Monsieur le Président,

Que nous le voulions ou non, soixante années d’indépendances nous ont conduis à cette incontournable opposition : la violence ou le dialogue.
Quels qu’en soient les bords politiques, les contextes, la géographie, seul le dialogue constitue le remède incontournable de la violence. Quand le dialogue se fait politique, il s’inscrit en débat, se fait institution et par la suite démocratie. Quand la devise, travail-justice-solidarité affirme au reste du monde, avec dignité que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, c’est ce qui est la Guinée.

Monsieur le Président,

Les guinéens sont conscients du fait que ce bel héritage de toute l’histoire de leur pays est aujourd’hui au mieux occulté, au pire oublié. Le peuple de Guinée, autrefois souverain, solidaire et fier du choix historique qu’il a opéré, crie depuis bien assez longtemps sa détresse, sa jeunesse ayant perdu l’espoir, désabusé et dépité d’une classe politique intellectuellement souffreteuse voire même malhonnête.

Alors, le peuple de Guinée, stupéfait par le regard indifférent de ces hommes et ces femmes politiques, se plaint encore et se résigne toujours mais enfin de compte se révolte. De l’injustice collective à la tragédie personnelle, le malaise prend forme dans les corps et les esprits, sans qu’aucune grande action politique n’apporte de réel soulagement.
Monsieur le Président,

De cette situation et, vous l’avez maintes fois prononcé dans votre propos, nos dirigeants sont les seuls responsables. Idées surannées, cupidité programmatique, opposition ethnique stérile et vide de tout sens, la jeunesse guinéenne bien plus forte et résiliente que l’on n’en croit, ne voit plus rien à venir car elle a perdu espoir.

Dans une telle situation économique, sanitaire et politique, le pays est exposé à une fragilité grandissante. Entre culture de la démagogie et la paresse intellectuelle, le climat politique se désintègre, parce qu’encore aidé par l’ ignorance de la grande majorité de population analphabète. Emergent alors, aux bénéfices des candidats identitaires, des propos à élan ethno-stratégique et divisionniste dans un archaïsme d’ordre particulièrement violent.

Monsieur le Président,

Votre défi, est donc immense. Dans ce contexte exceptionnel, de nouveaux enjeux apparaissent et nous accusons un retard préoccupant. Le renouveau de la démocratie participative, l’assainissement de nos comptes publics, la transition politique et de système, la Justice oui la Justice parce que vous êtes désormais tenu de l’engagement pris, la justice en tant que boussole qui orientera le citoyen. Il sera du devoir du peuple de Guinée, seulement lui, de s’exprimer sur ce qu’il est et sur ce qu’il veut en ce tournant vers son histoire. Les guinéens doivent choisir ! Choisir entre le déni de notre appartenance à une histoire commune et la nouvelle histoire de notre vie commune. Choisir entre ce qu’il croit vouloir et ce dont il a sûrement besoin. Choisir entre la violence, la paix et le progrès.
<< La Guinée ne doit pas être violée, on doit lui faire l’amour !>>. Ainsi rappelé par votre honneur Monsieur le Président. Cette citation appelle à un renouveau programmatique et à une nouvelle façon de faire de la politique, afin de redéfinir un projet pour la Guinée car il n’est pas tard d’éviter les violences et de débattre de nos ambitions et de nos idées, légions ou opposées qu’elles soient, afin de relever la Guinée.
Monsieur le Président, enfin,

Pour cela, il faut être un homme de paix et non un pacifiste, machiavélien et non machiavélique, il faut être aimé ou craint par nos anciens dirigeants. Il faut dresser chacun devant sa responsabilité pour que ce peuple guérisse enfin du cancer qui n’a cesser de répandre sa métastase et de faire des victimes de trop.

Bien sûr, nous savons qu’il existe une profonde différence entre des visions et des projets de chaque parti politique, de chaque conviction et appartenance quelconque, et qu’il y a même d’infinies nuances à l’intérieur de chacun de ces camps. Il n’empêche que ces visions et ces projets devront tous s’inscrire dans une analyse commune de la réalité de la société guinéenne, et dans la mise en œuvre des alternatives proposées.

Vive vaillant et glorieux peuple de Guinée,
Vive la liberté, vive la jeunesse.

Par Ismaël Traoré,
Juriste et enseignant.