De l’attachement de la cola à l’étape durant laquelle se déroulent les rituels de la dot, le mariage traditionnel dans les communautés malinkés est un événement resplendissant et très spécial, un cérémonial spectaculaire d’une très grande importance qui véhicule ou transmet une panoplie de valeurs traditionnelles.

Malgré les effets pervers de la mondialisation qui ne cessent de laminer les valeurs sociétales africaines les plus prestigieuses, le mariage traditionnel chez les malinkés, tout comme chez bon nombre de groupes ethniques guinéens, est bien plus important que le mariage civil, même si quelque part sur le plan juridique il n’a pas de valeur légale pour le moment en République de Guinée.

Concernant les cérémonies de célébration du mariage, elles se déroulent en trois étapes à savoir : avant, pendant et après le mariage. Chacune de ces phases enregistre des événements mémorables et essentiels dont le respect est obligatoire non seulement pour les futurs mariés, mais également pour les différentes parties engagées.

Première étape : avant le mariage

Pour demander la main d’une fille, la famille du futur marié doit apporter des noix de colas ainsi que des sommes dont les montants sont fonction des moyens du prétendant. Cette démarche constitue le premier pas dans la procédure traditionnelle de demande en mariage. Pourquoi forcement des noix de colas ?

Partie intégrante des coutumes, les colas sont indispensables, de la demande des mains d’une fille à la cérémonie de célébration du mariage. Elles symbolisent le caractère sacré du mariage et sont un élément de légitimation de l’union entre un homme et une femme. Autrefois, elles symbolisaient également la signature et les fleurs.

En effet, les colas incarnent le respect, la pureté, la franchise et la sincérité. De leur taille aux fils avec lesquels elles sont attachées, tout a une valeur et une signification dans une cérémonie de mariage coutumier. Les petites noix de colas ou des attaches mal faites sont vues par la belle-famille comme un manque de respect à son égard, une insulte ou une méconnaissance des coutumes malinkés en la matière. Un tas de grosses et jolies noix de colas bien attachées traduit le respect, la considération, et est également l’expression d’un grand degré d’amour de l’homme qui aspire la main d’une fille. C’est pourquoi, l’attachement de la cola, une culture purement régionale, est fait par une catégorie de personnes réputées pour ce travail minutieux (souvent des sages).

Le fil d’étoffe symbolisant le lien du mariage et qui sert d’attache des noix de colas ne doit pas être noué à la fin de l’attache. Une manière de montrer que dans un mariage il faut de la flexibilité. Malgré l’hyper culture globalisante qui affecte toutes les cultures, ces friandises africaines ayant un goût un peu amer restent encore irremplaçables dans les cérémonies. Elles valent plus que l’argent.

Dans les communautés malinkés pour demander la main d’une fille, les parents du prétendant envoient trois tas d’attaches de colas à la future belle famille, à travers le ‘’foudou boloma’’ ou ‘’foudou gnèlo’’ (l’intermédiaire ou l’interface entre le prétendant et sa belle-famille), pour montrer leurs bonnes intentions. La famille du prétendant ne pouvant s’adresser directement à sa future belle-famille et vice versa.

Toute attache de colas chez les malinkés, en principe, doit être accompagnée d’une somme dont le montant est fonction des moyens du prétendant.

La première démarche connaît essentiellement deux étapes : l’envoi du ‘’fôly woro’’ ou les colas de salutation et du ‘’gnini kaly woro’’ ou les colas de demande pour voir s’il n’y a pas une autre candidature pour la fille.

-’’Fôly woro’’ ou les colas de salutation

Le premier envoi, composé de deux ou trois attaches en fonction des familles, respectueusement fait de dix noix de colas chacun (woro tan) : une attache servant ‘’d’ouverture du chemin’’ menant à la famille de la prétendante et une deuxième pour saluer la famille de la fille (fôly woro ou colas de salutation).

-’’Gnini kaly woro’’ ou les colas de demande pour voir s’il n’y a pas une autre candidature pour la fille

‘’Gnini kaly woro’’, c’est la troisième attache du premier envoi des noix de colas pour demander s’il n’y a pas une autre candidature pour la fille. Une manière de s’assurer que le chemin est complètement libre. Ainsi, la famille du prétendant reste à l’écoute de la suite qui sera réservée à sa demande.

