Le président du Conseil National des Organisations Nationales de la Société Civile Guinéenne CNOSCG passe en revue la situation politique du pays qui reste marquée par une crise sans précédent. Dansa Kourouma a, au cours d’un entretien qu’il nous a accordé, signalé que ce sont les tensions consécutives nées des campagnes qui ont donné naissance à ce que  nous vivons aujourd’hui à Conakry et dans certaines villes de l’intérieur. D’où son invite aux acteurs politiques de renoncer à la violence et au FNDC de mettre fin à ses manifestations, avant d’exhorter au futur Président, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, susceptible d’avoir un programme de sortie de crise qui doit se solder par une réconciliation et le renforcement  de la justice. 

Maguineeinfos.com: comment vous avez analysé le déroulement du processus électoral depuis la période pré-électorale?

Dr Dansa Kourouma : La période pré-électorale a été marquée par les tensions consécutives, des discours politiques très peu responsables, des menaces et des invectives dans la communication des hommes politiques et très peu de débats sur les projets de société.

De ces violences, il faut rappeler l’attaque du cortège du premier ministre à Labé et à Dalaba, celui du président de l’UFDG à la rentrée de Kankan. Bref, c’était une période de tensions. Pré-électorale, c’était encore un ficher électoral qui a été jugé satisfaisant par les experts de la CEDEAO ce qui a fait que le scrutin du 18 octobre dernier s’est déroulé dans le calme et la sérénité, contrairement aux pronostics qui renvoyaient cette période très agitée.

Les guinéens ont voté massivement et le taux que nous nous avons trouvé est autour de 76,41%. Ça veut dire que les 3/4 des votants qui étaient attendus aux urnes ont effectué le déplacement et ont pu s’acquitter de leur devoir civique. Néanmoins, il y a eu des irrégularités qui trouvent leur origine essentiellement sur la faiblesse et l’insuffisance du code électoral dont beaucoup de dispositions portent à confusion. Mais aussi, des fraudes électorales qui ont été enregistrées dans les fiefs du RPG et de l’UFDG. À Labé, Tougué, Koumbia, on a enregistré les cas de vote multiples mais aussi, l’indication aux votants pour qui ils doivent voter. Ça s’est passé aussi dans la région de Kankan, notamment à Kourroussa, Siguiri, Kérouané en milieu rural. Il y avait également plusieurs procurations qui votaient. Nous avions noter aussi dans certaines localités, le taux de participation anormalement très élevé et surtout le nombre de bureau de vote pris en charge.

La  Guinée connaît des violences post-électorales qui ont déjà occasionné le pillage des biens et  des cas de morts. Comment le CNOSCG perçoit cela? 

Il faut dire que cela part du fait que Monsieur Cellou Dalein Diallo a déclaré sa victoire dès le premier jour, tout en  demandant à ses militants de protester. C’est comme si c’était de l’huile qui a été jetée sur le feu qui attendait déjà d’être alimenté pour brûler. Ce discours s’est transformé en scène de liesse dans tout le pays et s’est soldé par des affrontements des militants du RPG et de l’UFDG. Ce qui est malheureusement en train de prendre une allure d’affrontements intercommunautaires surtout dans les banlieues de Conakry. Et à cet stade, les acteurs politiques devraient se ressaisir. Les résultats de la CENI sont pour le moment provisoires et qui sont attaquables auprès de la Cour Constitutionnelle. Conformément à la loi, ils peuvent ( résultats) faire l’objet de changement au cas où le parti concerné apporte des preuves tangibles que ses intérêts ont été menacés.

Que faut-il aujourd’hui pour mettre un terme à toutes ces violences? 

D’abord les acteurs politiques doivent, chacun en ce qui le concerne, renoncer à la violence. C’est une exigence aujourd’hui de la société civile. Nous obligeons et exigeons que M. Alpha Condé et ses partisans, M. Cellou Dalein Diallo et ses partisans et tous les dix autres candidats à cette élection s’adressent au peuple de Guinée pour demander à leurs militants d’arrêter la violence.

