VIOLENCES. La mort d’un élève de 20 ans, la suspension de deux médias et la multiplication des affrontements rendent la situation de plus en plus périlleuse.

La tension ne cesse de monter au Sénégal et la situation est de plus en plus périlleuse depuis l’arrestation, ce jeudi, de l’opposant Ousmane Sonko. Le pays vient d’enregistrer un premier décès alors que les autorités ont suspendu deux télévisions privées accusées d’attiser les violences et que des médias jugés proches du pouvoir par l’opposition ont été attaqués dans la soirée. « Il y a un décédé parmi les manifestants à Bignona », en Casamance (Sud), a indiqué à l’AFP un commandant de la gendarmerie.

Dans le labyrinthe d’une affaire de viol

M. Sonko, 46 ans, devait être entendu sur des accusations de viols et menaces de mort déposées contre lui par une employée d’un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos. Personnalité au profil antisystème et au discours impétueux, le député réfute ces accusations, dévoilées début février dans la presse. Il crie au complot ourdi par le président Macky Sall pour l’écarter de la prochaine présidentielle. Le président a démenti. « Nous exigeons une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances du décès du jeune Cheikh Coly, 20 ans » à Bignona, avait auparavant tweeté le directeur d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama.

Heurts à Dakar et en province

Les manifestations « ont donné lieu à des actes regrettables de vandalisme et de violence, ayant malheureusement conduit à une mort d’homme en la personne de Cheikh Ibrahima Coly », a confirmé le gouvernement en condamnant « fermement les actes de violence, les pillages et destructions », alors que le pays ouest-africain est réputé pour sa stabilité. À Dakar, des groupes de jeunes et les forces de l’ordre avaient échangé mercredi des jets de pierres et des tirs de gaz lacrymogènes. Les médias et les réseaux sociaux ont rapporté le pillage de magasins. Les heurts se sont poursuivis jeudi, notamment sur le campus de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, où des dizaines d’étudiants affrontaient en fin d’après-midi les policiers en leur lançant des morceaux de parpaings, selon des journalistes de l’AFP. Des heurts ont été rapportés dans d’autres villes, y compris en Casamance, où M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme l’un des principaux candidats à celle de 2024, bénéficie d’un fort soutien.

Médias dans l’œil du cyclone

Dans la soirée, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a annoncé suspendre pour 72 heures le signal de deux télévisions privées, Sen TV et Walf TV, à qui il a reproché la diffusion « en boucle des images de violence ». Le gouvernement « met en garde contre la couverture tendancieuse des événements par certains médias, de nature à attiser la haine et la violence », a-t-il aussi dit dans son communiqué. Jeudi soir, le siège de médias jugés proches du gouvernement a été visé par des manifestants en colère. « Nous avons été attaqués à coups de cocktail Molotov et de grosses pierres. Les assaillants étaient nombreux. Ils ont cassé des véhicules et des vitres. Nous avons utilisé dès extincteurs. L’attaque a duré au moins un quart d’heure », a déclaré à l’AFP Daouda Mané, directeur des rédactions du quotidien gouvernemental Le Soleil. Un journaliste de la radio RFM, appartenant au groupe de presse privé du chanteur et ancien ministre Youssou N’Dour, El Hadji Assane Guèye, a fait état de « dégâts importants », dont « au moins une voiture brûlée », aux abords de sa rédaction.

Sonko à nouveau attendu au tribunal ce vendredi

Les avocats d’Ousmane Sonko ont pour leur part indiqué à l’AFP que le député était à nouveau attendu au tribunal vendredi. « Il sera conduit demain de gré ou de force chez le magistrat instructeur », a déclaré l’un d’eux, Abdoulaye Tall. Lors de sa garde à vue, le député a gardé le silence pour « protester contre les violations » de ses droits, selon un autre de ses avocats, Cheikh Khouraissy Ba. Le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome a justifié l’arrestation de M. Sonko par l’interdiction des rassemblements édictée à cause du Covid-19 et par un plan de circulation mis en place par les autorités.

Source: lepoint.fr