Pour la première fois, Abdelmadjid Tebboune a réagi publiquement aux propos tenus par le président français. [RYAD KRAMDI / AFP]

Les tensions ne s’apaisent pas entre l’Algérie et la France. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exigé de Paris dimanche «un respect total de l’Etat algérien», soulignant à l’adresse de son homologue français Emmanuel Macron que «l’histoire ne peut pas être falsifiée».

Le retour de l’ambassadeur algérien «est conditionné au respect de l’Algérie, le respect total de l’Etat algérien», a indiqué Abdelmadjid Tebboune à des médias algériens. Il s’agit de sa première réaction publique aux propos tenus par le président français sur l’Algérie au début du mois, à l’origine d’une crise diplomatique entre les deux pays.

Interrogé pour savoir si la fermeture de l’espace aérien aux appareils militaires est «définitive», le chef d’Etat algérien a expliqué que «dans les relations diplomatiques, il n’y a rien d’irréversible». Mais «actuellement nous sommes agressés dans notre chair, notre histoire, dans nos martyrs, nous nous défendons comme nous pouvons», a-t-il ajouté. «Les relations avec la France relèvent de la responsabilité du peuple et de l’histoire. L’histoire ne peut pas être falsifiée», a continué Abdelmadjid Tebboune, dans des propos jugés plutôt secs par les observateurs. «L’Etat est debout avec tous ses piliers, avec sa puissance, la puissance de son armée et son vaillant peuple», a poursuivi le président Tebboune, également chef suprême des forces armées et ministre de la Défense. Pour «le reste, il s’agit de leurs affaires internes», a-t-il dit dans une allusion à de possibles visées «électoralistes» des propos critiques d’Emmanuel Macron. «La France doit oublier que l’Algérie a été un jour une colonie française».

L’OPINION PUBLIQUE ALGÉRIENNE HEURTÉE

Emmanuel Macron avait en effet déclenché la colère d’Alger après des propos, rapportés samedi 2 octobre par le journal français Le Monde, accusant le système «politico-militaire» algérien d’entretenir une «rente mémorielle» en servant à son peuple une «histoire officielle» qui «ne s’appuie pas sur des vérités». D’après Le Monde, le président français avait également affirmé que «la construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question». Il s’agit de l’un des passages qui avait le plus heurté l’opinion publique algérienne.

Dans la journée du 2 octobre, Alger avait décidé dans la foulée le rappel «immédiat» de son ambassadeur à Paris, Mohamed Antar-Daoud, et, comme autre mesure de rétorsions, a interdit, dans la foulée, le survol de son territoire aux avions militaires français de l’opération antijihadiste Barkhane au Sahel.

Mardi dernier, le président Macron avait assuré souhaiter un «apaisement» sur le sujet mémoriel entre la France et l’Algérie, appelant à «cheminer ensemble» et à «reconnaître toutes les mémoires».

«FAILLITE MÉMORIELLE»

Ignorant ces déclarations, l’influent chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra, en déplacement au Mali mardi, a imputé à Emmanuel Macron une «faillite mémorielle», affirmant la nécessité pour certains dirigeants étrangers de «décoloniser leur propre histoire». Les crispations entre Alger et Paris ont coïncidé avec de fortes tensions entre la France et le Mali, voisin de l’Algérie et autre ancienne colonie française.

Le président français a également provoqué l’ire de la Turquie avec ses déclarations, reprises dans Le Monde, où il qualifiait la domination ottomane sur l’Algérie de colonisation. Ankara a dénoncé des déclarations «populistes». Après s’être interrogé sur l’existence d’une «nation algérienne», le chef de l’Etat avait ainsi ajouté : «Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée». Sensible sur les questions mémorielles, la Turquie, héritière de l’Empire ottoman qui a contrôlé l’actuelle Algérie pendant trois siècles, répète à l’envi n’avoir «aucune tache comme la colonisation ou le génocide» dans son histoire.

En Algérie, beaucoup de commentateurs avaient interprété les propos d’Emmanuel Macron comme ayant un objectif «électoraliste», à l’approche de la présidentielle d’avril 2022.

Source: CNEWS