L’ancien premier ministre guinéen dirigeait la mission d’observation électorale au compte des élections présidentielle et législatives du 22 novembre dernier au Burkina Fasso. Au cours de la mission, le chef de délégation et sa suite ont noté des avancées majeures dans le processus électoral. C’est en tout cas ce qu’on puisse tirer d’un compte rendu, publié sur la page Facebook de Kabine Komara. Avec un peu plus de cinq millions d’électeurs, les Burkinabé ont voté dans le calme. Aucune fausse note n’a été enregistrée avant, pendant et après les élections.
Lisez ci-dessous, le compte rendu complet !
Des candidats qui ont sillonné le pays pour battre campagne sans entrave aucune ! Une campagne électorale qui n’a connu aucune invective, ni propos haineux et désobligeants de la part des candidats , le tout dans une ambiance de respects mutuels !
Un jour de scrutin, avec certes des insuffisances logistiques, mais qui n’a quasiment enregistré aucune violence ni brutalité de la part de qui ce soit !Des opposants au nombre de 12, qui, l’un après l’autre reconnaissent, et dans leur quasi-totalité, la victoire du treizième arrivé en tête, à l’issue du scrutin à l’élection présidentielle !
Des opposants qui de surcroit publient une déclaration quasi unanime dans laquelle ils s’engagent, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation à renoncer à toute contestation ! Un Président de la République réélu dès le premier tour et dont les premiers mots sont de saluer ses concurrents tout en les invitant à se rassembler pour bâtir le pays !
C’est à se demander si cette idyllique situation ne décrit pas un pays qui relève de l’utopie dans une Afrique de l‘Ouest qui nous a donné récemment des signes inquiétants de vacillement sur le chemin de la construction de la démocratie. Et pourtant, ce pays existe bel et bien !Ce pays, c’est le Burkina Faso qui vient de nous servir une exemplaire leçon de démocratie apaisée, au terme du double scrutin présidentiel et législatif qui vient de s’y tenir.
En effet, ce 22 novembre 2020, 13 candidats, dont le Président sortant Roch Christian Marc Kaboré, ont sollicité le suffrage de 5 918 844 de leurs concitoyens pour briguer la Magistrature suprême.
Ce scrutin a aussi été couplé avec l’élection de 127 députés pour renouveler le Parlement.Le tout a été couronné ce 18 décembre 2020 par un arrêt du Conseil Constitutionnel consacrant l’élection du Président sortant avec un score 57,74 %.
Mieux, personne n’a accusé ce Conseil d’être au service du Pouvoir !Quels ont été les secrets de cette singulière réussite ?Avant tout il faut citer la volonté et la détermination de toute la classe politique burkinabé, opposition comme mouvance présidentielle, qui a engagé un dialogue constant durant toute la période préélectorale dans le but de trouver des solutions consensuelles aux questions potentiellement conflictogènes avant d’aller aux élections, à savoir la composition de la CENI, le Code électoral, le fichier électoral et surtout le processus de surveillance, de décompte, de centralisation et de publication des résultats aux différents échelons de la structure administrative.
Tout ceci a permis de signer un Pacte de bonne conduite au terme duquel tous les candidats se sont engagés à respecter les résultats sortis des urnes. A tout cela il faut ajouter l’activisme vigilant d’une Société Civile jalouse des acquis démocratiques obtenus de longue lutte et qui n’hésitait pas à s’auto saisir de tout sujet brulant pouvant compromettre le climat socio politique C’est aussi cette Société Civile Plurielle composée de femmes, de jeunes et d’hommes engagés pour leur pays qui a déployé des milliers d’observateurs vigilants, le jour du scrutin pour sillonner les bureaux de vote afin de relever les manquements et interpeller la CENI pour des mesures immédiates de remédiation.
Les Média ne sont pas demeurés en reste. Ils ont jalousement défendu leur objectivité, y compris les médias publics, sans tomber dans l’irresponsabilité, sous le regard vigilant d’un organe de Régulation qui a joué sa partition de neutralité.
Alors que tout le monde craignait des éruptions d’attaque en ayant à l’idée le syndrome malien, les services de défense et de sécurité du pays ont fait preuve d’anticipation ont su faire face au double défi de sécurisation des scrutins et de « containement » des assauts terroristes.C’est sur ces acquis initiaux que nous , Missions d’Observation Electorale, avons d’abord évalué l’état des préparatifs puis suivi les opérations de déroulement du scrutin y compris la centralisation des résultats.
Plus spécifiquement, quand le lendemain du scrutin, la publication des premiers résultats partiels par la CENI a provoqué émoi et effervescence à certains niveaux, nous n’avons pas manqué d’apprécier la criticité du moment pour engager immédiatement des initiatives de bons offices auprès des divers protagonistes du processus électoral pour éclairer les uns et les autres sur les enjeux ponctuels, faire toucher du doigt les vrais réalités au-delà parfois des perceptions parcellaires inhérentes chez tout compétiteur politique.
Fort heureusement le bon sens et l’esprit de responsabilité finirent par prendre le dessus sur toutes autres considérations. Des comportements de dépassement de soi et de patriotisme rarement observé ailleurs ! Mais le plus grand mérite de cette réussite de tout le processus électoral au Burkina est dû à la qualité d’écoute et d’ouverture des plus Hautes Autorités du pays qui ont compris que le Dialogue Sincère et la Recherche du Consensus sont indispensables pour engager des débats contradictoires et constructifs, débouchant sur des solutions qui emportent l’adhésion de la totalité sinon de la majorité des acteurs du processus.
Pour moi qui avais ressenti une certaine appréhension lorsque la CEDEAO m’a demandé de conduire sa Mission d’Observation Electorale au Burkina, je ne peux qu’applaudir des deux mains, face à cette grande prouesse qui consacre une réelle respiration démocratique dans ce pays confronté par ailleurs à de graves défis sécuritaires.
Toutefois, le Burkina a encore une grande marge de manœuvre pour approfondir et vivifier son système démocratique. Il pourrait ainsi édicter des règles plus contraignantes pour lever les diverses barrières afin de faire émerger plus de femmes aux différents postes électifs.
En particulier, il lui faudra davantage améliorer le taux d’enrôlement de ses femmes qui n’ont constitué que 48 % du fichier électoral actuel alors qu’elles constituent près de 52% de la population totale du pays. Il en est de même pour les jeunes, surtout ceux de la tranche d’âge de 18 à 25 ans qui n’ont constitué que 9,48% dans le fichier électoral, ce qui est nettement inférieur à leur poids relatif dans la population globale.
Nul doute que dans ce pays connu pour l’engagement citoyen de ses populations et la vivacité de ses débats démocratiques, quand ces importantes franges de la population restées jusque-là en marge du processus électoral s’engageront à exercer leur droit civique, le Burkina, le pays des hommes et femmes intègres, portera encore plus haut la très envieuse couronne de l’exemplarité démocratique ! Il reste à souhaiter que rien ne puisse arrêter à l’avenir cette vertueuse dynamique que vient le pays vient d’enclencher.
Ceci, pour le plus grand bien de ses populations et de la classe politique des autres pays de la sous-région qui devraient trouver là une opportune source d’inspiration !
Kabiné Komara
Ex Premier Ministre de Guinée