En s’adressant aux femmes, filles de la Guinée et du monde, l’ex secrétaire générale du CNTG et actuelle présidente du Conseil Economique et Social (CES), est longuement revenue sur l’importance de la journée du 08 mars, consacrée à la femme. Tout d’abord, elle a fait savoir au cours de cet entretien, que cette célébration est une occasion pour elles de faire le bilan de l’évolution de leur implication dans l’économie, le développement et leur participation à la prise de décision au sein d’une nation. Il s’agit de passer aussi en revue selon elle, des activités déjà réalisées par elles, et projeter tout de même, celles du futur afin de réconforter et positionner encore la femme dans la prise de décision surtout au sein de l’échiquier politique.
Maguineeinfos.com : Le 08 mars, une journée spéciale pour honorer et fêter la femme. Alors qu’est-ce cela vous inspire en tant que femme ?
Hadja Rabiatou Sérah Diallo : Pour moi, c’est une journée à laquelle, femmes, hommes, jeunes et vieux, de tout bord, doivent s’impliquer. Je pense que la femme doit avoir sa place au sein de la société pour le développement du pays. C’est pourquoi, toute société qui évolue sans cette couche féminine, est une société vouée à l’échec. Même Dieu nous confère beaucoup plus de longévité. Regardez dans les familles où les femmes décèdent en premier, l’éducation des enfants se rate parce que la femme joue un grand rôle, dans la famille, au bureau, au village. C’est elle qui se lève la première et se couche la dernière. Alors cette journée va nous permettre de faire le bilan du niveau d’implication des femmes dans l’économie, le développement et sa participation à la prise de décision au sein d’une nation. C’est aussi une occasion pour nous de méditer, qu’est-ce que j’ai été hier ? Qu’est-ce que je suis aujourd’hui ? Qu’est-ce que je dois faire demain pour faire avancer mon pays ? A quel niveau je dois m’impliquer ? Qu’est-ce que je dois faire pour ne pas que ces femmes aussi se sous-estimes ? On lutte aujourd’hui pour l’égalité entre hommes et femmes mais, on a pas à pleurnicher parce que nous en avons la capacité et la force. Néanmoins, nous en sommes conscientes quand même que l’on ne nous fera pas de cadeau et il faut l’arracher. L’arracher, ce n’est pas notre façon de faire, de nous impliquer dans la vie de la nation à tous les niveaux.
Regardez lorsque les programmes d’ajustements sont venus, ce sont les femmes qui ont perdu beaucoup plus d’emploi mais qui se sont retrouvées dans le secteur informel. Et, dans les foyers d’aujourd’hui, lorsque vous faites les statistiques, c’est un bon nombre de femmes qui font l’équilibre de la famille car, tu trouveras que les enfants, le mari ou la femme ne travaillent pas, mais la femme est là pour résoudre tous ces problèmes.
Alors une question de précision madame, à quand on a parlé officiellement de ce mois de femme ?
Depuis 1910, on a parlé de cette journée. Mais, ce n’est qu’en 1917 qu’on a pu mettre sur pied la fête internationale de travail. Et en 1977 précisément, des Nations Unies et la France se sont aussi impliquées pour que cette journée soit une journée internationale de la femme. Tout cela doit éveiller la conscience des uns et des autres que la femme a un rôle à jouer. Alors il faut qu’on profite parce que lorsqu’un président de la république nous rassure qu’il dédie son mandat aux femmes et aux jeunes, il faudrait qu’on sente que réellement qu’on occupe cette place dans notre société. Cette année d’ailleurs, le thème central choisi est l’autonomisation des femmes en république de Guinée. Alors tout ceci me dit que c’est une journée au cours de laquelle nous devons pouvoir méditésque ce soit au plan national, en Afrique et dans le monde, chacune d’entre nous doit réfléchir sur l’implication dans le développement de nos pays.
De l’avis de certains Guinéens, cette célébration met carrément parfois de côté cette journée de 08 mars au dépend des festivités telles que la danse et autres. Qu’en dites-vous ?
