Une idéologie se combat avec intelligence et non avec les nerfs, a dit l’autre.
Du fait du caractère hypersensible de cette rocambolesque affaire Nanfo, je me suis abstenu de l’aborder. Mais après moult réflexion, je me suis finalement dit de briser le silence pour exprimer mon point de vue sur cet épineux dossier.
Nombre d’observateurs aguerris pensent que les autorités religieuses auraient mieux fait de raisonner Nanfo à travers des débats antinomiques, plutôt que de mettre la machine judiciaire en branle contre un homme qui croit dur comme du fer qu’on peut prier dans n’importe quelle langue.
Loin de moi l’idée d’inciter à la prière en langue Malinké, mais le dossier Nanfo a été très mal géré. On ne règle pas un problème idéologique avec des nerfs, car comme disait Elsa Wolinski : « On peut tuer des hommes, pas des idées »
En envoyant Nanfo en prison, certains ont pensé qu’une fois sorti du cachot, il n’aurait plus prié en Malinké. C’était mal évalué la résolution de l’homme. Nanfo ne désarme pas. Plutôt que de le dissuader, son séjour carcéral l’a gaillardement consolidé dans sa conviction et agrandi son cercle d’adeptes.
En effet, ayant juré sur tous les dieux de ne se plier à la volonté des autorités islamiques que lorsque celles-ci lui auraient montré dans le Coran des passages interdisant les prières dans une langue autre que l’Arabe, Nanfo aurait enseigné des prisonniers lors de son séjour carcéral qui auraient même embrassé son chemin.
Citation : « j’ai enseigné le N’ko à 43 codétenus et je priais en Maninkakan avec 28 d’entre eux »
L’imam Nanfo Diaby devient de plus en plus célèbre. Avant d’ébruiter l’affaire, peu de personnes avaient entendu son nom. Mais aujourd’hui, son nom a dépassé les frontières guinéennes. C’est le monde qui parle de lui.
Pourtant, les autorités auraient pu éviter cela en ne lui donnant pas trop d’importance ou en le raisonnant autrement.
Pour rappel, le monde a découvert le guide de la confrérie Djèdèkolobaaya en 2019, plus précisément au mois de Ramadan, lorsqu’il a été filmé en train de diriger une prière en Malinké. Une vidéo qui a remué la toile.
De fortes polémiques après, l’imam Nanfo a été interdit de diriger des prières. Mis en garde à vue puis, libéré, il a continué à diriger les prières en Malinké, et ce, malgré la désapprobation de la ligue islamique.
Ne voulant point se plier à la décision de la ligue islamique, il a été arrêté, le 11 Juillet 2021, à son domicile pour récidive et condamné en première instance à un an de prison. Le prédicateur de l’écriture N’ko recouvre sa liberté, le 12 octobre 2021, après avoir passé plus de quatre mois de détention.
Il est plus que nécessaire aujourd’hui d’ouvrir le débat avec Nanfo avant que son idéologie ne se propage. Ce n’est ni la prison ni les menaces qui feront plier l’homme, car quand une personne croit en quelque chose, pour la faire changer d’avis, il faut opposer à ces idées d’autres idées plus convaincantes.
Les autorités religieuses devraient ouvrir le débat avec Nanfo. Mais en utilisant la méthode coercitive, elles le renforcent dans ses convictions. Elles pouvaient même lui envoyer des sages pour lui demander d’arrêter. C’est de la même manière que des wabbits ont été traités au début. Finalement, ceux-ci ont fini par s’imposer.
À préciser de passage que je ne prierai jamais en Malinké et je ne dirai pas non plus à quelqu’un de le faire. Mais, il faut revoir la démarche. Les autorités doivent gérer ce dossier avec plus de discernement, sinon, la contagion risque de se propager. Ses adeptes deviennent de plus en plus nombreux.
Je termine en vous posant les questions suivantes: peut-on évoquer le principe de la laïcité, étant donné que pour plus d’un musulman Nanfo ne fait que blasphémer la religion musulmane ?
Aussi, ce prédicateur de l’écriture N’ko a toujours soutenu qu’il pratique une religion différente de l’Islam: Djèdèkolobaaya. Partant de cela, peut-on dire que Nanfo a blasphémé la religion musulmane?
Je vous laisse réfléchir.
Par Sayon MARA, Juriste