« Il nous  a trahis  », «  il a renoncé  à ses valeurs », voilà  quelques expressions qui ont fusé ici et là en réaction de la participation de Monsieur Millimouno à l’investiture du Président Alpha Condé, élu pour un autre mandat.   Derrière ses expressions, se cachent une sollicitude. Cela est la preuve que le Président du Bloc Libéral représente quelque chose aux yeux des Guinéens d’où qu’ils soient.   Il est   rigoureux avec lui-même, il est constant, il est franc et sincère et a  refusé toutes les formes de compromissions.  Il a la force des idées et les ose.  En dix ans, il a montré qu’il était possible de combattre autrement un pouvoir autocratique en usant des méthodes et moyens pacifiques.

Il a refusé pendant la même période d’aller au gouvernement alors qu’il y a maintes fois été  sollicité. Il l’a fait au nom de son sens de l’Etat différent de celui du Président de la République à qui il s’oppose au nom des principes, des valeurs. Il  n’est pas opposé à une personne et cela ne devrait être pour aucun politique. Autrement, la beauté de la politique s’étiole, pour laisser place aux règlements de compte. S’il voulait varier pour son compte, il aurait sans nul doute été du nombre de ces ministres transfuges de l’opposition qui ont  battu campagne en faveur de la nouvelle constitution qui a permis ce que tous savons : un autre mandat pour le Président Alpha Condé.

Si Monsieur Millimouno  est tant respecté, c’est en raison de ses combats. Il a toujours eu une longueur d’avance sur ses camarades de l’opposition. En  2013, il était de ceux qui s’étaient opposés au choix de Waymark comme opérateur de révision de fichier électoral.  Les autres acteurs politiques ont appelé à aller à la législative en évoquant l’argument qu’un fichier électoral  ne pouvait pas être exempt de reproches et qu’aussi  les élections bâclées valaient mieux que l’absence d’élections.  L’opposition guinéenne venait de faire sa première compromission. On ne pouvait plus avoir aucun fichier électoral de qualité. Si un fichier électoral est de qualité douteuse, les chances de faire élire les choix du peuple s’amenuisent.

Aussi quand il s’est agi de  refaire le code électoral, il avait qualifié de « honte nationale »  son adoption en session extraordinaire  par les députés. Vertement, il avait tancé les députés et le président de l’Assemblée Nationale. Il avait dénoncé la trahison.  Par rapport, à la recomposition de la CENI en 2016, il s’était aussi fait entendre.  Pour s’être opposé à la présence des députés à l’Assemblée alors que leur mandat avait expiré, il s’est causé des ennuis judiciaires. Ses protestations lui ont valu d’être  placé sous mandat de dépôt et  sous contrôle judiciaire pendant huit mois.   Pendant huit mois,  il n’était pas libre de ses mouvements. Il ne pouvait même pas se rendre à Coyah sans l’avis du procureur.  C’est cela se battre pour des valeurs et avoir des convictions.

Monsieur Faya Millimouno n’a  pas participé aux consultations engagées par le Président de la République au sujet de l’adoption d’une nouvelle constitution. La position adoptée par le FNDC ne permettait pas à ce qu’il participe à une telle farce dont  l’issue était connue d’avance.  Il n’a pas aussi participé au double scrutin du 22 mars 2020, convaincu que ce serait donner une caution politique et morale au référendum  visait  l’adoption de la nouvelle constitution.  Il s’est refusé toute participation à la présidentielle du 18 octobre 2020. Aussi, il lui a paru  contraire aux  principes du FNDC tout soutien à un candidat qui participerait à une élection dont les résultats étaient préfabriqués. Le Président Alpha Condé avait l’administration publique, l’armée  à  sa solde. L’indépendance de la CENI était douteuse et la neutralité de la Cour Constitutionnelle était sujette à caution.

La CENI a déclaré le Président Alpha Condé vainqueur de la présidentielle du18 octobre, la Cour Constitutionnelle a confirmé sa victoire.  L’opposition à tout projet de changement de la constitution,  le combat pour l’alternance n’ont pas abouti malgré les efforts et sacrifices consentis par le peuple.  Nous voilà devant le fait accompli : ce que nous voulions empêcher est advenu.  Alors, il se présente deux choix : nier tout et vivre dans la bulle   ou reconnaître  l’échec d’une méthode, d’un choix. La première option a montré ses limites, les appels à manifester ne sont plus suivis, le peuple est las. Sa parole a été capturée et il ne s’est pas reconnu dans les combats engagés en son nom.  La seconde option est celle du courage et aussi du mea culpa et de l’appel à la repensée. Peut-on encore se mentir en pensant qu’Alpha Condé n’est pas élu pour un mandat de six ans, que le combat pour la défense de la constitution du 7 mai 2010 a encore un sens ?    Il ne faut pas vouloir  gagner un combat perdu.  Cela causerait d’autres dégâts.  Ce serait une faute morale et un contresens politique.

Oui, Monsieur Milimouno a varié. Mais comme il y a deux façons de varier, l’une défavorable, pour son compte ; l’autre favorable, pour l’intérêt commun, il convient de dire qu’il n’a pas varié pour son intérêt. Son opinion a changé, mais sa conviction n’a  bougé. On ne doit pas plaindre un homme pour avoir changé d’avis, pour avoir changé d’opinion  sur une question.

 Aujourd’hui, le rapport des forces est en faveur du Président Alpha Condé qui a dit tendre la main à tous les fils et filles du pays et qui a appelé à l’apaisement. Il convient donc  d’éprouver la sincérité de son appel à l’apaisement à travers une ouverture au dialogue, au compromis gages de la paix et de la stabilité politique.   Les centaines de Guinéens croupissent dans les prisons, des centaines de vies ont été injustement ôtées.  La communauté internationale est indifférente à la misère du peuple, les déclarations et condamnations tous azimuts de les organisations de la société civile et de défense de droits humains  ne sont pas entendues, les combats internes n’ont pas porté les fruits escomptés. Il faut changer de méthodes !   Il faut préserver les vies, rengainer les discours irresponsables et populistes. Il faut œuvrer à  la libération des prisonniers politiques et la manifestation de la  justice  pour les  victimes. La force a montré ses limites. Il faut accepter le dialogue.  La présence de Monsieur Millimouno à l’investiture du Président Alpha Condé  n’est pas un  acte de  reniement, mais un la preuve d’une maturité politique.

Ibrahima SANOH, citoyen guinéen.