Depuis quelques années la Guinée reste plongée dans des Cascades de crises sans précédent. Face à cette situation, le secteur économique est l’un des plus touchés. Les raisons de cette vie chère des citoyens, sont selon des spécialistes, liées entre autres, à l’inflation, à l’apparition et propagation de la pandémie du Coronavirus, mais aussi de l’investissement de plusieurs fonds intérieurs de l’État dans l’organisation des différentes élections.

Pour faire un Zoom sur ces difficultés qui plongent la Guinée au fond du trou, votre quotidien en ligne www.maguineeinfos.com a questionné un enseignant chercheur, qui a mis à nu les raisons de cette triste réalité. Avec Ibrahima Sanoh, nous avons décortiqué la véritable problématique de l’économie guinéenne.

Lire ci-dessous, l’interview intégrale !

Quelle analyse faites vous de la situation économique de la Guinée ?

L’économie guinéenne a connu une contraction en 2020 en raison des chocs d’offre et de demande dus à la COVID-19. Cela n’a pas été sans conséquences. Les trêves fiscales ont été accordées aux entreprises pour les aider à se relever de la crise économique induite par la pandémie liée au coronavirus, les mesures sociales ont été adoptées en faveur des ménages (prises en charge des factures d’eaux et d’électricité , des frais de transport dans les transports en commun détenus par l’Etat ) ; ce qui a contribué à faire exploser les dépenses courantes qui sont passées de 23,6 % en 2019 à 37, 7 % . Sous l’effet de la COVID-19, les dépenses d’investissement se sont contractées, notre économie a enregistré un déficit budgétaire hors dons de – 4 ,5 % du PIB. En décembre 2020, le taux d’inflation en glissement annuel était de 10,6 %, bien que modérée , cela traduit que les prix ont généralement augmenté et que si la tendance se maintenait , ils augmenteraient dans la durée .

Depuis un certains temps nous assistons à la montée inquiétante du prix des denrées alimentaires. Pensez vous que c’est la résultante d’une mauvaise gouvernance ou les conséquences du Covid-19 ?

La COVID-19 a révélé les défaillances structurelles de notre économie : problème de gouvernance économique et politique , faible diversification de notre économie traduisant l’absence de modèle productif et aggravant la vulnérabilité de notre économie face aux chocs , faible mobilisation des ressources internes, problèmes d’infrastructures , faibles investissements dans l’éduction et la santé , distorsion dans la production des informations surtout statistiques.
Pendant les cinq dernières années notre pays a connu une forte croissance économique, mais cela n’a pas conduit à la baisse du niveau de chômage ni chez les actifs diplômés ni de façon générale et aussi à la baisse de la pauvreté qui a augmenté aussi bien en incidence qu’en profondeur et sévérité. Malheureusement, on veut partager la prospérité qui est mal assurée. La charrue avec les bœufs !

L’inflation à laquelle nous assistons s’explique par ces raisons :
Premièrement, en raison de la COVID-19, les prix des produits énergétiques ont augmenté au niveau mondial de 16,1 % en 2020, ceux des produits alimentaires de 7,2 %. L’indice des prix des produits pétroliers a baissé en 2020 en lien avec la baisse de la demande mondiale. En 2021, en raison de la reprise mondiale annoncée, cette demande mondiale sera de 5,4 millions de barils par jour. La hausse du prix du pétrole, engendra une hausse des prix en Guinée.

Secundo , la masse monétaire a augmenté de 23 % en 2020 par rapport à 2019 et les créances de la BCRG sur le secteur public se portaient à la même date à 35 % contre 8 % sur le privé. Voilà une politique monétaire non conventionnelle consistant à la monétisant du déficit de l’Etat. Cela n’est pas sans conséquences . Il ne faut pas oublier qu’en 2020, la Guinée a organisé trois grandes élections et sur ressources propres dans un contexte de contraction de son activité économique , de baisse de ses recettes fiscales . Cela a contribué à l’explosion des dépenses courantes.

