ses autorités pour aider le pays à sortir des difficultés énormes qu’il connaît encore. Il faut dire qu’il y a un vent d’espoir qui souffle en Afrique. En général, on parle des choses négatives.

Mais voyez l’accord entre l’Ethiopie et l’Erythrée, et entre l’Erythrée et la Somalie, et maintenant les négociations entre l’Erythrée et Djibouti… Regardez l’accord entre Salva Kiir et Riek Machar, finalement possible au Soudan du Sud, même s’il y a encore un long chemin à parcourir.

Voyez l’accord qui, j’espère, sera signé en Centrafrique ; regardez ces élections où l’on s’attendait à des problèmes terribles, comme au Congo, à Madagascar ou au Mali, et où finalement – même si quelques fois il y a eu des divergences – ceux qui ont perdu se sont comportés d’une façon positive vis-à-vis des structures constitutionnelles des pays et ont eu un comportement sans violence.

Le président Joseph Kabila avait envoyé des signaux négatifs quant à sa volonté de coopérer avec la mission de l’ONU en RDC, la Monusco. Quels types de signaux espérez-vous du nouveau président ? La Monusco doit-elle, selon vous, rester en RDC ?

Nous avons déjà entamé un dialogue avec le nouveau président. Je crois qu’il y a une volonté mutuelle de coopération. Il faudra éventuellement revoir le dispositif qui existe en République démocratique du Congo. Les grands problèmes qui se posent sont surtout à l’est, mais je crois que ce serait une illusion de penser qu’on pourrait rapidement fermer la mission. Je crois qu’il y a encore un travail à faire en étroite coopération avec les autorités et le peuple congolais.

Vous évoquiez la Centrafrique, qui doit signer un accord de paix à Khartoum sous l’égide de l’UA et des Nations unies. Un accord que certains estiment trop faible et avec de nombreuses zones d’ombre, notamment sur l’amnistie des groupes armés…

L’accord ne prévoit pas l’amnistie des groupes armés. L’accord prévoit que l’impunité ne doit pas exister. Il prévoit un mécanisme qui est similaire aux mécanismes déjà établis dans d’autres pays pour déterminer la vérité et pour créer les conditions de justice, de réconciliation et j’espère que ces mécanismes fonctionneront en RCA.

En quoi selon vous cet accord est-il différent des précédents accords de paix qui ont tous échoué ?

Une chose très importante, c’est l’engagement des pays voisins. Je crois que les gens sont de plus en plus convaincus qu’il faut en finir avec ces conflits qui empêchent le développement du continent, mais qui empêchent aussi le respect des droits de l’homme et qui font souffrir les populations d’une façon absolument terrible.

L’un des gros sujets de discussion entre l’ONU et l’UA concerne le financement d’opérations militaires de contre-terrorisme menées par les soldats de pays africains type G5 Sahel. Mais les discussions continuent d’achopper sur le sujet au Conseil de sécurité.

Il n’y a malheureusement pas d’unanimité au Conseil de sécurité pour garantir à ces forces africaines qui ne sont pas des forces de maintien de la paix – ce sont des forces d’imposition de la paix et de la lutte contre le terrorisme. Il faut leur donner un mandat clair et fort et il faut leur donner un financement prévisible et garanti.

Si vous comparez ce qu’il se passe aujourd’hui à ce qu’il se passait il y a cinq ans, l’expansion des zones d’influence des groupes terroristes, l’expansion de l’action des groupes terroristes est quelque chose qui exige des mécanismes bien plus forts de combat au terrorisme. Et à mon avis, la seule façon, c’est avec des forces africaines fortement appuyées par la communauté internationale.

RFI