Si la famille de la prétendante répond favorablement à la demande, quelques jours après l’envoi de ces trois attaches de colas, le message suivant est envoyé à la famille du prétendant : « hina bara woro folo wota », qui veut littéralement dire : « la pitié a pris ces premières colas. » Par lapsus lingual, beaucoup disent aujourd’hui « gnina lou bara woro folo wota », qui veut littéralement dire en malinké : « les souris ont volé les premières colas qui ont été envoyées. »

-’’Foudou foli woro’’ ou les colas de la salutation des parents de la fille

Une autre attache de colas, à la suite de la réponse donnée ci-haut par la famille de la future mariée, est envoyée à celle-ci par la famille du prétendant. Cette attache servira d’information de la famille élargie (kabila). Souvent, certaines familles profitent de la même occasion pour proposer la date de célébration du mariage.

La famille de la future mariée se réunira pour examiner la faisabilité ou la proposition de date de célébration faite par l’autre partie. Si cette date ne lui convient pas, elle fait une contre-proposition. Si les deux familles s’entendent sur la date, chacune se prépare de son côté pour la célébration du mariage.

À la suite donc de cette fixation de date consensuelle, la famille de la prétendante remettra la liste des personnes (côté paternel et maternel) dont le consentement est important pour la célébration de l’union, que le futur époux et ses parents devront forcément saluer. C’est l’occasion pour le prétendant de connaître certains parents importants de la future mariée pour qu’il ne soit pas étonné un jour de voir un de ceux-ci s’impliquer dans une affaire concernant leur couple. L’union est consacrée par la majeure partie de la famille étendue.

Ces différentes salutations d’usage des membres importants de la fille se font toujours avec des attaches de colas.

Le mariage chez les malinkés, tout comme dans plusieurs communautés, se déroule de manière chronologique. Il comporte deux principales étapes : le mariage coutumier proprement dit (foudou) et les noces. Les cérémonies se déroulent, comme il est souligné plus haut, avant, pendant et après le mariage. C’est tout cela qui fait la beauté et la complexité du mariage en pays malinké.

Deuxième étape : le déroulement du mariage coutumier

Le mariage malinké est un mariage qui peut durer jusqu’à plusieurs semaines. Quelques jours avant le jour de la célébration du mariage coutumier proprement dit, plusieurs cérémonies sont organisées en l’honneur des futurs mariés pour marquer leur entrée dans le monde des mariés. Du ‘’bônkôno foli’’ au ‘’dembadon’’, en passant par le ‘’safouna malö’’, le ‘’djaa laban’’ et le ‘’soumou’’, ces cérémonies, en plus d’être authentiques et conviviales, valorisent les beaux parents et les deux familles. Elles se déroulent dans la famille de la future mariée.

  • Les cérémonies avant le mariage coutumier

Quelques jours avant le mariage coutumier proprement dit, plusieurs cérémonies sont organisées notamment en l’honneur de la future mariée.

-’’Bônkôno foli’’ ou la salutation de la future belle famille

‘’Bônkôno’’, en malinké c’est « l’intérieur de la maison ou de la famille », et ‘’foli’’, c’est «la salutation ». Au sens littéral, ‘’bônkôno foli’’, c’est une cérémonie qui se fait généralement à l’approche du mariage, et au cours de laquelle les sœurs et tantes du futur époux viennent manifester leur joie à la future belle-famille. Cette cérémonie peut se faire, en fonction des familles, avec ou sans instrument de percussion.

-’’Safouna malö’’ ou l’envoi des morceaux de savon

‘’Safouna’’, en malinké signifie « savon » et ‘’malö’’ veut dire « l’envoi ». ‘’Safouna malö’’ veut donc dire en malinké « l’envoi des morceaux de savon ».

Cérémonie au cours de laquelle les sœurs du futur marié offrent des morceaux de savon à la nouvelle mariée, le safouna malö se fait aux rythmes du ‘’djembé’’, de danse traditionnelle, souvent le doundoumba (danse traditionnelle malinké). Dans le passé, même avec cinq (5) morceaux de savon seulement, cette cérémonie pouvait être organisée et sans instruments de percussion. Mais de nos jours, du fait de l’occidentalisation culturelle de l’Afrique, il faut nécessairement 101 morceaux de savon qui se répartissent de la manière suivante : 100 pour la mariée et 1 pour la personne, souvent l’une des filles d’un des oncles paternels du marié (könkan), qui portera le bagage sur la tête jusque dans la future belle famille. Dans certaines familles, c’est la griotte qui accompagne pour la circonstance et qui compte les morceaux de savons, qui prend le cent unième morceau. Une ou des sœurs du futur époux s’habilleront en garçon pour montrer à la future mariée qu’elle est son mari. Les chahuts entre beaux-frères et belles-sœurs font aussi la beauté de la culture malinké.

-’’Demba don’’ ou la danse de la marraine traditionnelle de la mariée

‘’La demba’’, en malinké, c’est «la maman de la fille », et « don », signifie en malinké «la danse ». La ‘’demba don’’ donc est «la danse de la marraine traditionnelle de la mariée ». Dans la tradition, cette marraine traditionnelle de la mariée doit être une sœur ou une amie de la maman de la future mariée. Elle doit accompagner la mariée tout le long de sa vie de couple.

