I- le secteur minier 

Alpha Condé s’enorgueillit d’avoir fait de la Guinée le 2ème exportateur mondial de bauxite
avec 80 millions de tonnes exportées en 2020 contre seulement 15 millions de tonnes en 2010. Cette explosion de nos exportations de bauxite brute n’est pas en soi une performance à mettre à l’actif du gouvernement. Elle est consécutive à l’augmentation très forte de la demande mondiale d’aluminium, de l’existence d’importantes réserves de bauxite de bonne qualité dans
notre pays, et de l’épuisement et de la fermeture de certaines mines qui approvisionnaient plusieurs fonderies d’alumine et d’aluminium.
La production mondiale d’aluminium est passée en effet de 23,7 millions de tonnes en 1999 à
57, 9 millions en 2015. La part de la Chine dans cette production mondiale d’aluminium est
passée quant à elle de 11, 5% en 2000 à 54, 7% en 2015.
Parallèlement, la production de l’alumine a augmenté à peu près dans les mêmes proportions
en passant de 56, 2 millions de tonnes en 2002 à 115,2 millions en 2015. Il faut rappeler que plusieurs compagnies minières qui exploitent actuellement la bauxite dans notre pays s’étaient engagées dans leurs conventions de base à construire des usines d’alumine et même d’aluminium. Le gouvernement aurait dû convaincre ces compagnies de respecter leur engagement initial et à soumettre les nouvelles compagnies à la même obligation. Surtout que la production d’alumine est moins complexe et requiert moins d’énergie que la production d’aluminium. En général, on met les usines d’alumine là où il y a la bauxite et les usines d’aluminium là où il y’a l’électricité.
Malheureusement, le gouvernement n’a pas respecté cette règle et a signé des avenants aux conventions de base libérant les compagnies de leurs engagements de créer des usines d’alumine en Guinée.
En renonçant à cette transformation sur place de notre bauxite, le gouvernement guinéen prive
ainsi notre jeunesse de dizaines de milliers d’emplois et notre économie de la majeure partie de la valeur ajoutée qu’on aurait pu tirer de l’exploitation de notre bauxite.

a- Perte d’emplois
A titre d’exemple, l’usine de Fria a une capacité installée de 600.000 tonnes d’alumine par an.
Pour ce faire, elle transforme environ 1,5 millions de tonnes de bauxite et génère 1200 emplois
directs et 2000 indirects.

En transformant sur place les 80 millions de tonnes que nous exportons actuellement, on aurait
créé 170.000 emplois directs et indirects pour la jeunesse guinéenne. Même si on ne
transformait que la moitié de nos exportations brutes, on n’aurait généré 85.000 emplois. Ce
qui est loin d’être négligeable dans le contexte de chômage endémique auquel notre pays est confronté.
L’exploitation minière industrielle ne contribue actuellement qu’à environ 6, 5% de l’emploi formel alors qu’elle représente 22 du PIB et 80% des exportations.

b- Perte de valeur ajoutée
Pour avoir une idée du préjudice économique qui résulte de l’exportation de la bauxite brute, il
faut juste comparer le prix de la tonne de bauxite au prix de celle de la tonne d’alumine et d’aluminium sur le marché international.
La tonne d’aluminium coûte 2400 dollars, d’alumine 300 dollars, de bauxite 45 dollars. Pour produire une tonne d’alumine, il faut 2,2 tonnes de bauxite ; 1 tonne d’aluminium, environ 2
tonnes d’alumine.
En exportant 80 millions de tonnes de bauxite brute à raison de 45 dollars la tonne, on obtient
3,600 milliards de dollars. En les transformant sur place, on obtient 36 millions de tonnes en alumine qu’on peut vendre au prix de 300 dollars la tonne, soit 10,8 milliards de dollars.
La valeur ajoutée qu’on gagnerait en transformant sur place cette bauxite en alumine avant de l’exporter est donc de : (10, 80 – 3,60 milliards), soit 7,20 milliards de dollars. On peut facilement imaginer les effets positifs d’une telle politique sur l’emploi formel, le PIB, la
balance extérieure et les réserves de change du pays.

