Quand j’étais enfant et entendais le plus souvent ce que mes parents et voisins racontaient sur le président Ahmed Sékou Touré, je commençais aussitôt à l’aimer. La raison principale était que je n’avalas entendu qu’une partie de l’histoire de notre pays et étais incapable de me renseigner sur l’autre partie. Sans doute beaucoup de Guinéens sont dans la même situation aujourd’hui.

Quand j’ai commencé à fréquenter les écoles et universités, quand je suis maintenant capable de juger les choses par moi-même, j’ai mes remarques personnelles sur l’homme ainsi que ses camarades. Par exemple, j’aurais personnellement souhaité qu’on s’arrêtât seulement au vote massif de “non” et son discours devant le Général De Gaule ainsi que le contenu et son ton n’étaient guère opportuns. Nous aurions alors pu avoir notre indépendance et continuions nos relations état à état avec la France sans passer les premières vingt-cinq années de notre jeune nation dans la bataille sans merci avec cette puissance coloniale et à nous entretuer. Et aucune justification ne pourrait être donnée aux tortures inhumaines que certaines victimes subirent à l’époque.

Depuis à l’époque, les petits intellectuels comme Thierno Monenembo qui crachaient viscéralement leurs venins sur les colonisateurs français, puis sur les pères des indépendants, puis sur les dictateurs militaires, … et sur tout ce qu’ils voient n’ont point pu s’arrêter ne serait-ce qu’un petit moment. L’ironie était et il l’est toujours d’ailleurs que ces soi-disants intellectuels et écrivains n’ont jamais pu, au-delà de leurs venins, de proposer des solutions à leurs compatriotes ou aux Africains comment se mobiliser pour chasser les colonisateurs, de proposer des nouvelles formes de gouvernance aux pères des indépendances et ni comment instaurer la démocratie et la sauvegarder aux dictatures militaires. Ils ne savent que cracher en dénonçant tout ce qui n’allait pas dans leurs pays et ne proposent absolument rien du tout. C’est pourquoi un critique littéraire a écrit: «Ils essaient de revivre ce qui n’a jamais existé par les biais de l’immigration ». À la différence, leurs pairs occidentaux faisaient les deux et ils s’en sortent bien.

Il est temps que les Guinéens comprennent qu’on peut avoir des plus grands diplômes du monde ou écrire une dizaine de livres et être en même un idiot et un dangers pour notre société. Mon grand-père nous disait: «Si une connaissance ou une richesse ne permet pas à celui en a ou possède de réunir et améliorer les conditions de vie de sa famille, sa société, ses compatriotes, … n’a que des fins sataniques ». Et Sekou Touré disait: «Il y a une grande différence entre un instruit et un cultivé ». L’un n’a fait qu’acculer des connaissances et est incapable de les utiliser dans le but d’aider sa patrie quand l’autre essaie d’adapter le peu de sa connaissance aux besoins de sa société et au service de sa nation. Par exemple, si on n’avait écouté le Général Conté qui était qualifié d’analphabète sur sa proposition du bipartisme dans les années 1990, nous n’aurions pas nous entretués à chaque élection depuis lors et nous n’aurions aujourd’hui plus d’entreprises que des partis politiques et plus d’entrepreneurs que des politiciens fous dont certains n’ont même pas les soutiens de leurs propres familles. Figurons-nous que c’étaient ces soi-disants intellectuels avec des diplômes de Sorbonne ou Harvard qui étaient les premiers à s’opposer.

Aujourd’hui encore, ce sont les mêmes qui veulent accélérer les choses parce qu’ils croient qu’un d’entre eux pourraient se hisser le plus rapidement possible que prévu à la tête de notre pays. Et si ça ne marche pas, ils crieront encore aux fraudes massives et injustices et on aurait encore des victimes de Colonel. Si celui qui ne peut pas aider les Guinéens à se regarder, à se parler, à se pardonner, à se réconcilier, à mieux interpréter notre histoire, … à parler de l’avenir de ce pays qui inclura tout le monde peut la fermer et il nous aurait rendu un grand service. Le temps nécessaire pour que notre passé tragique ne se répète point dans le futur doit être pris et si le monde nous comprend tant mieux et dans le cas contraire, on doit aimer notre pays plus qu’eux.

Quant aux victimes de tous les régimes, celles du Camp Boiro de passage ainsi que tous les Guinéens, nous devons accepter quelques mises aux points: aucune ethnie n’a été victime de quoi que ça soit en Guinée comme aucune autre n’y a pas été coupable de quoi que ça soit. Aucun homme politique, petit intellectuel ou parti politique n’a le droit de parler à leurs noms surtout avec des connotations ethniques et dans les interprétations haineuses de notre histoire commune. Les victimes sont les Guinéens qui ont réellement perdu leurs parents et grand-parents ou biens et les coupables doivent être cherchés au milieu de ceux qui étaient dans les affaires. Aussi, la lecture intégrale et impartiale de notre histoire montre qu’on a eu des héros et tyrans en même temps comme les héros et victimes. On peut rendre hommages aux uns sans les soustraire de leurs responsabilités comme aux autres dans les innocenter des crimes qui leur sont reprochés. Avant tout c’est pas parce qu’on veut de la justice qu’on doit interdire de mentionner le nom de celui qui a été notre père de l’indépendance et premier président de la république de plus de vingt-cinq ans. C’est pas parce qu’on supporte ce dernier qu’on doit interdire de mentionner les noms de ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui. On peut nommer un aéroport de Sekou Touré pour les raisons mentionnés ci-dessus comme on peut donner le nom d’un autre lieu public à Diallo Teli parce qu’il joua un grand rôle à nous faire accepter de Nations-Unies.

Enfin, il peut y avoir deux manières de résoudre ce problème dans le but de réconcilier tous les Guinéens et ça dépendra entièrement des associations des victimes. Soit ils veulent que la vérité soit connue de nous tous, les nouvelles autorités organiseront des procès publics et les juges en trancheront entre eux avec des avocats en charge de part et d’autre de ceux qui seront concernés. Soit, les nouvelles autorités rencontrent toutes les associations des victimes car elles auront probablement des revendications. Des compromis seront trouvés pour que les Guinéens soient réconciliés et commencent à parler ensemble de l’avenir de notre pays. Les victimes et les éventuels coupables qui sont en vie se défendront dans des procès publics dans le but de punir les uns et faire des réparations appropriées autres. Il ne nous servira pas en tant que nation quand nous continuons à être des prisonniers des actes commis et subis de plus d’un demi-siècle quand quelques gestes, demandes des pardons et des bonnes lectures de notre histoire commune pourraient nous permettre de débattre dans le présent, poser les fondations d’une nation unie et prospère et la léguer aux futures générations.

Par Ibrahima Kandja Doukouré – New York