Près de deux mois après la prise du pouvoir par l’armée guinéenne, le nouveau gouvernement peine à être nommé. En attendant, ce sont les Secrétaires généraux des départements qui assurent les activités courantes de l’administration. Mais il faut souligner qu’à l’heure actuelle, aucun budget initial n’est en cours. Ce qui empêche la continuité de plusieurs activités. Cette réalité plonge l’économie dans une totale incertitude, qui inquiète la population et irite les spécialistes en la matière.
Mais quels impacts directs et quelles conséquences négatives liés au retard de la mise en place d’un nouveau gouvernement? Ce retard ralentit-il les activités économiques du pays ?
Pour trouver une réponse à ces questions, notre rédaction a interrogé un économiste, qui a fait un zoom sur ce qui pourrait arriver avec ce retard. Au micro de maguineeinfos.com, Ibrahima Sanoh ouvre un autre pan sur l’importance de l’installation immédiate du Conseil National de la Transition (CNT).
Lire ci-dessous, l’intégralité de l’interview !
Depuis le 05 septembre dernier, les militaires sont au pouvoir suite au coup d’État contre Alpha Condé. Mais depuis près de deux mois maintenant, la Guinée ne connaît toujours pas les membres du nouveau gouvernement.
Étant spécialiste en la matière, dites-nous, quelles conséquences cela pourrait engendrer ?
Il faut dire que l’avènement des militaires le 05 septembre a déjà fait une rupture. Premièrement on sait il y avait une loi de finances rectificative qui avait été votée à l’assemblée nationale. Cette loi faisait état d’un déficit de 2000 milliards, donc par rapport à cela on sait que naturellement cette loi a des hypothèses, par rapport à l’inflation et autres. Donc il faut s’attendre à ce que tout cela ne soit plus respecté.
Deuxième, le Gouvernement faisait des efforts de mobilisation par rapport aux recettes. Alors avec la situation actuelle, il faut s’attendre à ce que cela ne se passe pas comme prévu. Donc c’est de l’incertitude, lorsqu’il y a un coup d’Etat, les opérateurs économiques ne sont pas très enthousiastes parce qu’ils ne voient pas d’abord la visibilité de ce que le Gouvernement souhaiterait faire. Alors la non mise en place du Gouvernement vient compliquer les choses. Il faut dire qu’on ne connaît pas les priorités que le nouveau Gouvernement va se donner, quelles mesures le Gouvernement va adopter ? Tout cela nous dit que la croissance économique n’est pas bonne, il se peut même que l’inflation augmente. L’autre chose, le problème n’est pas qu’au retard de la mise en place du Gouvernement. Mais le CNT aussi n’est pas installé. S’il n’ya pas un Ministre de l’économie et des finances ou un Ministre du budget, le budget de l’Etat ne peut pas être voté. Et le mois de septembre est passé, dans tous les pays du monde, le budget initial est présenté à l’assemblée. Et la Guinée n’a même pas de budget initial. Ce qui veut dire que pour l’année prochaine, on ne sait même pas quelles sont les priorités chiffrées en termes de dépenses et recettes. Vous voyez que nous partons dans l’incertitude?
Alors que faut-il faire urgemment ?
Je crois qu’il es urgent que le CNT et le Gouvernement soient mis en place comme cela se doit, même pas dans la précipitation mais dans la rigueur en tenant compte de la compétence. Cela va nous permettre de sortir de l’incertitude. Comme ça, on aura un Ministre de l’économie et des finances et un Ministre du budget, qui vont proposer un budget qui sera voté par le CNT. Sinon le Président de la République va continuer à prendre les décisions par ordonnance. Et les ordonnances ont des impacts négatifs.
En attendant le mise en place d’un nouveau gouvernement, pensez-vous que les Secrétaires généraux des Ministères peuvent assurer les affaires courantes sans beaucoup de conséquences sur l’économie ? C’est une bonne alternative ?
Oui c’est une alternative puisqu’ils sont en train d’évacuer les activités courantes. Mais comme vous savez lorsque les militaires ont pris le pouvoir, ils ont pris une série de mesures. Les comptes des Ministères sont gelés, on ne peut pas faire des opérations. Ce qui se fait actuellement, c’est les activités courantes, comme le payement des salaires, faire certaines signatures. Quant il s’agit de faire le budget de l’Etat, ils ne sont pas habilités à le faire. Même s’ils peuvent le faire, il faut que le budget soit voté par le CNT, qui n’est malheureusement pas mis en place d’abord. Ce qui veut dire que si un budget sera alloué actuellement, ça se fera par ordonnance du chef de l’Etat, ce qui n’est bon pour l’économie. Il faut qu’on sorte de cela.
En même temps, le Président a ordonné la poursuite de l’exploitation des ressources minières. Cette décision peut-elle permettre de stabiliser l’économie ?
Pas forcément, je ne suis pas sûr, parce qu’il faut voir l’intégration de ces sociétés minières dans l’économie. La contribution de ces sociétés ne fait pas plus de 20% aux impôts du pays. C’est un secteur qui n’est pas tellement intégré dans l’économie. Suite au coup d’État, toute personne qui souhaite investir, risque de rapatrier ses capitaux. Le Président n’a pas voulu que les gens rapatrient leurs capitaux, c’est pourquoi il a appelé les sociétés à poursuivre leurs activités.
Mais ce ne sont pas ces activités qui contribuent à améliorer le panier des guinéens. Le Guinéen ne vit pas du secteur minier
Entretien réalisé par Siradio Kaalan Diallo