Que ces gens se détrompent ! Vous savez les femmes constituent la vie comme l’eau. Lorsqu’elle est contente, elle pleure. Lorsqu’elle est fâchée, elle pleure également. Donc pour éviter tout cela, la femme c’est la joie. Alors c’est dans cette joie qu’elle peut trouver solutions à tous les problèmes. Pour moi c’est en chantant et dansant qu’elle mobilise et fait tout. C’est pourquoi elle ne doit pas avoir une vitesse de marche arrière mais celle d’aller de l’avant. Mais quand par exemples les responsables politiques font leurs listes, ils les relèguent toujours au second plan. Sinon en principe lorsqu’une femme fournisse un effort, faudrait qu’on reconnaisse sa valeur. Encore une fois, je pense que chanter-danser, font partie de la vie. Quand tu chantes, tu danses, ça te fait oublier beaucoup de soucis et ça joue sur la santé humaine. Dieu a créé la femme dans cette ambiance et il faut l’accepter telle mais, cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas participer aux prises de décisions, bien au contraire.
Vous avez été activiste et vous vous êtes beaucoup battue pour l’amélioration des conditions de vie côté hommes et femmes. Etes-vous d’accord aujourd’hui que la femme guinéenne est en train de vivre dans les meilleures conditions ?
Je ne suis pas satisfaite et il faut se dire la vérité que c’est un cri de cœur. C’est pourquoi la lutte continue et d’ailleurs c’est pour cette raison que cette journée doit être inscrite en règle d’or car, tant que l’objectif visé n’est pas atteint, je pense que nous devons nous mobiliser, lutter afin d’accéder à ce que nous voulons être lorsque nous voulons parler de l’égalité entre hommes et femmes. Encore une fois, je dirais que je ne suis pas totalement d’accord lorsque les gens pensent que la femme guinéenne vie dans les conditions les meilleures. Honnêtement parlant, il y a même un recul. Lorsque je me réfère des temps de Jeanne Martin Cissé et de Hadja Mafori, ce que la femme était, le rôle qu’elle a joué et continue à jouer dans le gouvernement de prise de décision. Quand le président était venu en 2010, il y avait 8 femmes mais aujourd’hui nous n’avons que 4 dans le gouvernement. Et c’est déjà un recul. Donc il faut qu’on sache alors pourquoi cette diminution, pendant que les postes clés ont été confiés aux femmes parce qu’elles réfléchissent et gèrent mieux. Je ne suis pas en train de dire que la femme ne fasse pas de dégâts mais elle en fait moins. Alors pourquoi nous femmes, nous n’avons pas pouvoir maintenir cela. Aussi, il ne faudrait pas qu’on utilise les femmes pour détruire les femmes. Il faudrait que nous soyons soudées afin que nous puissions avancer.
Malgré les sensibilisations, discours et autres, la problématique à laquelle les femmes sont confrontées reste les violences basées sur le genre et surtout avec ce cas récent de Mali. Alors comment vous expliquer cette situation qui était peu connue dans les temps anciens mais qui est récurrente de nos jours ?
Lorsque je vous parle de recul, ce sont tous ces aspects. C’est pour cela, toutes les organisations qui sont sur place, doivent profiter ensemble pour sensibiliser, motiver pour que chacun puisse comprendre la portée de ces violences faites aux femmes. Nous ne sommes pas au siècle où aujourd’hui on maltraite une femme ou on viole une petite fille qui vient de naître ou même des personnes âgées qui n’ont pas de forces. Ce n’est pas normal et je pense chacun a un rôle à jouer. Nous les femmes qui sont victimes, les ONG, la société civile, les partis politiques, les religieux, la sécurité, tout le monde doit pouvoir participer afin d’éviter ces violences.
Les gens qui commettent ces crimes doivent être punis à la hauteur de leur forfaiture. Mais si on reste sans punir, c’est ce qui fait que ça se multiplie. Il faudrait aujourd’hui que chacun se mobilise dans son secteur pour barrer ce chemin à cette violence faite aux femmes. Ils oublient que la femme ne peut jamais oublier ces genres de choses car, c’est elle qui donne naissance à un chef d’Etat, à un ministre et qui éduque un Directeur ou qui que ce soit. Alors pourquoi violenter cette femme alors que le dialogue est là ? Mais de nos jours, on dirait que chacun a démissionné dans cette responsabilité, que ce soit l’Etat, homme, les autorités à tous les niveaux. Pourtant, nous devons faire en sorte que la future génération ne prenne pas un lourd fardeau d’héritage devin. C’est à nous les aînés de donner un bon exemple aux jeunes.