c- Perte de revenu fiscal
Si la production et l’exportation de la bauxite ont enregistré une forte accélération ces derniers
temps, les revenus miniers comptabilisés dans le budget de l’Etat n’ont, quant à eux, augmenté
que très lentement.
Alors que la part du secteur minier dans le PIB est de 22%, sa contribution dans les recettes de
l’Etat ne représente que 13%. Cette faible performance fiscale des entreprises est la conséquence des importantes exonérations d’impôts et de taxes octroyés par le gouvernement aux entreprises minières à travers des conventions ad hoc et en violation des dispositions du Code minier.
Le FMI estime que ces exonérations négociées au cas par cas avec l’Etat représentent actuellement 7% du PIB, soit l’équivalent d’une année de recettes douanières. Ce qui veut dire
que si ces entreprises payaient tous les impôts et taxes prévus au Code minier, la pression fiscale qui est actuellement en Guinée de 13% serait de 20%, c’est-à-dire au même niveau que le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Par ailleurs, selon le FMI, il y a de sérieux doutes qui pèsent sur la sincérité des prix de vente à
l’exportation pratiqués par les compagnies minières. En effet, le prix de la tonne de bauxite 3
exportée variait, en 2019, d’une compagnie à l’autre, de 14,30 dollars à 31.25 dollars. Si cette
sous-facturation était avérée, elle pourrait être un autre facteur explicatif de la faiblesse des
revenus de l’Etat tirés de l’exploitation de nos mines.
Évidemment, on ne peut pas ne pas s’interroger sur les contreparties de ces exonérations et sous-facturations lorsqu’on connait les ravages de la corruption dans notre pays.
Au total, en exportant 80 millions de tonnes au lieu de les transformer sur place, le pays perd 170.000 emplois environ et 7, 2 milliards de dollars de valeur ajoutée. Et du fait des exonérations et des surfacturations, l’équivalent de 7% du PIB en recettes fiscales.
II- Le coût du financement de trois élections en 2020

Dans son discours populiste tenu la semaine dernière à Boké, Alpha Condé a exprimé sa fierté
d’avoir financé, sans concours extérieur, trois élections. Il a oublié de dire pourquoi il a évité
l’implication des PTF dans le processus électoral guinéen. Pourquoi-a-il décliné l’offre de
financement de ces élections par nos partenaires tout en continuant à leur tendre la main
dans la lutte contre le Covid-19 et Ébola et pour le financement des programmes et projets
de développement ? Ce n’est évidemment pas au nom de l’indépendance et de la souveraineté nationale qu’il le fait. C’est tout simplement parce qu’il voulait commettre son crime électoral sans témoin.
Il savait pertinemment qu’en acceptant le financement et l’assistance technique des partenaires, il serait obligé d’accepter en même temps l’évaluation et l’observation de son processus électoral par ces derniers qui n’auraient pas manqué de dénoncer sa mascarade électorale et même de s’en retirer.
C’est pour éviter ce clash qu’il a décidé, malgré la fragilité de nos finances publiques, de faire
supporter le poids de ces trois scrutins par le budget de l’Etat au détriment de l’entretien de nos
routes et de la réalisation de plusieurs projets et programmes de développement. Savez-vous que le budget national d’investissement de 2020 n’a été exécuté qu’à hauteur de 5 % des prévisions ?

III- Le secteur pétrolier
Les autorités semblent toujours tenir à l’augmentation des prix à la pompe des produits pétroliers en augmentant la TSSP.
J’ai mis en évidence l’inopportunité de procéder à cet ajustement en invoquant notamment l’imminence de la période de soudure et l’état désastreux de notre réseau routier qui se traduit par une augmentation considérable du coût et du temps de transport. Les autorités veulent justifier cet ajustement en affirmant que l’Etat subventionne actuellement le pétrole et qu’il y a un énorme risque de réexportation parce que, disent-ils, les pays voisins pratiquent des prix inférieurs aux nôtres. On a déjà démontré qu’il n’y a pas de subventions de l’Etat dans le prix du pétrole, il y a sans doute des moins-values par rapport aux prévisions de recettes. En effet, chaque consommateur en achetant un litre d’essence à la pompe, paie 2366 francs guinéens destinés à l’Etat et à ses démembrements. Quant à la réexportation, seuls les pays de la zone franc ont un prix plus élevé que le nôtre. En Sierra-Leone, le litre d’essence est vendu à la pompe à l’équivalent de 8.100 GNF et au Libéria, à 7900 GNF, donc largement en dessous du prix de 9500 GNF pratiqué chez nous. Il est clair que le financement des trois élections sur nos maigres ressources intérieures alors qu’il y avait des offres de financement extérieur a creusé les déficits publics et compromis l’exécution de dépenses utiles dont les dépenses d’entretien et d’investissements. Il est aussi clair que les multiples exonérations ad hoc accordées aux compagnies minières, en violation du Code minier, représentent l’équivalent de 7% du PIB et contribuent à maintenir la pression fiscale à un niveau relativement faible.
C’est sans doute pour résorber les déficits crées par le financement du troisième mandat et pour
compenser le manque à gagner entrainé par les exonérations accordées aux compagnies
minières que le gouvernement s’acharne à augmenter, à la veille de la période de soudure, les
prix des produits pétroliers qui ont une incidence sur tous les prix de tous les autres biens et
services, y compris les denrées de première nécessité.

Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFDG