La Guinée est, depuis plusieurs mois, confrontée à des crises socio-politiques et économiques sans précédent. Et la situation va en crescendo de mal en pire avec la rupture du dialogue politique. De l’inflation à la hausse des prix des denrées alimentaires, d’arrestation en emprisonnement des leaders politiques et d’opinions, les guinéens se retrouvent dans une profonde impasse politico-sociale. A cela, s’ajoutent: la précarité, le chômage et sous-emploi et manque de formation de qualité. Une situation qui hante plus d’un. Pour en parler du fond en comble de cette triste réalité, notre rédaction a tendu son micro à Monsieur Mohamed TALL, ancien ministre de l’élevage et directeur de cabinet de Monsieur Sidya TOURE. En huit (8) questions, Mohamed TALL, passe en revue sur la situation socio-politique et économique du régime d’Alpha CONDE.
Quelle lecture faites-vous sur la situation politique en Guinée ?
Nous assistons à un recul extraordinaire de l’Etat de droit. Le Président Alpha CONDE a centralisé tous les pouvoirs à son niveau. Les institutions sont toutes soumises à sa volonté et l’espace de liberté s’est considérablement réduit. Nous avons tous assisté à la violence d’Etat qui s’est abattue sur les manifestants dans le cadre des manifestations organisées par le FNDC. On avait cru qu’après l’obtention de son troisième mandat, Alpha CONDE aurait cherché à apaiser la situation afin que la priorité soit donnée aux questions de développement du pays. Malheureusement, après l’élection et son investiture, il a continué à persécuter l’opposition. Nous avons aujourd’hui des centaines de prisonniers d’opinion et plusieurs responsables politiques et de la société civile en exil. La liberté d’expression a presque totalement disparu et toute critique du pouvoir en place, surtout, celle à l’encontre du Président Alpha CONDE est susceptible de conduire son auteur en prison. Au niveau des médias, le travail visant à contrôler les principaux médias est bien avancé. Au plan de la gouvernance, la corruption n’a pas baissé et le gouvernement, dans un contexte qu’on pourrait qualifier de récession économique, fixe des objectifs assez irréalistes en matière de recouvrement des recettes fiscales. Comment peut-on imaginer qu’on puisse doubler les recettes fiscales alors qu’il y a de moins en moins d’investissements et le climat social est de plus en plus délétère sans compter les défaillances de nos institutions qui deviennent de plus en plus préoccupantes.
Pensez-vous qu’un dialogue politique sincère qui permet de sortir de la crise est envisageable entre les acteurs ?
Cette idée a été lancée par l’UFR, à l’initiative du Président Sidya TOURE pour tenter de trouver une issue à la crise que connaît notre pays. Malheureusement, cette proposition n’a pas eu de suite favorable. Clairement, la volonté politique fait défaut au niveau des autorités pour apaiser les tensions et trouver des solutions de manière consensuelle. Le pouvoir continue de s’inscrire dans une logique de rapports de forces qui ne profitera in fine à personne. Il est vraiment temps pour les responsables de notre pays d’adresser les questions de développement de manière à alléger les souffrances de nos concitoyens.
Selon vous qu’est-ce qui pourrait expliquer la décision du Président Alpha CONDE de laisser Cellou Dalein DIALLO sortir hors du pays ?
Cette décision ne peut pas s’expliquer dans un État qui se veut respectueux des droits de l’homme. Elle s’inscrit dans la logique de musellement de l’opposition. Avant Cellou Dalein DIALLO, le Président Sidya TOURE avait été empêché de sortir pendant plus d’un mois. Il a fallu de nombreuses interventions de plusieurs chefs d’états de la sous-région pour qu’il puisse sortir. Le régime se radicalise et il agit désormais en dehors du cadre légal.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que le parti UFR est déjà mort?
Ce sont des gens qui sont soit de mauvaise foi, soit qui sont mal informés sur la situation réelle de l’UFR. Dans un contexte de dépression collective et de tensions intercommunautaires, le Président Sidya TOURE reste la solution pour le pays. En plus de ses compétences avérées, il est aujourd’hui le seul leader politique en Guinée capable de fédérer l’ensemble des guinéens. Dans le contexte actuel de notre pays, c’est une condition sine qua non et les guinéens en sont de plus en plus conscients. Nous avons perdu trop de temps et je suis certain que la plupart de nos compatriotes vont regretter le fait que la Guinée n’ait pas pu davantage profiter des compétences et des qualités d’homme d’Etat du Président Sidya TOURE. Je suis convaincu que pour la prochaine élection, les guinéens, dans leur écrasante majorité, lui accorderont leur confiance pour diriger notre pays et le sortir enfin de la misère.