La ‘’demba’’, dans le passé, portait un boubou, de préférence de couleur bleu ciel (bha-kèndè). Elle mettait sur elle une écharpe en tissu de laine tissée (dan-fanni) multicolore. Le foulard du boubou noué sur la tête, en dessus une écharpe en tissu de laine tissée, la ‘’demba’’, à l’aide d’épingles, accrochera quelques billets de banques à son boubou, quelques condiments parfois tels que les aubergines (sauvage et ordinaire). Elle ajoutait ensuite des bijoux, souvent de grosses boucles d’oreilles en or.

Danse traditionnelle, la ‘’demba don’’ est une cérémonie organisée en l’honneur de marraine traditionnelle de la mariée. Aujourd’hui, du fait du brassage culturel, le ‘’safouna malö’’ et la ‘’demba don’’ se retrouvent dans toutes les communautés guinéennes.

-’’Djaa laban’’ ou l’enterrement de vie de jeune fille

‘’Djaa’’, en malinké veut dire «la réjouissance », et ‘’laban’’, signifie « dernier ou dernière ». ‘’Djaa laban’’ donc, c’est « l’enterrement de vie de jeune fille ». C’est une cérémonie au cours de laquelle la future mariée, en compagnie de ses amies, se réunissent dans la limite des règles traditionnelles et coutumières pour « enterrer sa vie de jeune fille ». Cette cérémonie se caractérise souvent par des pas de danse traditionnelle, totalement diffèrent de la manière dont nombre de filles célèbrent cela aujourd’hui.

-’’Soumou’’

‘’Soumou’’, en malinké signifie «la causerie ». ‘’Soumou’’ donc, c’est une cérémonie au cours de laquelle, dans le contexte originel, les griots relatent ou rappellent l’histoire des différentes familles concernées par le mariage, tout en faisant leurs louanges. Elle se fait la nuit.

Exclusivement féminines, ces différentes cérémonies se font dans la famille de la nouvelle mariée ou au lieu choisi par celle-ci.

-’’La könkan’’ ou la fille qui s’occupe des tâches ménagères au moment où la nouvelle mariée restera recluse dans sa chambre

Différente de la ‘’kogno woulouni’’, signifiant litteralement «la petite chienne de la mariée », qui est l’un des membres de la famille de la nouvelle mariée, la ‘’könkan’’ est l’une des filles d’un des oncles paternels, qui vient tout juste après le marié, par rapport au rang de naissance dans la grande famille. C’est impossible de devenir ‘’könkan’’ d’un grand-frère de même père. Cette pratique ancestrale consolidait les liens dans les grandes familles.

Le jour du ‘’safouna malö’’, la ‘’könkan’’ doit porter le bol contenant les morceaux de savon. Si elle ne peut pas, elle peut déléguer une personne.

La ‘’könkan’’ rangera et nettoiera la maison des nouveaux mariés durant tout le temps que la nouvelle mariée fera dans le ‘’kogno-bôn’’ (temps que la nouvelle mariée fait à la maison sans sortir). Après avoir fait tout ce qu’une ‘’könkan’’ doit faire, la nouvelle mariée doit ouvrir la valise que son époux lui a donnée. La ‘’könkan’’ fera son choix. Ce choix est indiscutable.

De nos nos jours, la nouvelle mariée peut proposer, à l’issue d’une négociation, à la ‘’könkan’’ de lui laisser faire le choix, et ce, pour éviter qu’elle lui prenne son tissu préféré. Malheureusement, ces pratiques tendent à disparaître.

Pour finir, il faut souligner aussi que la qualité des savons envoyés compte aujourd’hui aux yeux de l’opinion. Ils doivent être de bonne qualité pour éviter les critiques des mauvaises langues. De nos jours, le savon B-F est prisé par presque toutes les communautés guinéennes.

  • ’’Foudoussidi’’ ou les rituels de la célébration du mariage coutumier

La façon de célébrer le mariage coutumier chez les malinkés peut, du fait de la richesse et de la diversité des valeurs traditionnelles de cette communauté s’expliquant par l’existence en son sein de plusieurs sous-embranchements, changer d’un milieu à un autre. Ce qui signifie que les informations que nous donnons ici peuvent changer parfois en fonction des familles.

