Les victimes des événements douloureux du 28 septembre 2009 au stade du même nom ont fait 12 ans sans justice, ni reconnaissance officielle au niveau des autorités du pays. Lors de cet événement, il convient de rappeler que des centaines de femmes avaient été violées selon des organisations de droits humains, d’autres Guinéens avaient été tués et d’autres portés disparus. Une situation qui a plongé la Guinée dans une phase sombre de son histoire, non seulement par les dégâts causés, mais aussi par l’inaction de la justice dans ce dossier marathon. Depuis ce choc, plusieurs victimes ont d’ailleurs perdu la vie, d’autres la moralité par les effets du traumatisme. Voulant se faire entendre et faire punir les auteurs du massacre, nombreuses s’étaient réunies au sein d’une Organisation. Il s’agit de l’Association des Victimes, des Parents et Amis du 28 septembre (AVIPA). Cette organisation regroupe aujourd’hui plus de 500 victimes en son sein, à en croire sa Présidente. Mais malheureusement, nombreuses parmi elles ne verront jamais le procès de ce dossier et ne seront jamais rétablis dans leurs droits, parce que tout simplement, elles ont perdu la vie dans le traumatisme.

Pour en savoir davantage comment se porte ces victimes au sein de la l’AVIPA, notre rédaction a rencontré la Présidente de ladite Association. Au micro de maguineeinfos.com, dame Asmaou Diallo fait un zoom sur le passé douloureux des victimes qu’elle a encadrées, moralisées depuis maintenant 12 ans. Face aux questions de nos journalistes, elle se montre optimiste face à l’aboutissement de sa lutte grâce à l’arrivée de l’équipe du Colonel Mamadi Doumbouya, ce, malgré la longue attente sans résultats satisfaisants, lors des 10 dernières années.

Maguineeinfos.com vous propose ci-dessous, l’intégralité de l’interview :

De 2009 à 2021 vous vivez avec des victimes de viol et de violence physique suite au massacre du 28 septembre. Dites-nous où en sommes-nous aujourd’hui avec ces nombreuses victimes ?

Depuis maintenant 12 ans nous sommes toujours en train de commémorer le massacre du 28 septembre. Les victimes du 28 septembre sont là, celles qui sont en vie. Il y a eu beaucoup de décès qu’on a enregistrés.

De 2009 à nos jours on a perdu beaucoup de victimes.  Mais nous continuons à réclamer la justice pour que celles qui sont en vie puissent bénéficier d’une reconnaissance, même celles  qui sont décédées, puisqu’elles ont des familles.

Voilà pourquoi nous voulons la justice. Les victimes du 28 septembre doivent être reconnues au niveau national, parque ce que c’est des gens qui sont partis au stade pour dire non à la candidature des militaires à l’époque. Malheureusement le Gouvernement civil qui est venu n’a pas pu nous rendre cette justice qu’on a tant attendue depuis plus de 10ans.

Alors avez vous de l’espoir avec l’arrivée des nouvelles autorités (CNRD)?

Aujourd’hui il y a un changement. Au niveau de ce changement, nous sommes optimistes parce que les nouvelles autorités militaires qui sont venues nous ont parlé de justice dès leur premier discours. Et nous on est sur la voie de la justice. Donc on a beaucoup apprécié ce discours. Puisqu’on cherche la justice et le CNRD parle de justice, c’est sûr on va se comprendre. Donc nous félicitons cette junte qui parle de justice. Au départ on avait un peu peur parce que c’est une junte militaire qui a fait du tort aux victimes et c’est une junte militaire qui est aussi venu au pouvoir,  on s’est demandé si ce n’est pas la même chose qui va revivre encore. Mais le premier discours qu’on a entendu a pu nous soulager, parce que ce discours a englobé tout le mal dans le panier judiciaire.

Qu’attendez vous de ces autorités militaires alors ?

Notre attente c’est la justice, la justice pour ces victimes du massacre. Nous voulons que tous ceux qui sont inculpés dans le dossier du 28 septembre soient devant les juridictions guinéennes. C’est notre attente. Nous sommes d’accord avec le Colonel Doumbouya quant il dit que tout doit passer par la justice. Donc nous sommes prêts à aller avec ces autorités.

A date, le nombre de victimes que vous avez au sein de l’AVIPA s’élève à combien?

Actuellement on a 500 et quelques qui sont à l’AVIPA. Il y a des gens (victimes) qui viennent souvent s’enregistrer chez nous, parce qu’ils ont vu que nous voulons la justice.

Alors comment parvenez-vous a gérer toutes ces victimes au sein de l’AVIPA?

