N’y a-t-il pas raison de se poser la question à savoir pourquoi l’imam n’est-il pas rémunéré dans nos pays ?
En effet, l’imamat qui sous-entend la « fonction d’imam » est aussi bien un travail à temps plein que le sont d’autres emplois. D’ailleurs, discutant à ce sujet avec un ami malien dont le père était imam dans leur village, ce dernier m’informa que son père a été remercié par les fidèles de la mosquée au profit d’un plus jeune qui psalmodie le Coran d’une voix plus mélodieuse. Le triste sort de son père était sans doute le fait d’avoir étudié dans l’ancien système (dougoumakaran) alors que le jeune en question est diplômé de la madersa (école islamique moderne).
Par conséquent, ce vieil imam a été mis à la touche sans jouir d’aucun droit à la retraite ni d’un salaire fût-il modeste pour subvenir dignement à ses besoins vitaux et à ceux de sa famille, ainsi se livrera-t-il très probablement à la mendicité pour survivre le restant de ses jours. Pourtant, ce vieil homme a servi à certains égards sa nation, remplissant une fonction non officielle que jouerait un officier de l’état civil ou un fonctionnaire au sein du Ministère de l’Action Sociale, officiant ici et là baptêmes, mariages, sacrifices, cérémonies funèbres.
Comme illustration, lorsque quelqu’un décède même au beau milieu de la nuit, l’imam est aussitôt la première personne que l’on contacte lequel n’hésite pas de rompre son sommeil pour se rendre à la maison funèbre. Il se charge par la suite des funérailles qui comprennent entre autres : sermon funèbre, la toilette funéraire (lavage du mort), la prière mortuaire (prière sur le mort), l’enterrement, les sacrifices et il apporte même un soutien psychologique en vue de consoler la famille biologique et les proches éplorés. Tous ces efforts sont fournis sans qu’il ne puisse revendiquer légalement le moindre franc au risque d’être tourné au ridicule.
En vérité, il s’agit de la réalité que vit l’imam chez nous qui est dévalorisé, souvent tourné en dérision par les ignorants et relégué à l’arrière-plan.
Un autre fait mérite d’être rappelé pour saisir avec profondeur l’immensité de la tâche de nos imams : Considérant que le nombre de personnes qui assistent aux sermons du vendredi dépasse de très loin celui des personnes qui participeraient à une manifestation politique, de par son rôle à la fois spirituel (exhortant les fidèles à la pratique du bien et à l’éloignement du mal) et séculier (réglant les affaires appartenant à la vie laïque), l’escabeau (minbar) de l’imam est une tribune et un cadre idéal de sensibilisation. Il aborde une multitude de sujets comme l’impact du changement climatique avec des incitations aux campagnes de reboisement, à l’assainissement faisant partie intégrante de la foi sincère, le terrorisme, la corruption, pour ne citer que ceux-ci.
Par ailleurs, les imams jouent un rôle de pacificateurs et de médiateurs en tant que promoteurs infatigables de la paix et de la quiétude sociale. Par exemple, lorsque les politiques divisent les populations et détruisent la cohésion sociale, le rôle revient encore aux imams de lancer des appels de paix, invitant les uns et les autres à l’amour du prochain et à la fraternité.
A moins que l’on veuille être de mauvaise foi, il est indéniable que les hommes religieux ont à de nombreuses fois éteint le feu dans notre pays.
Maintenant lorsqu’à la lumière de tous ces efforts consentis l’on demande en toute légitimité un meilleur traitement pour les imams, les partisans du moindre effort intellectuel brandissent l’arme de la laïcité, comme si les services rendus par les imams sont destinés à des gens qui habitent une planète autre que la terre.
Enfin, posons-nous la question de savoir quel est ce politique qui peut égaler le travail d’un imam et ce, bénévolement? Les imams méritent toute notre attention et notre reconnaissance.
Par Docteur Mohamed Bintou Keita