Le jour de la célébration du mariage coutumier

Le jour de la célébration du mariage, le matin avant que le soleil n’atteigne le Zénith, les parents du futur marié, avec eux un plat copieusement fait (dans certaines familles), la valise de la mariée, la dot, les attaches de colas, se rendent dans leur future belle famille où le mariage coutumier doit se tenir. La belle-famille peut également décider que cette cérémonie se tienne dans une mosquée (souvent la plus proche de la famille), si c’est un couple de musulmans.

La dot doit comporter la dot proprement dite et le sadakou. La dot proprement dite, se compose d’un lot de nombreux cadeaux pour la femme, allant de pagnes (bazins riches, wax hollandaids…) aux bijoux en or, en passant par des sacs, vaisselles des chaussures…. Ces cadeaux doivent être accompagnés d’une somme dont le montant varie selon les familles et les exigences des uns et des autres. Le montant n’est pas fixe. Tandis que le ‘’sadakou’’, c’est l’or (1 gramme) ou sa valeur. Certains, en fonction de leurs moyens, peuvent payer beaucoup plus. En clair, la dot se négocie souvent entre les deux familles pour parvenir à un accord. Si certaines familles ne demandent pas grand-chose, d’autres par contre demandent des choses au prix d’or à la famille du prétendant.

Il est important de préciser qu’avant, surtout dans les villages, avec certaines sous-communautés (comme kouranko par exemple), la dot proprement dite c’étaient des bœufs et le nombre variait d’un milieu à un autre.

Dans la valise, en plus des habits de la nouvelle mariée, ses bijoux et autres, se trouvent les boubous du père (avec une somme dans sa poche appelée traditionnellement ‘’dioufarô bila’’), de la mère (accompagné du prix de couture), parfois des tentes et oncles. Dans certaines familles, une somme est mise sur la valise dont le montant est fonction des moyens financiers du futur époux. C’est le prix de couture des habits.

À défaut du matin, cette cérémonie coutumière se fait le soir car, selon la tradition, le mariage ne doit pas être scellé en pleine journée.

-’’Foudoussidi woro’’ ou les colas de la célébration du mariage

Composé au minimum de dix (10) attaches de colas, ‘’foudoussidi woro’’ (se répartit comme suit :

-une attache pour les sages du village ou de la localité ;

-une attache pour le chef de quartier ou de district ;

-une attache pour le ou les imams (si c’est un couple musulman) ;

-une attache pour les oncles paternels ;

-une attache pour les frères de la future mariée. Dans certains cas, au lieu d’une attache c’est deux : une pour les jeunes frères et une pour les grands frères.

-une attache pour les tantes ;

-une attache pour les marâtres ;

-une attache pour les oncles maternels ;

-une attache pour les voisins ;

-une attache pour les griots ;

-une attache pour les Sanakouns ou les cousins à plaisanterie.

En plus de ces attaches, il y a une calebasse remplie de colas qui seront reparties à l’assistance. Il faut noter que chaque attache est accompagnée d’une somme dont les montants varient en fonction des moyens du futur marié.

Savez-vous pourquoi en venant pour la célébration du mariage coutumier les parents du futur époux envoient à la future belle-famille une calebasse toute neuve remplie du riz et couverte de tissu blanc, un petit sac de sel, sept aiguilles, un balai, une natte, un canari, un tabouret, les fils de coton, une corbeille, une marmite, un mortier et l’encens ?

L’envoi de ces objets n’est pas anodin. Ils ont tous un dans les us et coutumes malinkés et livrent chacun d’eux de profonds et fructueux messages non seulement pour les futurs mariés, mais aussi pour l’assistance.

-La calebasse neuve remplie de grains de riz et couverte de tissu blanc

Non utilisée encore et remplie de riz, la calebasse neuve signifie que le futur époux doit passer par tous les moyens pour ne pas que sa femme manque du manger. Il doit la nourrir.

Le tissu blanc recouvrant la calebasse signifie que dans le couple, il ne doit avoir que de la sincérité, l’honnêteté. Les cœurs des conjoints doivent être ouverts l’un envers l’autre. Cela permet au couple de surmonter toutes les difficultés et d’être heureux.

Cette calebasse neuve, non utilisée encore, symbolisant aussi la virginité, remplie de riz et de cent noix de colas, sera portée par la grande ou la petite sœur du futur époux, jusque dans la future belle-famille, où les cérémonies du mariage devront se dérouler. Elle ne doit aucunement toucher le sol pendant le trajet et sera, une fois dans la belle famille, posée au milieu d’une nouvelle natte sur laquelle sont assis des sages et témoins de la fille et de l’homme.

