Réunie en sommet extraordinaire, dimanche 9 janvier à Accra, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a frappé fort contre le Mali. Les autorités de Bamako venaient de proposer une prolongation de la transition militaire de quatre ans au lieu de cinq, un délai jugé « inacceptable » par l’organisation ouest-africaine. Les nouvelles sanctions de la Cédéao, jusque-là ciblées contre les personnalités de la junte malienne, sont lourdes. Et elles isolent le Mali.
Le constat est clair : la junte militaire issue du double coup d’État n’a pas honoré ses engagements pour le retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 27 février 2022 ; au contraire elle veut proroger la transition. Si elle aurait souhaité cinq ans de plus, elle a finalement proposé quatre ans. Un délai qui reste « inacceptable » pour l’organisation sous-régionale : la Cédéao a opposé un refus et émis une série de sanctions qui prend effet immédiatement. Gel des avoirs au sein de la BCEAO, fermetures des frontières avec les États membres, suspension des transactions, retraits des ambassadeurs, etc. Le Mali écope de très lourdes sanctions.
Dans un communiqué lu à la télévision par le ministre Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, les autorités militaires maliennes « condamnent énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes ».
Comment analyser ces sanctions très sévères prises contre le Mali ? Pour Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network, « il s’agit à l’évidence d’un camouflet » à l’endroit de la junte.
D’abord, développe l’experte, « cela démontre que les autorités maliennes sont cette fois-ci allées trop loin dans la surenchère. Le délai de cinq ans pour la transition, qui manifestement avait été raccourcie à quatre ans dans une proposition qui avait été faite pour négocier avec les autorités de l’organisation sous-régionale n’ont pas été jugées acceptables.
La deuxième chose, c’est que la Cédéao reprend très clairement le dessus en démontrant son autorité et sa capacité à adopter des mesures extrêmement strictes et surtout susceptibles d’avoir un impact relativement rapide et douloureux à brève échéance. »
« Des conséquences chaotiques pour le Mali »
Reste que pour les soutiens des autorités maliennes actuelles comme d’ailleurs pour ses détracteurs, ces décisions sont contre-productives pour le pays.
Ainsi, Nouhoum Togo, homme politique soutenant la junte militaire au pouvoir au Mali et fondateur de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR), estime ces décisions ne prennent pas comptes les besoins des Maliens : « Les conséquences, c’est une situation chaotique pour le Mali ».
Pour Nouhoum Sarr, membre du Conseil national de la Transition et président du Front africain pour le développement, en prenant ces sanctions, la Cédéao tourne le dos au processus de transition déjà enclenché dans le pays. Il faut au contraire, dit « maintenir les canaux du dialogue avec les autorités légitimes du Mali pour qu’ensemble nous puissions définir un processus, un chronogramme, un agenda de sortie de cette situation ».
Les milieux économiques maliens ne sont pas en reste de réactions devant ces décisions qui les concernent au premier chef.
Pour Hamadoun Bah, secrétaire général du Syndicat national des banques, les conséquences sur le pays seront très néfastes.
Le secrétaire général du Collectif national des acteurs des marchés du Mali, Souleymane Konaté, est importateur et il regrette pour sa part la fermeture des frontières des pays membres de la Cédéao avec le Mali, qui est enclavé.
« C’est le peuple malien qui est sanctionné »
Pour d’autres en revanche, les responsables ne sont pas les dirigeants de l’instance ouest-africaine mais la junte militaire malienne. Aux yeux de beaucoup, la Cédéao s’en prend à la population plutôt qu’aux responsables et cela est contre-productif.
Tayirou Bah, secrétaire général de l’association Motivation Changer le Mali (MCM), juge que ces sanctions sont la « conséquence des politiques et des décisions néfastes que cette transition a prises ».
Aboubacar Sangaré est membre du bureau politique du Sadi, Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance, du Dr Oumar Mariko. Il estime que les dirigeants de la Transition devraient être les seuls à subir les sanctions.
Désormais, c’est l’inquiétude qui demeure, notamment chez les jeunes.
RFI