Cette inflation n’est pas « importée ». Elle s’explique , selon les chiffres du Ministère de l’Economie et des Finances par : la hausse des coûts de transport (25,4 %) , la hausse des prix des produits alimentaires ( 12,2 %) , et aussi par une inflation sous-jacente ( 10,1%). La vérité est que la hausse des prix mondiaux (produits alimentaires et non énergétiques) accompagne l’inflation mondiale, ce qui favorise les exportations dans un régime de change flottant comme le nôtre. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé : la hausse des expéditions d’or ( 114, 8 % ) , de la bauxite ( 37, 5 %) , du diamant ( 3, 6 %), aussi des produits agricoles dont le cacao ( 636, 7 %) , des exploitations forestières ( 53 %) et des produits de pêche ( 313, 8 %). Cette hausse des prix mondiaux décourage quelque peu les importations, cela a aussi été le cas de la Guinée : les importations n’ont augmenté que de 32 % en lieu avec ceux du sucre ( 48, 5 %) et du riz ( 7, 5 %). Cela entraîne une amélioration de la balance des paiements courants (excédentaire dans notre cas) et une augmentation des réserves internationales, elles sont de l’ordre de 3, 9 mois d’importations et au-dessus de la moyenne sous régionale ; aussi une élévation rapide du franc guinéen par rapport aux devises principales. Cela a pour effet d’annuler les hausses des prix extérieurs, la hausse du taux de change du pays empêche l’importation de l’inflation mondiale .

Depuis maintenant 15 ans, notre pays n’arrive pas à mettre les monnaies pièces en valeur. Ne pensez-vous pas que la politique monétaire est bancale ? Quelle stratégie préconisez vous pour remettre les pièces dans la circulation ?

Les petits billets ainsi que les monnaies métalliques ont disparu dans la circulation. Notre capacité de production est faible. Avec 50 ou 100 francs , on ne peut plus acquérir un bien en Guinée. Il serait bien que ces petites monnaies circulent, pour cela , il faudra accroître quantitativement et qualitativement notre niveau de production nationale . Cela se fera par le remodelage du système productif. Cela est d’une urgence médicale.

Pensez-vous que l’intégration dans une monnaie sous-régionale permettra à la Guinée d’avoir une gestion rigoureuse de nos finances ?

L’intégration monétaire sous régionale permettra de faciliter les transactions commerciales entre la Guinée et les autres pays de l’union. Aussi de soustraire notre banque centrale (autonome et indépendante dans les statuts , mais inféodée à l’exécutif dans la pratique ) de l’influence des politiques, cela mettrait de la rigueur dans la gestion de nos finances.
Mais ce n’est pas le gage de la réussite dans notre développement économique. La question du régime est d’une importance capitale dans une union monétaire et aussi des instances de gestion de la monnaie. Le cas du franc CFA montre que le régime de change fixe avec l’Euro est une mauvaise idée car le dollar américain est le plus présent dans les échanges internationaux, aussi qu’il faudrait peut-être arrimer le CFA a un panier de devises ou le rendre flottant. Mais la centralisation des réserves de changes au Trésor français est aussi une mauvaise idée. Ces réserves stériles pourraient être utilisées à d’autres fins.
Même avec notre propre monnaie, à condition de bien la gérer et d’opérer des choix économiques conséquents, nous pouvons avoir des résultats économiques élogieux.

Pouvons nous compter sur les investissements miniers et la fuite vers le secteur tertiaire pour notre développement DURABLE ?

Les investissements directs étrangers vers le secteur minier guinéen ont augmenté depuis 2011 avec l’adoption d’un code minier attrayant. Les mines contribuent à hauteur de 80 % aux apports de devises étrangères, à moins de 21 % des recettes fiscales – les exonérations fiscales accordées au secteur sont pour quelque chose ; elles ont créé moins de 20 000 emplois et sont sans effets d’entraînement avec les autres secteurs. Surtout, il ne faut pas oublier qu’elles ont des externalités négatives très grandes.
Pour ma part, il ne faudrait pas faire des mines le pilier principal de notre économie. Il faudra redéfinir les piliers de notre économie et y donner une place de choix à l’agriculture .

Maguineeinfos.com