-Les sept aiguilles

Les sept (7) aiguilles, quant-à-elles, désignent les moments de difficultés. Elles signifient que dans le mariage il n’y a pas que des moments heureux, des moments difficiles aussi viennent. Le jour où le mari ne parvient pas à payer de nouveaux habits ou à donner de la dépense, la femme ne doit aucunement faire de cela des problèmes. Une femme ne doit pas dire que si son mari ne lui paie pas tel habit ou tel autre, elle ferait ceci ou elle ferait cela. Cela crée souvent des fossés dans les relations. C’est donc pour dire à la femme que le jour où son mari n’est pas à mesure de lui trouver de nouveaux habits, de prendre des aiguilles pour recoudre, sans bruit, les anciens habits qu’elle a pour les porter. Bref, c’est une manière de dire qu’une bonne femme, c’est aussi celle qui n’exhibe pas la pauvreté de son mari devant les autres.

L’envoi des aiguilles affiche également que tous ceux qui prennent part à la célébration du mariage, ne doivent en aucune manière regarder l’union se disloquer. Ils doivent tous veiller sur le couple pour qu’il vieillesse et ne meurt jamais.

-Donner de l’eau ou du lait à son beau-fils et à sa fille

Cette pratique ancestrale traduit plein de choses, mais malheureusement, beaucoup n’y font attention : la future belle-mère donne de l’eau ou du lait à son beau-fils et à sa fille. Savez-vous ce que cela signifie ?

C’est l’expression de la bonne foi, de la bonne intention. Cet acte signifie que c’est avec un cœur pur qu’elle donne sa fille à son beau-fils. L’eau et le lait sont symboles de pureté, en plus d’incarner la sincérité et la fidélité, ils sont réputés être des sources d’ondes positives.

-Le petit sac de sel

L’envoi du petit sac de sel signifie qu’il n’y a pas que des moments de bonheur dans le mariage, des moments difficiles existent également.

En effet, le mariage, tout comme le sel, a un goût amer. Tout comme le sel dans la sauce, il est indispensable dans la vie d’une personne, car les unions libres et autres sont proscrites dans les valeurs traditionnelles africaines. ‘’Foudou kassa ni dhé’’

-Les tenues blanches

Le jour du mariage, les futurs époux seront magnifiquement vêtus de tenues blanches. Une manière de dire que le but du mariage n’est nullement d’être malheureux, mais plutôt d’être heureux. Le blanc symbolise le bonheur, la joie, la paix du cœur.

-Le balai

Symbolisant la propreté, l’envoi du balai signifie que la femme, pour conserver son mari, doit toujours le recevoir dans le lit conjugal propre. En plus, elle doit rendre l’environnement où elle vit avec son mari toujours propre et attrayant.

-L’encens

L’encens, c’est pour dire à la femme qu’elle doit toujours se rendre belle et sentir bon pour attirer toujours son mari.

-Les habits

L’envoi des habits, c’est pour dire à la belle-famille que le futur époux passera par tous les moyens pour que sa femme ne manque d’habits.

-La marmite et le mortier

L’envoi de ces deux ustensiles de cuisine, c’est pour dire à la future mariée qu’une bonne femme, c’est celle qui sait préparer et qui donne à manger à temps à sa famille. Il signifie également que la femme doit avoir le sens du partage.

-La corbeille

Vannerie pour conserver les biens précieux dans les villages, l’envoi de la corbeille c’est pour dire à la future mariée que de la manière dont ce panier conserve toutes sortes de choses sans divulguer le moindre secret de quoi que ce soit, elle doit garder les secrets de son mari de la même manière. C’est pour dire, en un mot, à la femme de savoir garder sa langue.

-Les fils de coton

L’envoi des fils de coton, c’est pour dire à la future mariée qu’elle ne doit aucunement diviser la famille qu’elle a trouvée unie. Une fois chez son mari, son rôle doit être celui d’unir davantage les membres de la famille de son époux et non de les mettre les uns contre les autres.

-Sii gbengbéré ou le tabouret de la vie

‘’Sii’’, en malinké c’est « asseoir ou vie », et ‘’gbengbéré’’, c’est « le tabouret ». Au sens littéral, ‘’sii gbengbéré’’, c’est pour dire à la future mariée qu’une fois chez son mari, elle doit ‘’s’asseoir dans le mariage à vie’’, être tranquille et ne doit plus se comporter comme avant. Même si elle apprend la mort d’un de ses parents, quand son mari ne veut pas qu’elle se rendre, elle ne doit pas aller sans l’accord préalable de ce dernier.

-Le canari

Symbolisant l’eau, l’envoi du canari signifie que la future mariée doit faire de telle sorte que la famille ne manque d’eau. Il signifie qu’elle doit toujours prendre des dispositions pour que les membres de la famille boivent et mangent ensemble. Cela renforce, selon la tradition, les liens entre les enfants.