J’avoue que ce n’est pas trop compliqué, parce que nous sommes tous des victimes. Vous savez quant il y a la conviction et l’engagement, rien ne peut vous empêcher d’aller de l’avant. Les victimes veulent la vérité et nous à notre niveau, nous voulons la justice. Voilà pourquoi nous sommes ensembles. On se retrouve pour discuter de tout et nous avançons. Si je prends l’exemple des femmes victimes de viol sexuel, elles ont été prises en charge durant l’année 2021 par la Fondation Mukwege, qui a été prix Nobel de la paix en 2018. Il s’est engagé pour accompagner les victimes de viol en Guinée. Le premier projet pilote a été lancé en Guinée avec plus de 140 femmes qui ont bénéficié d’un appui financier avec cette Fondation. Cet appui s’élevait à 1000€ par personne. Cela a permis à ces femmes d’accroître un peu ce qu’elles ont pu gagner. Il faut rappeler que ce sont des femmes qu’on avaient déjà formées dans des activités génératrices de revenus, notamment dans les filières saponification et teinture. Jusqu’à maintenant elles continuent de travailler avec cet argent.

Hormis ces aides qui viennent de l’extérieur, vous aviez des activités pour ces victimes. Est ce que cela évolue ?

Évidemment ça évolue. La majorité de ces femmes travaillent à la maison maintenant, elles mettent les produits sur le marché, même nous on fait des commandes avec elles, par exemple le savon, c’est ce qui est plus sollicité. Chaque fois qu’on a besoin, on lance les commandes avec ces femmes, elles préparent et déposent, on leur donnent leur argent. C’est quelque chose de salutaire, ça nous a mis à l’aise, ça nous fait savoir qu’elles ont maîtrisé ce qu’elles ont appris avec nous.

A part l’intérêt économique direct qu’elles gagnent, est ce que ces activités leur permettent de gagner sur le plan mental ? Oublier le traumatisme par exemple?

Ça diminue exactement le traumatisme, ça leur permet d’avancer, de s’occuper de quelque chose pour leur permettre d’oublier un peu ce traumatisme de viol. Ça fait mal d’être victime, surtout ce sont des femmes qui avaient des époux en majorité, mais qui ont été rejetées par la suite. Mais aujourd’hui ces activités diminuent beaucoup ce choc, parce que nous les accompagnons aussi au niveau médical et psychologique, même les hommes. Ainsi ils se sentent dans des bonnes conditions.

Sur ce plan psychologique, que faites vous pour remonter leur moral afin d’oublier le mal ?

Avec cette même Fondation Mukwege, on a réalisé une activité musicale pour guérir les personnes malades de traumatisme, parce qu’au fil du temps qu’elles ont appris à faire de la musique, à exprimer ce qu’elles pensent, à ressortir ce qu’elles ont subi dans la chanson, j’avoue aujourd’hui qu’elles sont capables de parler devant n’importe qui. Parce qu’avant, même quand elles voyaient des militaires, c’étaient des cris, elles se cachent. Mais aujourd’hui elles peuvent dire ce qu’elles pensent devant n’importe quel militaire. Elles n’ont plus peur, cela nous rend fiers et très heureux de les voir. Si vous voyez aujourd’hui les femmes que nous gérons à l’AVIPA, vous ne direz pas que ces femmes ont été au stade. On a réussi quand-même à les accompagner moralement et matériellement.

Avez-vous un appui au niveau national ?

Là, nous travaillons avec l’OGDH qui nous accompagne. Nous travaillons avec cette organisation depuis le début. A part cette institution, on a aucun appui pour le soutien des victimes du 28 septembre, même au niveau des autorités.

Un mot de la fin ?

Nous voulons que cette junte militaire puisse vraiment penser à la justice pour ouvrir le procès des évènements du 28 septembre. On veut que le procès qui va s’ouvrir après la prise de fonction du nouveau ministre de la justice soit le dossier du 28 septembre.

Ensuite la reconnaissance des victimes. Mettre tout ce qui est possible pour les soutenir. Nous invitons le Colonel Mamadi Doumbouya à prendre les victimes du 28 septembre dans ses mains pour nous accompagner afin de sortir la Guinée de cette obscurité. Parce que si on réussit à juger le dossier du 28 septembre, vous verrez qu’il y aura une grande ouverture pour la Guinée, car, cette tâche noire continue à gangrener beaucoup de choses pour la Guinée.

Interview réalisée par Adama Diallo et Siradio Kaalan Diallo pour maguineeinfos.com