Une opposition unique pour barrer la route à Alpha CONDE est-elle la meilleure ou la seule solution ?
La solution, me semble-t-il, réside dans la fiabilité de nos institutions et des organes de gestion des élections. Tout le monde est conscient des limites du pouvoir actuel. Le rejet d’Alpha CONDE et de son régime est total. Le pouvoir a perdu sa légitimité et il ne se maintient plus que grâce à la force.
Quel est le constat aujourd’hui entre la jeunesse et la politique dans le pays ?
Après tant de sacrifices et d’attentes déçues, la jeunesse est quelque peu désemparée et est en plein doute sur son avenir. La gouvernance actuelle a créé les conditions d’une déprime collective en n’offrant aucune perspective. Le jour où des perspectives s’ouvriront, je pense que cette jeunesse se montrera responsable et fera des choix de manière lucide et dépassionnée. En attendant, avec la misère qui s’accroît, la réaction des guinéens et plus particulièrement, celle de la jeunesse, pourrait surprendre. J’ai confiance en la jeunesse de notre pays.
Nous constatons le taux de chômage qui grimpe du jour au lendemain avec la mise à disposition sur le Marché des nouveaux diplômés qui ne correspondent pas souvent aux attentes des employeurs. Selon vous qu’est-ce qui pourrait expliquer ce manquement ? Quelle solution envisagez-vous pour remédier à ce fléau ?
L’éducation est le principal facteur de développement. C’est pourquoi l’UFR fait de l’éducation une de ses principales priorités. Notre système éducatif s’est énormément détérioré. La solution est de mettre à niveau notre système éducatif. Pour ce faire, d’importants efforts doivent être faits dans la construction des infrastructures scolaires et universitaires. Nous devons également améliorer le contenu de l’enseignement et cela implique nécessairement l’amélioration du niveau de nos enseignants. Le système éducatif doit permettre à nos élèves et étudiants de mieux posséder les outils de travail dans une entreprise, de développer l’esprit d’initiative et leur capacité à comprendre les enjeux et les mécanismes économiques au niveau de la Guinée, de la sous-région mais aussi au niveau international. Nous devons également développer la formation professionnelle qui est extrêmement importante dans l’accompagnement du développement économique. Pour améliorer les performances de notre économie, nous devons davantage mettre l’accent sur la science et la maîtrise des nouvelles technologies de l’information.
Comme vous pouvez vous en douter, tout ceci ne peut pas se faire par un coup de baguette magique. Il faudrait du temps, de la vision et une bonne organisation pour y parvenir.
Beaucoup de jeunes veulent se lancer dans l’entrepreneuriat sans succès et sont confrontés à d’énormes problèmes de financement, de formation et parfois d’organisation. D’abord quelle solution envisagez-vous et Pensez-vous que l’entrepreneuriat est un impératif pour le développement ?
L’entrepreneuriat est au cœur de la problématique de l’emploi. La lutte contre le chômage passe par un secteur privé structuré et performant. Je pense qu’on est obligé d’encourager l’esprit d’entreprise et inciter les jeunes surtout à créer des entreprises. Cela ne pourrait se faire si, au préalable, nous n’avons pas réglé un certain nombre de problèmes. Nous devons créer un climat favorable au secteur privé. Nous devons régler les problèmes de gouvernance, améliorer le fonctionnement de nos institutions, améliorer l’accès au financement et nos infrastructures telles que les routes, la fourniture d’énergie, notre capacité à accéder à internet…
Je tiens à insister sur le fait que l’enjeu principal de nos économies est la compétitivité, donc la productivité qui est au cœur des enjeux économiques du moment. C’est pourquoi, je pense qu’il est fondamental d’améliorer notre accès aux nouvelles technologies de l’information, de mieux les maîtriser, et de faire davantage d’efforts dans le domaine de la science afin d’améliorer nos capacités d’innovation. D’ici là, nous devons mieux nous organiser pour améliorer la production de notre économie, stabiliser les principaux indicateurs, améliorer d’une manière générale la gouvernance afin d’avoir une croissance inclusive assez forte sur plusieurs années.
Entretien réalisé par Sadamadia pour www.maguineeinfos.com