-La natte

La natte représente le lit conjugal. C’est pour dire à la future mariée qu’elle ne doit refuser ou rejeter son mari quand celui-ci a besoin d’elle. Elle doit lui être toujours réceptive.

En fin de soirée, à la fin des cérémonies de mariage, la famille de la nouvelle mariée peut venir la prendre pour la conduire dans la maison familiale où elle doit être lavée par une femme n’ayant connu ni le veuvage ni le divorce dans sa vie, afin qu’elle rejoigne son mari à l’état pur, sans Chetan (Satan). Ce rituel est d’une grande importance. Vous vous demanderez certainement pourquoi forcément une femme n’ayant jamais été veuve ni divorcée dans sa vie.

C’est pour que la baraka de celle-ci, c’est-à-dire la chance de vivre longtemps avec son mari, accompagne la nouvelle mariée dans son foyer. Dans la douche, il y aura deux sceaux d’eau : un sceau d’eau chaude et un sceau d’eau tiède.

La femme chargée de laver la nouvelle mariée, versera sur le pied droit de cette dernière un peu d’eau tiède. Sur celui du gauche, un peu d’eau chaude. Ensuite, elle versera de l’eau chaude sur son corps. Quand elle sursaute, elle la verse de l’eau tiède. Ce rituel, c’est une manière de lui enseigner qu’il n’y a pas que le bonheur dans le mariage. Les moments difficiles, symbolisés par l’eau chaude, existent aussi. Elle doit supporter ces deux situations. Elle la lavera proprement et lui fera faire la Janaba (purification).

Lavée, sa tête sera défaite et sera joliment tressée, sous l’escorte des chants et danse dédiés à cet effet, par une femme à laquelle elle a été confiée en bas âge pour son éducation, sans qu’elle ne débourse le moindre sou. Cette cérémonie s’appelle ‘’koun Koli’’ ou « lavage de tête de la mariée ». Dans certaines familles, c’est le ‘’fè gbou’’. ‘’Fè’’, en malinké c’est «la calebasse », et ‘’gbou’’, c’est « taper ». ‘’Fè gbou’’ ou « cérémonie au cours de laquelle on tape sur la calebasse », c’est pour rappeler à la future mariée certaines attitudes à tenir au foyer. Ensuite, elle sera couverte de vêtements blancs évoquant la pureté, avec un voile blanc sur la tête. Une dame expérimentée la fera asseoir sur un tabouret trois fois de suite (assis debout, assis debout), tout juste au milieu d’une assemblée de femmes constituée des membres de sa famille, devant deux ou trois représentants de la belle-famille. A tour de rôle, les personnes présentes prendront la parole pour lui prodiguer des conseils et lui peindre la profondeur de la nouvelle vie qui l’attend désormais. La mariée reçoit des conseils et instructions avant d’être accompagnée chez son mari par quelques sages désignés à cet effet par sa famille. Ce rituel, c’est aussi une manière de dire que cet instant marque la fin de la vie de jeune fille et l’ouverture d’une autre : la vie conjugale. C’est une reviviscence, le passage du monde des non mariés à celui des mariés.

Ainsi, la famille de la nouvelle mariée demande aux membres de sa future belle-famille présents à la cérémonie de prendre leur désormais nouvel enfant. Des sœurs et frères de l’épousée peuvent empêcher ceux-ci de prendre leur sœur (chahut). Pour avoir la route, la belle-famille est obligée de leur remettre une somme symbolique.

Dans une ambiance bon enfant et au rythme de la tradition, la nouvelle mariée sera conduite par une forte délégation dans sa belle-famille où, tout juste à l’entrée, l’un des petits frères de l’époux viendra la porter au dos jusqu’à l’entrée de la chambre. Là, elle descend. À travers cette action, les frères et sœurs de son mari lui témoignent toute la joie que la famille ressent en la comptant désormais dans ses rangs.

Une nouvelle mariée qui ne bénéficie pas de cet honneur, de cette chaleur humaine, de cette ambiance de bienvenue, a souvent du mal à se frayer un chemin dans cette nouvelle famille. Ce moment est précieux dans la vie future de la nouvelle mariée.

Arrivée dans sa nouvelle famille, avant de retrouver la chambre de son époux, les sages qui l’ont accompagnée la déclare à ses beaux-parents et font passer les messages de doléance et de fraternité de la famille de l’épousée.

Pour entrer à la maison, la nouvelle mariée fait entrer son pied droit puis, le retire, jusqu’à trois (3) fois de suite. Elle fait la même chose avec le pied gauche, avant de rentrer définitivement dans la maison. Elle sera ensuite conduite dans une chambre, où elle doit se coucher dans le lit, toujours couverte en blanc de la tête aux pieds. Pendant ce temps, les représentants de sa famille s’entretiennent avec leur belle-famille pour leur donner définitivement les mains de leur fille. La belle-famille à son tour, donne un grand plat de riz ou un sac de riz, accompagné d’une somme symbolique aux parents de la fille venus dans la délégation.

