Au moins 70 personnes ont péri au Bangladesh dans un gigantesque incendie qui a ravagé des immeubles d’habitation de Dacca, où étaient entreposés illégalement des produits chimiques, nouvelle conséquence dramatique du non-respect des normes de sécurité dans le pays.

Une muraille et un déluge de feu se sont abattus vers 22H40 (16H40 GMT) mercredi soir sur des ruelles affairées du quartier de Chawkbazar, l’une des parties les plus anciennes et densément peuplées de la capitale. La présence de substances chimiques dans des immeubles résidentiels a rendu l’incendie particulièrement violent et permis sa propagation à toute vitesse.

Le dernier bilan des pompiers et médecins faisait jeudi état de 70 morts et au moins 55 blessés, dont 10 se trouvent dans un état critique.

Flammes et fumées s’échappent d’immeubles à Dacca le 21 février 2019

D’après les pompiers, le feu pourrait être parti d’une bonbonne de gaz dans un immeuble avant de s’étendre en un clin d’œil aux bâtiments adjacents au contact de stocks de substances chimiques. Ces dernières, destinées à la fabrication de produits domestiques comme des déodorants, étaient illégalement entreposées au milieu d’appartements habités

Témoins et rescapés de l’incendie ont décrit à l’AFP des scènes d’enfer.

« Les explosions étaient si fortes que c’était comme une guerre. Les barils chimiques explosaient dans les étages supérieurs et des boules de feu tombaient dans les rues. J’ai vu des corps qui brûlaient partout sur la route », a raconté Haji Mohammad Salahuddin, un habitant du voisinage, grièvement blessé.

– Cohabitation dangereuse –

La virulence de l’incendie a été telle que les pompiers ont mis plus de douze heures à en venir à bout, ralentis par les difficultés d’accès au lieu du sinistre et le manque de réserves d’eau.

Ce drame a rappelé à Dacca un incendie similaire survenu en 2010 et qui avait fait 120 morts. Un sinistre déjà rendu très meurtrier par la présence de produits chimiques.

Image 2 : Les pompiers transportent le corps d’une des victimes de l’incendie de Dacca, le 21 février 2019

À la suite de ce désastre, les autorités avaient assuré qu’elles lutteraient contre le stockage de produits chimiques dans les zones résidentielles. Mais pour leurs détracteurs, aucune mesure décisive n’a été réalisée pour empêcher cette cohabitation à hauts risques.

« Après les propriétaires des entrepôts, la municipalité et les représentants de la loi sont principalement à blâmer pour ça », a dénoncé Abu Naser Khan, directeur du groupe de pression citoyen Poribesh Bachao Andolon, accusant les autorités de « fausses promesses ».

« Nous avons mis (les propriétaires) en garde. Mais c’est tombé dans l’oreille d’un sourd. Vous pouvez vous faire pas mal d’argent en louant des étages d’immeubles pour stocker des produits chimiques », a expliqué à l’AFP un résident du quartier, qui a demandé à rester anonyme.

Cadavres méconnaissables –

Sur les lieux du drame, les flammes ont laissé place jeudi à des scènes d’horreur et de désolation. Les restes calcinés de véhicules gisent sur la route. Des centaines de bombes de déodorant, soufflées par les détonations, sont éparpillées par terre.

« Il y avait un embouteillage quand l’incendie a éclaté. Le feu s’est propagé si vite que les gens n’ont pu s’échapper », a raconté Ali Ahmed, le chef du service national des pompiers.

Douleurs de proches de victimes après l’incendie qui a ravagé des immeubles d’habitation à Dacca, le 21 février 2019

Des centaines de personnes se sont précipitées à l’hôpital à la recherche de leurs proches disparus, mais les cadavres sont souvent si brûlés qu’ils sont méconnaissables.

« Parmi les victimes, il y a des passants, des gens qui étaient en train de manger dans des restaurants et des participants à une noce », a dit le commissaire adjoint de la police métropolitaine de Dacca, Ibrahim Khan.

La soudaineté des flammes a fauché nombre de victimes presque instantanément: « j’ai vu le corps carbonisé d’une femme qui tenait sa fille dans ses bras lorsque leur rickshaw a pris feu », a décrit un témoin.

Dans l’espace confiné d’une pharmacie, les pompiers ont découvert les corps sans vie de neuf personnes qui s’y étaient réfugiées. Elles avaient abaissé le rideau de fer pour se protéger.

Les incendies et effondrements de bâtiments sont fréquents au Bangladesh, pays pauvre d’Asie du Sud, notamment au sein de son importante industrie textile, en raison du non-respect fréquent de mesures et normes de sécurité.

En avril 2013, l’atelier de confection Rana Plaza s’était effondré comme un château de carte, tuant au moins 1.138 ouvriers. Ce drame avait soulevé un émoi planétaire.

AFP