La tradition Mandingue fait partie de ces vieilles et riches civilisations ayant su défier le temps et traverser les frontières.
L’une des spécificités de cette tradition, c’est qu’elle réserve essentiellement l’art de la parole et de la musique à un groupe social dénommé ‘’Djéli ‘’ ou ‘’Griots’’ (voir l’Article 2 de la Charte de Kourou Kan Fouga).
En effet, le griot ou Djéli, usant du charme de sa musique et de son verbe, fait savoir ce qui est ardu à savoir.
Si dans certaines sociétés, la musique est juste faite pour distraire des peuples, au Mandingue, elle est un véritable moyen d’éducation, de communication, de sensibilisation et de conscientisation des composantes de la société.
Plus attrayant encore, chaque rythme, morceau (ou Faasa), est consacré à un groupe social déterminé: Douga ou Douwa, en fonction des dialectes Mandingues, littéralement appelé ‘’air du vautour ‘’, est dédié par exemple aux chasseurs et guerriers ;Djandjo pour les Keita et embranchements, Touraman Bolo ou Touraman Faasa pour les Kourouma, Traoré, Doumbouya et embranchements, Tamadjan Bolo pour les Camara et embranchements, Nanfoulen ‘’délivre-moi’’ (chanson d’amour ou d’hommage) etc…..
Que ce soit les chefs de guerre, les féticheurs, les guerriers, les éducateurs, ou les marabouts, chaque classe sociale a un morceau qui lui est consacré et ne devrait être fredonné dans des cérémonies que pour cette couche sociale donnée.
En outre, chacun de ces célèbres morceaux a un rythme sonore spécial et unique, une manière de le danser, à travers lesquels on le différencie des autres. Certes, les messages peuvent changer d’un griot à un autre, d’une circonstance à une autre, mais l’instrumental quand même reste inchangé.
En dansant le Douga par exemple, on se courbe légèrement puis, on balance le corps, le fusil de chasse en main, le canon levé vers le ciel. Un pas à gauche, un pas à droite, un coup de fusil.
À l’époque, ne pouvait s’inviter dans cette danse que celui qui se connaissait en sciences occultes au risque d’y laisser sa vie, car ce moment était souvent mis à profit par les chasseurs et les guerriers pour s’évaluer mystiquement. Seul le meilleur de tous s’imposait dans l’arène.
Aussi, de la nuit des temps à nos jours, Gnarigbassa se joue de la même manière. Fakoly Faasa aussi se reconnait tout de suite par le fond sonore. Il en est ainsi pour tous les autres morceaux.
Hier, chaque grande famille avait à sa disposition au Mandingue une famille de griots dont la mission était de conserver l’entièreté de l’histoire de cette famille pour les générations futures. Cela, pour éviter que la lignée ne se perde avec les vicissitudes du temps. Malheureusement, l’ère blanche est venue mettre toutes ces valeurs à l’eau.
Allez faire un tour dans la charte de Kourou Kan Fouga pour comprendre combien de fois le Mandingue était une société riche en vertus, bien organisée.
N’était griot qui le veut, mais qui en avait la vocation. Cette activité était réservée à une classe de personnes qui jouaient notamment le rôle de médiateur dans les sociétés et ne pouvait l’exercer que celle-ci. C’étaient-elles la mémoire des sociétés, les conservateurs des règles, ordres établis et l’histoire des communautés pour les générations futures pour éviter pour que ces dernières ne s’égarent un jour.
Le Djéli, en un mot, est le détenteur de la tradition orale au Mandingue comme le disait Djéli Mamoudou Kouyaté dans ‘’Soundjata ou l’épopée Mandingue’’ de Djibril Tansir Niane.
De l’autre, la bravoure des hommes ayant marqué, de façon indélébile leur temps, est souvent évoquée par les griots dans les sociétés Mandingue pour inciter les nouvelles générations à en faire autant pour le bonheur des peuples.
En un mot, les griots ont joué et continuent de jouer un rôle important dans l’éducation des peuples et la conservation de nos valeurs sociétales du berceau de l’humanité. Sans eux, les historiens africains auraient du mal à reconstituer certains faits historiques.
Par Sayon MARA, Juriste