Pendant que la mariée entre à la maison, le marié quitte les lieux. La nouvelle mariée ne doit pas le trouver à la maison. C’est quand tout le monde rentre, le nouveau marié se présente maintenant et trouve son épouse dans la chambre.

La nouvelle mariée et son mari passeront leur première nuit (leur noce) sur un drap blanc immaculé. Le lendemain matin très tôt, les vieilles femmes viennent vérifier si la nouvelle mariée est vierge ou non. Si elle l’est, des rituels sont organisés en son honneur. Ce drap blanc sera amené par une délégation de vieilles chez sa mère afin de lui rendre hommage pour avoir réussi à bien élever et sauvegarder la virginité de sa fille. Des présents lui seront remis ainsi qu’à sa fille. Aussi, un poulet sera égorgé puis, préparé pour donner à manger à la nouvelle mariée qui se régalera très bien. Mais si elle ment sur sa virginité, le fait de manger ce plat, elle ne fera pas d’enfant et aura tout le temps des maux de ventre.

Par contre, si la nouvelle mariée n’est pas vierge, sa famille sera couverte de honte. Aucune cérémonie n’aura lieu en son honneur. Autrefois, cela pouvait mettre en cause l’union.

Autrefois, dans certains milieux malinkés, la nuit du mariage religieux, se passe une cérémonie de réjouissance traditionnelle. Le futur mari est invité par des amies de sa femme, son sèrè (les filles de la génération de sa femme). Un plat est copieusement fait à cette occasion.

Le nouveau marié assis au milieu de la foule, sa femme est invitée à lui donner à manger. Elle prend une grosse poignée de riz, sans sauce, et donne à son mari. Dans la main de sa dulcinée, ce dernier mangera aux rythmes du djembé et de la chanson traditionnelle, sous les applaudissements de la foule. Ensuite, la nouvelle mariée prendra le plus gros morceau de viande puis, le mettra dans la bouche de son mari. Ce dernier pincera ce morceau de viande avec ses dents. Et s’il y a dans la foule un de ses amis non marié encore, celui-ci est aussitôt invité à venir lui retirer avec ses dents ce morceau de viande. S’il n’obtempère pas, ses amis l’obligeront à le faire. Une manière de dire aux jeunes habités souvent par la peur de se marier, qu’il n’y a rien de plus beau en ce monde que de partager le reste de sa vie avec une personne qu’on aime. Actuellement, cette cérémonie se fait la nuit du jour précédant la célébration du mariage.

Troisième étape : après le mariage

Au cours de la première semaine qui suit la célébration du mariage, plusieurs cérémonies sont organisées.

-’’Mouran malö’’ ou l’envoi des ustensiles de ménage

Quelques jours après le mariage, généralement le troisième ou le sixième jour, les parents de la mariée organisent une petite cérémonie appelée ‘’mouran malö’’, ou « cérémonie au cours de laquelle la famille de la nouvelle mariée lui envoie des ustensiles de cuisine de toute sorte ». ‘’Mouran’’, en malinké signifie « ustensiles de cuisine ou de ménage », et ‘’malö’’, veut dire « l’envoi ». ‘’Mouran malö’’ donc, c’est « l’envoi des ustensiles de cuisines à la nouvelle mariée ».

En effet, la famille de la nouvelle mariée, accompagnée d’une griotte, envoie des ustensiles de cuisine à la mariée. Une veuve ou une divorcée ne doit pas toucher ces ustensiles, sauf après présentation officielle. Au cours de cette cérémonie, y aura ‘’le djanssali’’, ou « cérémonie au cours de laquelle les parents de la nouvelle mariée et ceux du marié offrent des présents à la nouvelle mariée. ‘’Djansa’’, en malinké signifie « encenser ou donner des cadeaux ».

Durant ces jours de cérémonies et la semaine qui suit la célébration de l’union, la nouvelle mariée doit observer un certain nombre d’attitudes notamment s’abstenir de porter certaines tenues ou rester dehors jusqu’au crépuscule. Pendant la cérémonie du mariage, la pluie ne doit pas toucher la nouvelle mariée. Cela pourrait, selon la tradition, lui porter malheur.

