Et si, en pleine crise mondiale, l’Afrique nous surprenait encore ? Malgré les disparités entre régions, plusieurs singularités économiques sont partagées par de nombreux pays, bien plus que sur les autres continents : foisonnement du petit entrepreneuriat, informalité massive du travail, explosion démographique de la jeunesse, importance du secteur agricole.
C’est justement cet ensemble de singularités qui permet aujourd’hui à l’Afrique, que de nombreux observateurs estimaient si « mal partie » à la fin du XXe siècle, d’entrevoir un avenir optimiste. Et ce, précisément à l’heure où la planète fait face à la plus grande crise sanitaire et économique que le monde moderne ait eu à subir.
Concernant le Covid-19, rien n’est encore joué. Mais les africains ont su résister à un choc sans précédent. Et même si la chute de l’activité économique du continent (-2,6%) marque une rupture avec la croissance des années précédentes, elle est bien moins lourde que celle observée à l’échelle mondiale (-4,4%).
Les questions soulevées nous projettent vers l’avenir. Car les choix, à l’échelle des Etats et du continent, se font aujourd’hui et ils sont cruciaux. Pour développer le secteur privé, faut-il dépasser les seules réformes de l’environnement des affaires ? Comment répondre aux aspirations d’une population particulièrement jeune arrivant sur le marché du travail ? Alors qu’il est le premier pourvoyeur d’emplois dans la région, comment le secteur agricole en Afrique de l’Ouest doit-il se réinventer pour concilier deux objectifs fondamentaux ; obtenir de meilleurs rendements et préserver la biodiversité et l’environnement ? Enfin, à l’heure ou l’Eco succède au franc CFA, quel choix pour les régimes de change : vers plus ou moins de flexibilité, au risque de malmener la stabilité monétaire si prisée par les banques centrales ?
Ain de balayer la première et probablement la plus prégnante des idées reçues – la pauvreté -, je rappelle qu’entre 2000 et 2018, le taux de croissance annuel moyen du produit intérieur brut (PIB) des pays d’Afrique a atteint près de 7,2%.
Et ce qu’on appelle le « taux de pauvreté » (soit le fait de vivre avec moins de 1,90 dollar par jour), bien qu’encore élevé (37,9% de la population), a diminué de plus de 9 points. De facto, la vision qu’ont nombre de grandes entreprises et d’investisseurs internationaux évolue. Pour beaucoup, l’Afrique est désormais envisagée comme une terre d’opportunités.
Et une terre qui ne manque pas de bras, c’est une des particularités de l’économie africaine : la jeunesse de sa population – et son nombre. Un seul chiffre à retenir : en 2070, un jeune sur deux dans le monde sera africain. Or, l’intégration de cette jeunesse sur le marché du travail est un défi d’ampleur : il faudra lui fournir beaucoup plus d’emplois qu’aujourd’hui. De surcroit, ces générations seront de plus en plus éduquées. Prenons par exemple la proportion de la population en âge d’aller au primaire : elle a crû de 59 % à 79 % ces dernières années – notamment grâce aux investissements réalisés dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et de l’Education pour tous (EPT).
Une autre singularité de l’économie africaine réside dans la part prépondérante qu’y occupe l’agriculture. Nul autre continent n’emploie autant d’êtres humains dans ce secteur : 54 % en Afrique subsaharienne. Là encore, il serait tentant de croire que la croissance devrait passer par un basculement vers un monde de service et d’industrie. Or, plusieurs études démontrent le contraire, chiffres à l’appui : en substance, pour réduire la pauvreté, la croissance de l’agriculture serait trois fois plus efficace que la croissance de l’industrie.
Par Ismaila BADJI dans Influences Magazine