Né le 08 juillet 1944 à Tiro, dans la Préfecture de Faranah, Sékou Diabaté est membre fondateur du groupe Bembeya Jazz. Il est auteur, compositeur, arrangeur, guitariste, chanteur et chef d’orchestre du Bembeya. Fils de Elhadj Djeli Fodé Diabaté, Sékou est devenu chef d’orchestre depuis 2003.
Pour passer en revue sur le passé d’un artiste qui a impressionné plus d’un, notre rédaction est allée à la rencontre d’un homme qui n’ayant pas fait les études, mais qui a tout de même réussi à réaliser son grand rêve, celui de devenir l’un des meilleurs guitaristes de sa génération. Au micro de maguineeinfos.com, Sékou Diabaté est revenu sur ce qu’il a vécu, avant et pendant sa carrière musicale.
ENFANCE
Mon père était joueur au balafon et à la guitare dans le style traditionnel de chez nous. Donc j’étais entre les deux instruments, souvent il me laissait entre les deux et puis au fur et à mesure que je grandissais, à l’âge de 5 ans, il a compris que je m’intéressais beaucoup à la guitare. J’ai continué à jouer là, à apprendre. Mais c’était déjà une passion pour moi. Je me sentais très à l’aise en jouant à la guitare. Petit à petit, je me suis habitué. Le balafon était là, mais j’ai aimé naturellement la guitare. Donc à l’âge de 10 ans, il a commandé une guitare pour moi en France. C’est mon vrai départ.
ETUDES
Je n’ai jamais fait l’école française, j’ai fait un peu l’école coranique, mais je n’ai pas duré, parce qu’à un moment j’ai quitté pour revenir. Donc j’ai pas pu continuer.
DEBUT D’UN PARCOURS
C’était en 1961, j’étais dans mon village, à Tiro. De là, on est venu me chercher pour que j’aille jouer dans l’orchestre de Kissidougou. Mais un mois après, je me suis pas entendu avec les autorités parce qu’on m’avait mis en dehors de la musique, on m’a mis dans une boutique pour vendre, mais il n’y avait que de l’Alcool dans la boutique. Et j’étais allergique à ça. Je suis resté quelques semaines. Un jour, j’ai fait exprès de casser quelques bouteilles, après j’ai fermé la boutique. Le lendemain j’ai dit au patron qu’on a cassé quelques bouteilles, lorsqu’on m’a demandé, j’ai dit que je ne sais pas qui a cassé. Du coup, ils ont alors dit que c’est moi qui ai cassé les bouteilles, puisque c’est moi qui ai la clé de la boutique. Donc ça n’allait plus entre les autorités et moi.
ESPOIR
Entre temps, y avait un fils de Kissidougou, Papa Diaré qui vivait à Kankan mais il était en vacances à Kissidougou. Pendant une causerie, il me demande si ça va à Kissidougou, j’ai dit ça va mais pas tellement, il a demandé pourquoi, je lui ai expliqué l’histoire. Il a dit qu’il rentre le lendemain, je si veux je peux le trouver là-bas et j’ai fait ça. Je suis resté à Kankan un jour. Il y avait Balakala qui avait son groupe qui devait animer là-bas. Il m’a parlé de ça, donc par curiosité je suis allé voir et l’ambiance m’a attiré, j’ai dit à Balakala que je veux jouer un morceau, il a accepté. J’ai fait ce morceau là, ça été un grand succès pour moi à Kankan. On parlait de moi dans les différentes familles. Je suis resté dans ça. Et Emile Condé (créateur du Bembeya Jazz) était de passage, dans la famille où il habitait, on parlait de moi. Il a dit à ces gens là, mais vous parlez de Sékou, Sékou, quel est ce Sékou ? Ils ont dit c’est un jeune qui est très bien. Alors il a demandé de faire tout pour qu’on se rencontre, et ça été fait.
Donc il m’a demandé si je peux venir à Beyla, je lui ai dit que je peux pas aller à Beyla. Il a beaucoup parlé, j’ai dit non. Durant la causerie, il m’a demandé si je connais Sarakata Diabaté, je lui ai dit oui c’est le petit frère de mon père, il a dit d’accord, il a fait semblant comme si ça ne l’intéresse pas. C’est là que tout est parti, il n’a plus parlé de mon départ.
