Mercredi dernier, jour de manifestations appellées par le FNDC, la commune urbaine de Dalaba a été le théâtre des violents affrontements entre jeunes manifestants et forces de l’ordre. Répondant au mot d’ordre de la coordination nationale du Front anti troisième mandat, les jeunes de cette ville ont brûlé des pneus, érigé des barricades le long des artères principales de la ville, empêchant toute circulation. Des Gendarmes qui se rendaient à Kourou en provenance de Mamou, dans le cadre d’une intervention entre deux villages voisins qui se livrent à une âpre bataille ayant entraîné de nombreux blessés se sont heurtés à ces jeunes qui pour eux, étaient déployés pour les disperser.
C’est entre temps qu’ils ont attaqué la Gendarmerie, brûlé les véhicules garés à l’enceinte de la cour et jeté des pierres en direction du bâtiment où des agents y étaient bloqués. D’où l’intervention du premier imam de la grande mosquée de Dalaba et le Maire de la commune urbaine pour tenter de calmer les jeunes, en vain.
«Je me suis déplacé pour me rendre à la Gendarmerie. Arrivé au carrefour DPE, les jeunes m’ont bloqué, ils m’ont dit, Maire tu ne vas pas passer par ici. J’ai ensuite rebroussé chemin. Je suis passé par le barrage pour pouvoir rallier la Gendarmerie. Des cailloux et du gaz lacrymogène fusaient de partout. On a tout fait pour calmer les enfants, impossible. Ils nous ont dit qu’on a commencé notre hypocrisie, chose qui ne marchera pas aujourd’hui. C’est en ce moment que Elhadj Cherif m’a rejoint là-bas pensant que lui, il allait être écouté. Mais ils n’ont écouté personne», a témoigné en larmes le Maire Elhadj Ibrahima Bah.
C’est suite à ces violences survenues ce jour, que les leaders religieux de Dalaba ont convoqué ce vendredi 19 août, une réunion de crise à la mosquée, à cause de la pluie, alors qu’elle devait se tenir à la Mairie. Devant de nombreux citoyens ayant répondu à l’appel des religieux, Elhadj Chérif Barry a tout d’abord posé un certain nombre de questions au public.
«Ceux-là que j’ai trouvés à la Gendarmerie et les circonstances dans lesquelles je les ai trouvé reflètent-ils le mot d’ordre lancé par le FNDC ? Vous qui êtes là, êtes vous contents du comportement de ces jeunes? Y-a-t-il eu un parent qui s’est rendu là-bas pour voir s’il pourrait reconnaître son enfant, ne serait-ce que pour éviter qu’il y meurt?».
La réponse à toutes ces questions, c’est «non» affirme l’imam. Dans la même foulée, tous ceux qui étaient présents à cette réunion se sont désolidarisés de l’attitude des jeunes ce jour, qui ont fait des dégâts matériels considérables.Ont-ils respecté le mot d’ordre des leaders du FNDC tel qu’ils l’ont annoncé ? Si tel est le cas, c’est ailleurs et non à Dalaba renchérit le secrétaire de la ligue préfectorale religieuse de Dalaba.
«Mamou a fermé boutiques et magasins, tout est resté calme. Le goudron et les bâtiments qui leur sont octroyés ne sont pas brûlés. A Pita, la même chose. Je pense que ce sont ceux là qui ont respecté le mot d’ordre du FNDC ou des leaders politiques. Si c’est ces genres de représentants que le FNDC a, à Dalaba, qu’il cherche d’autres. Je ne suis pas en train de de dire au FNDC de quitter Dalaba, j’ai plutôt dit si c’est ces genres personnes que j’ai vues mercredi, qu’il cherche d’autres représentants puisqu’il n’en a pas à Dalaba. Tous les véhicules brûlés dans la cour de la Gendarmerie n’appartiennent à aucun Gendarme. Ils appartiennent à des citoyens de Dalaba, l’un des véhicules brûlés appartient à mon oncle. Quelle image voulons-nous pour Dalaba? », a-t-il interrogé le public.
Au vu de multiples violences et exactions commises contre des citoyens dans le pays, Elhadj Cherif s’interroge sur les raisons du mutisme des religieux, face à ce phénomène. Il a fait également un bref rappel du discours tenu par le Colonel Doumbouya lors de sa prise du pouvoir le 5 septembre 2021.
«Où sont les religieux? Monsieur le secrétaire général des affaires religieuses, Monsieur le premier imam de la grande mosquée Fayçal, chers imams de Guinée, pourquoi nous sommes silencieux? Le président avait dit le jour de sa prise du pouvoir, que désormais aucun guinéen ne va mourir pour rien, qu’on ne répétra plus les erreurs du passé. Alors certaines de ces erreurs ont repris. Certains guinéens meurent», a indiqué l’imam dans un ton ferme.Par ailleurs, il a, au cours de cette réunion qui a duré près de deux heures d’horloge, interpellé les acteurs à tous les niveaux face à leur responsabilité. Il a aussi fait part de son souhait de ne pas voir couler le sang à Dalaba.
«Nous invitons: au président de la République de tenir sa promesse.
A ceux qui appellent à manifester, de sortir eux aussi manifester. Aucun parent de victime ne se réjouit de la mort de son fils, aucun ne dira qu’il est content que son fils ait été le martyre de la démocratie. Que ceux qui tuent arrêtent de tuer maintenant, qu’ils sachent qu’ils mourront un jour. Je n’ai pas dit c’est telle personne qui tue. J’ai juste dit à ceux qui tuent d’arrêter de tuer. Que les parents gardent leurs enfants puisqu’ils savent qu’ils vont mourir quand ils sortent. Je ne veux pas que le sang coule à Dalaba. Je ne veux pas qu’une mère ou un père pleure parce que son enfant est emprisonné à plus forte raison tué. Le prophète a dit : le plus mauvais des gens, est celui qui sacrifice sa vie pour la survie de celle d’une autre personne», a laissé entendre notre interlocuteur visiblement très choqué, vis à vis de ce qui vient de se passer dans sa ville.
A cause de ce qui s’est produit ces derniers jours dans le centre ville de Dalaba, Elhadj Cherif avait menacé de démissionner de son poste de secrétaire de la ligue préfectorale religieuse de Dalaba. Cependant, les citoyens ont clairement indiqué ne pas s’associer au comportement malsain des ces jeunes incontrôlés. Pour garder une bonne image de leur ville, les citoyens ont pris l’engagement de s’opposer prochainement à toute éventuelle forme de violences et de vandalisme des biens publics et privés que tenteraient d’orchestrer les fauteurs de troubles. L’imam a pour le moment décidé de revenir sur sa décision, étant convaincu de l’engagement pris par ses concitoyens.
Mamadou Aliou Diallo pour maguineeinfos.com