Cela fait des années que l’usine de production de jus de fruits de Kankan est inactive. Ce n’est pas la seule usine qui se trouve au bord du gouffre à Kankan. Briqueterie et le Projet Coton en font partie. Elles représentaient un véritable rempart contre le chômage dans cette région.

Un ancien ouvrier, de cette usine rencontré aux abords  en témoigne. Selon lui, ces unités assuraient l’emploi de nombreux jeunes de la localité, voire de la région.

« Il y avait auparavant, des milliers de gens et surtout des jeunes, qui gagnaient valablement comme moi leur vie dans cette usine. Lettré ou pas, diplômé ou pas, il y avait de boulot pour tout le monde. Moi j’étais un chauffeur de véhicules fourchettes dans l’usine. Il y avait des centaines d’agents commerciaux qui partaient même dans les sous préfectures reculées pour acheter les stocks de fruits avec les paysans. Dans l’usine tout marchait à merveille, à tous les niveaux. On travaillait à plein temps. En ce moment c’était très rare de constater comme on le voit aujourd’hui, des jeunes assis dans les bars de café ou autour des grains de thé toute la journée à discuter de tout et de rien. A cause de ça, on entendait aussi rarement parler des actes de banditisme », nous a-t-il confié.

Les quelques employés relevant notamment des services de gardiennage ou d’entretien, que nous avons interrogés  aussi , nous affirment  sous un  couvert d’anonymat qu’ils continuent à percevoir malgré de nombreux mois d’arriérés, leurs salaires, qu’ils qualifient eux mêmes de dérisoires.

« Nous on ne gagne presque rien. Avec les temps qui n’ont jamais cessé d’être durs, on continue de prendre nos salaires sans la moindre petite augmentation la dessus. Souvent même, à la fin du mois, on ne perçoit rien. Alors nous sommes obligés de nous endetter pour subvenir aux dépenses familiales. Et le jour où on nous paye, le salaire devient insuffisant pour rembourser les dettes. Si nous décidons de démissionner, nous allons nous retrouver au chômage. Comme on le dit, un est mieux que zéro. Sinon à vrai dire ça ne va pas du tout », ont-t-ils déploré.

Pour faire face à la situation dans leurs campagnes, les planteurs de fruits, qui fournissaient quasiment toute leurs récoltes pour alimenter la production de cette usine de jus de fruit de Kankan, ont choisi de se tourner vers d’autres débouchés pour écouler leurs marchandises afin d’éviter qu’elles ne pourrissent sous leurs mains.

Appelé au téléphone Nounkè Keita, un producteur d’orange,  qui habite dans un village de la localité de Komodou, située à  une  centaine de kilomètres entre Kankan et Kérouané, nous assure « qu’avant les agents de l’usine venaient chercher les produits, on les pèse et on te payait ton argent sur place. C’était vraiment bien. Mais au fil du temps, nous avons constaté avec regret, des choses qui n’étaient pas de bon augure. On a remarqué à un moment donné que les agents qui venaient pour les achats, ne prenaient plus les quantités que nous avions l’habitude de leur fournir. Ensuite on a appris que l’usine n’appartient plus à l’Etat. Quelques années après, ils ont complètement cessé de venir acheter nos productions. C’est pourquoi, nous aussi on s’est vu dans l’obligation de nous trouver d’autres marchés. Donc aujourd’hui, toutes nos productions sont achetées par des ressortissants des pays voisins, surtout par des maliens », nous a-t-il fait savoir.

En attendant que les autorités ne prennent en perspective, des dispositions porteuses de fruit, l’usine de jus de fruit de Kankan attend encore sa rédemption. Elle pourrait réduire le taux de chômage, qui grimpe dans la région.