Quel est aujourd’hui cet appel que vous lancez à l’endroit de ces femmes qui se livrent aux mauvaises habitudes, telles que la prostituions, le vol des enfants d’autrui ?
Il faut que cela cesse et que ces femmes se ressaisissent, surtout celles qui ont pris cette habitude. Mais tout cela, vous comprendrez que c’est la méconnaissance de nos textes de loi. Sinon, la loi guinéenne est en faveur de la femme. Si je prends l’exemple d’un foyer polygame, une femme qui n’a pas fait d’enfant et que le mari décède, tu entendras les parents ou d’autres personnes dire que cette femme n’a pas droit à l’héritage alors que la loi dit que chaque 5 ans est égale un enfant. Il faudrait que celles qui ne connaissent pas se renseignent et que celles qui en connaissent les sensibilisent sur la connaissance des droits et devoirs. Alors ces femmes qui s’inscrivent dans cette logique, qu’elles arrêtent de se comporter ainsi, et comprennent que vivante ou morte, on parlera toujours de toi à travers ton passé et tes bienfaits ou mauvais.
Aujourd’hui on pense que l’équité entre homme et femme devrait forcement être une réalité. Mais par endroit, certains disent qu’elles ne se battent pas comme les hommes. Alors que direz-vous à nos lecteurs afin de lever l’équivoque-là ?
Je ne suis pas du tout d’accord. Les femmes se battent belle et bien mais c’est qu’il y a une discrimination et l’ignorance entraîne aussi quelque fois. En 2010 par exemple, nous avons eu des femmes qui ont été candidates à l’élection présidentielle comme Hadja Saran Daraba. En 2015, on avait aussi une autre qui était candidate. Ça c’est déjà encourageant et c’est pour vous dire qu’elles se battent. Le faite qu’au Libéria on a eu Hélène Jonshone comme présidente, et aussi celles qui dirigent des pays ou qui sont vice-présidentes. Pourquoi pas en Guinée ou ailleurs ? Ce n’est pas le monde à l’envers. Cela dépendra du comportement de chacune de nous les femmes. C’est-à-dire qu’est-ce qu’on veut réellement ? Si tu décides d’atteindre tes objectifs, alors tu te mets au travail et sans faire de discrimination pour que les hommes aussi puissent comprendre. Qu’on change surtout la mentalité des uns des autres. Même avec ton mari, tu peux lui changer la mentalité en lui faisant comprendre, sans pour autant montrer que tu as beaucoup plus de moyens que lui ou encore, plus instruite que lui, non. C’est alors à travers le dialogue que tu pourrais lui ramener à la raison. Cela est valable pour tout un chacun. Moi en 2000, si c’était seules les femmes qui devaient voter, elles ne pouvaient pas me porter secrétaire générale à la tête de la CNTG. Mais elles ont fait du lobbying en approchant les hommes pour leur faire comprendre est-ce qu’on pouvait confier la responsabilité aux femmes pour voir qu’est-ce que cela pouvait nous apporter, et nous l’avons pas regretté car j’ai laissé les traces pendant les deux mandats que j’ai eu à faire. C’est vous dire que ce que la femme peut faire parfois, l’homme ne peut atteindre ce niveau. Alors il faut que les femmes osent, qu’elles affrontent le mal en face pour arracher cela.
Alors pour clore Madame ?
C’est justement souhaiter bonne fêtes aux autorités guinéennes, à tout le peuple de Guinée, mais aussi et surtout à toutes les femmes du monde, que tu sois blanche ou noire, qu’on sache que nous avons les mêmes problèmes, de se tenir, aller de l’avant, et ne pas se sous-estimer. En tout cas, le 08 mars va une fois encore nous permettre de faire le bilan sur des activités passées et projeter celles du futur afin de réconforter et positionner encore la femme dans la prise de décision.
Propos recueillis par Sâa Robert Koundouno