Quelque soit ce qu’ils ressentent, c’est un discours qui est urgent aujourd’hui, même s’ils ont été trichés comme le pensent d’autres. Aucune élection n’est parfaite. Mais il faut changer votre capacité de documenter les cas de fraudes dont vous avez été victime pour avoir raison. Au lieu de mettre les gens dans les rues, que les malinkés et les soussous s’affrontent, que les peulhs et les forestiers s’affrontent. Nous sommes dans une situation de conflits ethniques visibles et ouverts. Ces leaders doivent savoir que lorsqu’un parti est complice de ces genres de conflits, peut perdre même son droit d’éligibilité. Parce que l’opposition entre les communautés d’un pays peut engendrer la guerre civile. Pourtant, aucun projet de société ne peut justifier la guerre civile dans un pays. Alors il faut qu’ils arrêtent et c’est pourquoi j’attends d’eux, un discours pour surseoir à la violence et de demander à leurs militants de documenter tous les cas de fraudes afin de saisir la Cour Constitutionnelle et mettre un accélérateur sur la communauté internationale pour que cette Cour fasse bien son travail.

La deuxième chose à préciser, c’est que la CENI a fait son boulot, même s’il y a des contestations, ce qui est normal dans un processus électoral. Mais aucun parti n’a le droit de rendre des résultats officiels, contraires à ceux de la CENI et avant la CENI. C’est une violations du code électoral et de la Cour Constitutionnelle.

Troisième remarque, c’est à ce parti qui doit gagner cette élection. J’aimerai qu’il tende la main aux perdants pour qu’ils bâtissent ensemble un gouvernement d’union nationale qui peut permettre à la Guinée de sortir de cette crise. L’urgence extrême aujourd’hui, est que l’État mette fin à la violence et sécurise l’ensemble des citoyens et leurs biens.

Comment appréciez-vous cette autre décision des autorités du pays qui ont réquisitionnent l’armée pour le maintien d’ordre ?

Les forces de sécurité sont dépassées par rapport à la violence. Conformément aux textes de loi, il est prévu que les autorités fassent appel à l’armée et ça ce n’est pas une violation. Cependant, il paraît clairement que ces militaires doivent agir dans le strict respect du droit humanitaire et celui de l’homme afin de faire revenir le calme et la sérénité dans la cité.

Le FNDC a repris ses manifestations de rue pour le départ du Président Alpha Condé. Quelle lecture faites-vous de cette autre décision des membres du front ?

Le combat du FNDC n’est plus un combat juste. Les élections sont terminées et il faut s’en remettre à la décision des urnes. Ce combat me semble être un combat de trop. Alors ils doivent arrêter les manifestations.
Que ce soit le FNDC ou autres acteurs politiques de la mouvance et de l’opposition, chacun doit mettre fin à ce combat pour bâtir un dialogue qui doit se solder par trois recommandations phares.

Premièrement, quelque soit celui qui va gagner ces élections, il doit y avoir une révision constitutionnelle. Car, celle qui nous gouverne aujourd’hui n’est pas un consensus et merite d’être remise à table.

Deuxièmement, qu’on mette en place un gouvernement d’union nationale avec pour rôle d’arrondir au maximum des angles et permettre d’avoir un programme de sortie de crise qui doit se solder par une réconciliation et le renforcement  de la justice pour que nous puissions dérouler un plan programme de développement économique mais sur la base d’une entente de toutes les forces politiques du pays.

Troisièmement,  mettre en place un programme de réconciliation nationale qui doit intégrer à la fois, les forces de défense et de sécurité, les politiques et un programme basé sur la jeunesse. Faire des jeunes, des vrais acteurs de développement et non de la violence.

Un message à l’endroit des acteurs à tous les niveaux, notamment à la jeunesse ?

Je crois que nous avons franchi la ligne rouge. C’est pourquoi la classe politique doit arrêter de manipuler ces communautés là et que cette jeunesse refuse d’être instrumentalisée pour des fins politiques.

Mon message va être concentré sur la  jeunesse et les forces de l’ordre. La jeunesse, c’est elle qui est dans la rue, qui barricade, qui détruit les poteaux et s’attaque aux forces de l’ordre. En réplique, ces forces de l’ordre tirent à balles réelles. Il y a plusieurs dizaines de jeunes qui sont déjà tués. D’autres mêmes n’étaient pas sur la route mais ont reçu les balles dans leurs familles. Que cette violence s’arrête. De la part de la répression disproportionnée que les forces de l’ordre sont en train de faire. Mais aussi de la part de ces jeunes qui barricadent et empêchent les autres concitoyens de vaquer librement à leurs affaires. Aujourd’hui la population de Conakry a faim parce  qu’en réalité le commerce ne marche pas. Mais est-ce que c’est cette population qui est au pouvoir? Il ne faut donc pas faire régler le compte des pauvres populations par faute des dirigeants. Que l’UFDG se trouve des moyens nécessaires d’amener le pouvoir à respecter le verdict des urnes. Et non faire subir les conséquences aux populations de Conakry.

Entretien réalisé par Sâa Robert Koundouno maguineeinfos.com