Tendu  depuis le lendemain des élections communales du 04 février passé, le climat politique guinéen balance à l’envers selon certains observateurs. Ils expliquent souvent ce fait par le non-respect des accords politiques signés entre la mouvance et l’opposition, du retard d’installation des conseillers communaux dont certaines communes peinent jusque-là à voir jour. Interrogéà son domicile par maguineeinfos.com ce samedi, 24 novembre, Siaka Barry, président du parti ‘’ Guinée Débout’’, pense qu’une telle situation est  une conséquence directe de  la fragilisation du tissu social qu’a connu la guinée depuis ces derniers temps.

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Maguineeinfos.com : Quel diagnostic feriez-vous aujourd’hui du climat politique guinéen ?

Siaka Barry :Le climat politique d’aujourd’hui est très délétère. C’est un climat de suspicion, d’atteinte surtout à la paix sociale, de déchirure du tissu social, un climat de désespoir pour les populations. Bref, c’est climat qui met à risque notre volonté de vivre ensemble et en communion. Et, ce qui est à la base de ce fait malheureux, ce sont naturellement les hommes politiques qui ont fait de la politique, l’art de la ruse, l’art de berner la population et également de se berner entre eux dans un élan non seulement de la méfiance, mais aussi très destructeur pour les fondements de notre nation.

Est-il possible que l’on soit dans une situation où les leaders politiques instrumentalisent la question ethnique et communautaire pour émerger ?

Voilà d’ailleurs le point nodal qui préside aux délitements et à la déliquescence du climat politique. C’est surtout la question ethnique et d’ethnocentrique. Vous savez, nos hommes politiques ont érigé l’ethnostratégie, en la principale stratégie de conquête des électeurs et celle du pouvoir. Le repli ethnique et celui d’identitaire ne sont pas des éléments qui peuvent promouvoir la quiétude sociale et la cohésion entre nos populations. Or, à défaut d’arguments, techniques fiable, à défaut de programme et de projets de société, à défaut de visions véritables, les hommes politiques guinéens se sont rabattus sur l’ethnostratégie pour pouvoir se vendre auprès de la population. Et du coup, cela a eu pour conséquence ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui, c’est-à-dire la fragilisation du tissu social et surtout la mise en mal de vivre en commun séculaire que les guinéens ont connu depuis plusieurs siècles.

Depuis l’arrivée du professeur Alpha Condé au pouvoir, l’opposition dite républicaine, a enregistré plus de 100 morts. Les morts qu’elle appelle même de MARTYRS. Selon vous, est-ce une fierté pour cette opposition de voir ce nombre de morts augmenté du jour au lendemain ou une désolation pour notre jeune démocratie ?

A mon sens, il y’a deux choses à ce niveau. Premièrement, il faut condamner la répression sanglante des manifestations, connaissant que les manifestations dans notre pays sont consacrées par la constitution. C’est un droit pour le citoyen lorsqu’il pense qu’il y’a des raisons de le faire. En aucun cas, les pouvoirs publics qui ont pour rôle d’encadrer les manifestations ne doivent jamais être les premiers a réprimé ces manifestations surtout jusqu’à ce qu’il ait des morts d’hommes. Alors, il faut donc condamner cela et appeler surtout le pouvoir public à plus de responsabilité dans la sécurisation de ces manifestations.

L’autre aspect, c’est la question liée surtout à l’instrumentalisation de ces morts. Moi je me dis que c’est une bêtise humaine que de vouloir d’abord manipuler la jeunesse, les mettre dans la rue et après lorsqu’il y’a mort d’homme qu’on arrête d’exhiber ces morts comme des trophées de guerre. Mais malheureusement c’est ce que  l’opposition dite républicaine sous Cellou Dalein est en train de faire et ça, c’est une instrumentalisation de nos morts. Alors, lorsqu’on  me parle de 103 morts, moi j’ai  toujours posé la question de savoir : 103 morts par rapport à quoi, qu’est-ce qui a prévalu au tri de ces morts-là? Parce que, en ce que je sache, il y’a eu plus de morts dues à la répression politique sous le régime du Président Alpha Condé depuis 2010. Donc, je ne sais vraiment pas quel tri a permet à Monsieur CellouDalein et à ses paires de nous sortir le chiffre de 103 morts. Est-ce que cela intègre les morts à Kalinko, à Galapaye, à zogota à Singuiri et récemment à Mandiana ? Je pense qu’il n’y a aucune nécessité d’instaurer une démarche ethnique dans le décompte macabre.

