Après avoir imposé la forfaiture par la force, le dictateur putschiste fait vivre aux guinéens la tragi-comédie du partage du butin du hold-up constitutionnel et institutionnel. Dans son camp, on assiste à la frustration des uns et à la jubilation des autres dans un landerneau politique aux allures théâtrales. Ce capharnaüm au sommet de l’État pris en otage, enfonce davantage la Guinée dans les abysses de ses travers. Le dictateur putschiste sait que le décret de nomination constitue un appât par excellence de la clientèle opportuniste et prévaricatrice. Une fois cette clientèle servie, elle sert à son tour sa ribambelle de courtisans. C’est pour cette raison que les bénéficiaires de la soupe étatique, reçoivent des félicitations et des salamalecs de la part de proches et d’inconnus en quête de fond de marmite. L’autocrate connait parfaitement la psychologie du guinéen. Il sait qu’une fois dans la mangeoire d’Etat, il ne dira plus rien. C’est pourquoi, il fait rêver certains en les promettant d’être parmi les convives du festin de la forfaiture.
La Guinée est un pays qui se singularise par son paradoxe. Ce peuple face à la vigueur de l’oppression, s’inscrit systématiquement dans la résignation. Le fatalisme est l’un des traits de caractère du guinéen. La classe dirigeante l’a compris d’où son attitude arrogante et belliqueuse. Ceci est d’autant plus vrai que le premier ministre, Kassory Fofana a dit tout récemment que ceux qui contestent la victoire d’Alpha Condé, étaient contre la volonté de Dieu. C’est à se demander, de quel Dieu s’agit-il? Le coup d’Etat constitutionnel a pourtant connu son lot de massacres, de tortures, d’emprisonnements et d’interdictions de sorties du territoire d’opposants. Les jérémiades et les complaintes de l’opposition sont quasiment inaudibles. La situation politique ne fait guère augurer de lendemains meilleurs. À cela s’ajoute la décision paranoïaque du régime de fermer un certain nombre de frontières terrestres: une mesure contraire au principe de libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO ( communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). Les conséquences sur le plan macroéconomique seront très vite perceptibles car l’État renonçant aux redevances douanières inhérentes au commerce trans-frontalier avec ces pays. À cela s’ajoute l’impact négatif de la mesure sur les commerçants guinéens et ceux des pays concernés.
Le slogan du braquage constitutionnel et institutionnel « gouverner autrement » n’était qu’un leurre tout comme les incommensurables promesses d’Alpha Condé depuis plus de 10 ans. À quelques infimes exceptions près, nous avons assisté à des confirmations aux postes de manitous du système et à des jeux de chaises musicales. Au-delà de l’aspect répressif et antidémocratique du régime, les guinéens ont à faire à un système qui s’illustre effroyablement par sa médiocrité, sa cupidité et son incapacité à apporter le bien-être aux populations. En face, nous avons une opposition qui peine à mettre en place une stratégie pouvant lui permettre d’accéder au pinacle d’Etat. Pire, certains de ses cadres cherchent à monnayer leur visibilité médiatique contre des strapontins au sein de la mangeoire d’Etat. Cette attitude déshonorante est la principale cause du dégoût de beaucoup de guinéens pour la politique.
Il est temps que l’opposition guinéenne se ressaisisse et réfléchisse sur les voies et moyens lui permettant de peser dans le débat politique.
Par Abdoul Salamy Sylla