NOUVEAU DEPART
Quand il a quitté, il est directement allé à Beyla voir ce petit frère de mon père, c’était son ami intime. Il lui a dit, j’ai vu ton fils Sékou Diabaté, mon oncle a dit oui, c’est mon fils. Il lui a dit que si notre amitié est vraiment sincère, il faut aller chercher Sékou à Kankan, mon chauffeur va te prendre pour aller le chercher. Un bon matin, je vois mon oncle, j’étais tellement surpris. Pendant que je me demandais comment il a su que je suis là, il dit tu sauras tout de suite pourquoi je suis là. Je suis venu te chercher pour aller à Beyla, je lui ai dit que c’est difficile. Il dit alors tu as à choisir d’aller par la paix ou par la force. Donc, je lui ai dit si c’est comme ça, il faut attendre la nuit on va bouger. C’est comme ça j’ai quitté Kankan pour aller à Beyla. Je suis arrivé à Beyla, il n’y avait pas de guitaristes. Automatiquement, on m’a présenté aux autres, on a commencé à travailler. C’est à partir du Bembeya Jazz que ai commencé mon vrai parcours. Je fais partie des membres fondateurs de ce groupe et je suis l’arranger en général, je suis aussi l’un des compositeurs.
COMPETITION-CONCOURS
Il n’ya pas eu de concours à titre individuel. Tout se faisait avec les orchestres. C’est avec le Bembeya Jazz qu’on a remporté des trophées.
MOTIVATION
C’est naturel. Vous savez, pour tout métier il faut avoir l’amour, n’importe quel métier, il faut avoir l’amour et c’est à partir de l’amour que vous allez découvrir si vous avez le don. Donc c’est ce qui découvre le don. Si vous savez que vous avez le don de cette chose, maintenant c’est le travail. Vous travaillez pour être ce que vous voulez ou être parmi les meilleurs et cela ne peut pas aller sans travailler personnellement. Parce qu’il y a le travail collectif et le travail personnel. Ce dernier est le plus important.
LES SENTIMENTS ET LE SECRET D’UN GRAND GUITARISTE
Toutes les personnes, les mélomanes, les professionnels, les journalistes, reconnaissent depuis longtemps que je suis le plus grand guitariste de l’Afrique, c’est clair. Et je suis parmi les meilleurs au monde. Donc je suis fier de ça. C’est grâce à l’amour qui m’a permis de découvrir ce don, après j’ai travaillé. Aujourd’hui je suis très à l’aise de savoir que les gens sont fiers de moi. Mais il n’y’a pas un autre secret, c’est l’amour du métier et le travail. Je suis réconforté. Même récemment on jouait quelque part où il y avait pleins d’étrangers. Ce jour là, il y a eu un Sénégalais qui est venu me dire : « depuis tout le temps, tu es le plus grand guitariste de l’Afrique ». Un Malien aussi vient me dire : » les Guinéens croient que Sékou Bembeya appartient seulement à la Guinée, mais il appartient à toute l’Afrique ». Vous voyez cela? Je suis fier de ça.
AMBITIONS
Mes ambitions est d’avoir la chance pour moi personnellement et pour Bembeya Jazz, des grandes maisons de production qui peuvent bien nous faire tourner. Parce qu’actuellement le groupe Bembeya marche, grâce à Dieu et Sékou Bembeya. L’autre ambition est le fruit des albums que j’ai déjà préparés. Deux albums de chants et un album de guitare. Donc je souhaite que cela soit rendu public très prochainement. J’aime bien évoluer en solo, mais je me suis dit avant de faire quoi que ce soit, il faut d’abord relever Bembeya. Quand Bembeya Jazz a sa place, je peux maintenant faire mes affaires à côté. Dieu m’a aidé, aujourd’hui Bembeya Jazz marche avec des jeunes qui peuvent jouer sans Sékou Bembeya.
REGARD SUR LA JEUNE GÉNÉRATION
Je constate que les jeunes d’aujourd’hui jouent en solo. Ils ne s’associent pas pour donner de valeur à leurs talents. Chacun vole de ses proses ailes. Pire, ils chantent souvent l’amour, des morceaux que tu ne peux pas écouter avec des parents et des personnes que tu respectes. Tout tourne autour de l’amour. Or, l’artiste doit être un modèle, il doit dire des choses qui aident la société, par que les amoureux de la musique essayent de se comporter parfois comme l’artiste qu’ils aiment.
MESSAGE AUX JEUNES
Il faut aimer ce qu’on fait, il faut être courageux sans relâche. Beaucoup de jeunes ont du talent dans la musique, mais ils ne se donnent pas, pendant que d’autres aiment la musique, mais ils n’ont pas de don. Alors le premier élément, c’est l’amour de ce qu’on fait. Ensuite travailler dans la transparence.
Entretien réalisé par Siradio Kaalan Diallo