Il y’ a près d’une semaine déjà que les communes de Dixinn, de Kaloum…. Ont installé leurs Maires, tandis que Ratoma et Matoto peinent toujours à faire asseoir ses conseillers communaux. Selon vous, qu’est-ce qui expliquerait ce retard ?

Certainement les protagonistes ne sont pas encore prêts dans leur calcul machiavélique  et dans leur ruse. Vous savez, on a rendu la politique guinéenne d’aujourd’hui comme l’art de faire la ruse, de tromper, de berner. Et comme c’est devenu un jeu de damier, tant qu’ils ne sont pas prêts à prendre des coups, ils n’iront pas. Je crois que pour eux,le peuple, la nation, la patrie, les textes et la loi non plus, ne comptent pas. Mais simplement leur propre calcul basé sur les dribbles et les feintes. Donc lorsqu’ils seront peut être rassurés de tout, ils aviseront. Sinon je ne comprends pas comment neuf mois après une élection, on peine à asseoir les exécutifs communaux et ça, c’est une façon de mettre à risque la vie même de notre nation. Le ministère de l’Administration du Territoire qui devait en principe procéder à ces installations est partisan. Donc ce ministère n’ira asseoir les exécutifs que lorsqu’il reçoit l’ordre du parti au pouvoir en lui disant qu’il est prêt pour l’installation. Surtout que le parti au pouvoir a déjà perdu trois (3) communes sur cinq. Donc je pense que pour sauver l’honneur, il a vraiment envie de s’apprêter pour  mieux dribbler et feinter afin d’avoir au moins une commune.

A votre avis, quelles sont les principales réformes qui conviendraient aujourd’hui pour redresser la situation politique de la Guinée ?

Bon, je crois qu’il faut commencer par le soubassement. Et ce soubassement, ce sont les textes de lois. Il faudrait voir comment toiletter nos textes de lois, voir toutes les zones d’ombres, toutes les  clauses conflictuelles et conflit-pathogènesdans ces textes afin d’essayer de les amandés partout où ces textes-là restes muet. Puisque ce sont ces textes qui constituent les arbitres dans les confrontations politiques et électorales.

Donc, il faudrait essayer ériger cet arbitrage, à mieux l’outiller pour que la chaîne politique  puisse évoluer de façon pacifique et paisible. Mais si nous nous jetons dans l’arène et la pratique  de la politique sans ces textes de loi, nous sèmerons toujours ce que nous récoltons actuellement. C’est-à-dire l’anarchie politique, la désolation et la frustration de la population. Il faut également  doter notre pays de véritables textes de loi qu’ils soient en mesure d’arbitrer la bonne marche de notre démocratie. Dans les détails, les  juristes et constitutionnalistes pourront mieux vous situer.  Mais ce qu’il faut retenir, le principe voudrait qu’on dote notre pays à des institutions fortes et des lois solides, reste toujours une priorité. Ensuite, veiller à leur application qui est l’une des faiblesses de nos textes de lois.

En vous adressant de façon brève à la jeunesse et la population guinéenne, quel serait votre message ?

A l’endroit de la jeunesse, je dirai que c’est un moment propice pour elle de s’inscrire dans une nouvelle démarche afin de tirer les leçons des échecs de nos aînés pour bâtir une Guinée différente. Alors cette jeunesse doit être une jeunesse engagée, audacieuse et persévérante. A la population d’être armée de courage et d’abnégation pour l’atteinte des objectifs généraux afin d’y arriver jusqu’au bout.

Propos recueillis par Oumar Diané / Sâa Robert Koundouno