-’’Bara boli foli’’ ou salutation de la nouvelle mariée dans sa famille biologique

La nouvelle mariée doit rester à la maison pendant sept jours. Au septième jour du mariage, elle passe la journée chez ses parents : ‘’bara boli foli’’ ou la salutation en famille. Dès après la prière de l’aube, elle sort pour regagner le domicile de ses parents. Elle prend le soin de n’être aperçue par personne. En y allant, sa belle-famille, devra cuisiner un grand plat avec lequel elle ira. Elle partira avec l’une de ses belles-sœurs. Le soir, l’un de ses beaux-frères viendra les chercher pour les ramener à la maison. Ce jour marque la première sortie officielle de la nouvelle mariée après le mariage. Le plus souvent le lendemain, elle entre dans la cuisine pour faire le ‘’bolö folö tibili’’ ou ‘’bolö mafènè gba’’ ou la première cuisine de la nouvelle mariée, que certains appellent ‘’ test cuisine.’’

-’’Bolö folö tibili’’ ou la première cuisine de la nouvelle mariée

‘’Bolö’’, veut dire en malinké ‘’main’’, ‘’folö’’, signifie « premier ou première », et ‘’tibili’’, qui veut dire « cuisine ». ‘’Bolö folö tibili’’, veut donc littéralement dire en malinké « première cuisine de la nouvelle mariée ».

Au huitième jour de son mariage, la nouvelle mariée cuisine toute seule souvent et tout le monde mange à sa faim. Les amis de son mari, ses amis à elle, les différentes familles, plusieurs personnes sont invitées à ce festin. S’il y a beaucoup de plats à faire, la nouvelle mariée peut se faire assister par ses petites sœurs et ses amies. Cette première main de la nouvelle mariée, comme on le dit en pays malinké, se passera dans la grande famille du mari, sous le regard curieux des vieilles femmes, des amis du mari, les parents de la nouvelle mariée, tous pressés de la déguster. Elle doit mettre le meilleur d’elle-même ce jour-là pour que sa cuisine soit appréciée. Sinon, elle couvrira de honte sa famille, notamment sa mère.

Les ‘’kanin-ma sina mousso’’, souvent des épouses du grand et du petit frère du nouveau marié, jouent un grand rôle ce jour. ‘’Kanin’’, en malinké c’est « le poivre de Guinée ou le Kili », ‘’ma’’, c’est « avec qui », ‘’sina’’, c’est «la coépouse », et ‘’mousso’’, c’est «la femme ». Au sens littéral donc, ‘’kanin-ma sina mousso’’ veut dire « coépouse avec qui partagé le poivre de Guinée ou le kili ». Chez les malinkés, les femmes des frères sont des coépouses. Et souvent, leur mésentente est plus vorace que celle des femmes partageant le même époux.

De l’achat des condiments à la cuisine, jusqu’à la distribution des plats, les ‘’kanin-ma sina mousso’’ sont au cœur de l’organisation de la cérémonie. Confiée à elles, ces ‘’kanin-ma sina mousso’’ deviennent aussitôt les grandes sœurs de la nouvelle mariée dans la grande famille. Chez les malinkés, la première femme à être dans le foyer est toujours considérée par les autres qui l’y trouvent comme la grande sœur, ce, quel que soit son âge.

L’implication des épouses du grand et du petit frère du nouveau marié dans l’organisation de cette première main de la nouvelle mariée, c’est une façon d’instaurer la quiétude et une atmosphère de vivre ensemble, car quand des femmes ne s’entendent pas dans la grande famille, cela pourrait être source de division dans la fratrie.

La nouvelle mariée, durant la première semaine qui suit le mariage, ne doit pas s’asseoir sur un tabouret déjà utilisé par une veuve ou une divorcée. Elle est soumise à des restrictions alimentaires. Elle consommera des plats tels que de la bouillie, de l’eau bouillante, de la soupe, pour purifier son corps (le dégraisser notamment) et son esprit. Ces restrictions lui permettront, selon la tradition, l’arrivée rapide du premier enfant.

Il est à préciser que le jour du mariage coutumier, chez certains ou le jour du « mouran malö » chez d’autres, deux personnes sont désignées dans la famille de l’époux : un homme et une femme, de préférence des personnes âgées et ayant de l’expérience, auxquelles la nouvelle mariée sera confiée. Ces deux personnes deviennent ses nouveaux parents : papa et maman qui doivent désormais veiller sur elle dans ce monde des mariés. C’est une manière de dire à la nouvelle mariée qu’elle n’a plus de père ni de mère biologique. Quand elle a des problèmes de foyer, c’est vers ces deux elle doit se tourner d’abord. C’est lorsque ceux-ci ne parviendront pas à résoudre, qu’elle ira vers d’autres personnes.

En peu de mots, ces différentes cérémonies, en plus de valoriser les tourtereaux et les parties engagées, garantissent et consolident les relations de couple. Le mariage traditionnel malinké est une culture très riche et intéressante !

Par Sayon MARA, juriste