Les Coups d’État militaires et constitutionnels à l’effet de confisquer le pouvoir et les dérives liberticides qui les accompagnent sont devenus monnaie courante en Afrique de l’Ouest.

Des dirigeants cupides et véreux, arrivés pour la plupart au pouvoir par effraction, cherchent désespérément à user de la violence et de la terreur pour s’y maintenir. Dans l’espace CEDEAO cité jusqu’à un passé récent comme modèle d’intégration, l’heure est grave. L’institution doit prendre conscience qu’elle représente la communauté internationale en raison du principe de subsidiarité et prendre toutes ses responsabilités pour la sauvegarde de la paix et de la stabilité dans la sous-région.

Les objectifs et principes qui ont sous-tendu la création de cette institution sous-régionale sont pourtant clairs. Il s’agit de favoriser l’intégration, la coopération, les libertés, les droits humains, la justice et la libre circulation des personnes et des biens. Mais de nos jours, les crises à répétition dans les pays membres et l’inertie de la CEDEAO face à cette situation soulèvent des inquiétudes et amènent les citoyens à douter de la capacité de celle-ci à prendre en compte les aspirations profondes et légitimes des peuples ouest-africains.

La CEDEAO, dans sa configuration actuelle, est incapable de faire appliquer ses propres textes.
Le protocole additionnel de la CEDEAO est clair pour ce qui est du respect de la justice, des libertés individuelles et collectives et du respect des principes de la démocratie et des limitations du nombre de mandats.
Ces dispositions rappellent sans équivoque que toute prise de pouvoir par un moyen autre que les urnes est un coup d’État. De même, toute modification constitutionnelle dont le seul but est de permettre de s’éterniser au pouvoir est aussi un coup d’État. De ces principes, il ressort clairement que nombre de Chefs d’Etat en poste dans la sous-région sont dans l’illégalité, le tout sur fond de fraudes électorales, de pillage des ressources, de corruption, d’enrichissement illicite, de confiscation du pouvoir et des libertés fondamentales avec comme conséquences l’aggravation de la précarité économique et sociale des peuples ouest-africains.

Alors, que faire pour ramener et maintenir les militaires dans les garnisons et éviter les mandats de trop?

L’Institution sous-régionale doit tout d’abord veiller à garantir l’effectivité de son arsenal juridique et des mécanismes qu’il prévoit tout en se montrant intransigeante face aux militaires et aux Chefs d’États véreux de manière à dissuader toutes velléités de modification constitutionnelle. Conscients de l’échec de leur gouvernance mafieuse et du ras-le-bol auquel ils font face dans leurs pays respectifs, ces dictateurs civils et militaires usent de la terreur par le biais des Forces de Défense et de Sécurité elles-mêmes encouragées par l’impunité et la corruption.

En Guinée, au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso, ainsi que tout récemment en Côte d’Ivoire, on assiste à des violations systématiques, graves et répétées des droits et libertés fondamentaux, l’instrumentalisation de la Justice à des fins politiques, des pratiques d’exclusion et de gestion solitaire du pouvoir de nature à entraîner le désordre et le chaos.

Actuellement, les ennemis de la démocratie profitent du contexte international marqué par la crise Russo-Ukrainienne et les divisions ethniques profondes dans nos pays pour se cramponner au pouvoir.

Un tel environnement permet aux dirigeants animés par la seule boulimie du pouvoir d’instrumentaliser les divisions et la justice pour faire taire toutes les voix discordantes. L’objectif étant d’écarter de la course les acteurs politiques majeurs encore intraitables face à la corruption et qui continuent de se battre contre l’injustice et l’imposture.
C’est le cas actuellement du CNRD en Guinée. Si la CEDEAO continue à regarder ailleurs pendant que sa maison brûle, cela offrira une opportunité inespérée aux gangsters politiques d’opérer dans le silence et de recourir impunément à la délinquance institutionnelle, économique et sociale.

Ce qui aura pour conséquence inéluctable la recrudescence des violences et des coups d’État, le recul de la démocratie, l’exil des défenseurs pro démocratie, l’instabilité politique et sociale dans nos États et surtout l’immigration clandestine avec ses effets néfastes pour les pays de départ, de transition et d’accueil des immigrés.

Malgré la validation des 10 points obtenus avec la CEDEAO sans y associer la classe politique majoritaire du pays, la junte guinéenne n’a fait aucun progrès dans l’exécution de l’agenda de la transition à ce jour. Le seul agenda visible est celui de la grande répression et de l’exclusion en cours. Et la junte qui se leurre en espérant gouverner dans l’opacité et l’exclusion, entraine chaque jour la Guinée dans le précipice.

La CEDEAO doit se remettre en question pour être cette organisation au service des peuples et non pas celle qui protège les Chefs d’États illégimes et réfractaires à la loi.

Elle doit être cet organe de veille et de promotion des grands principes démocratiques et non celui qui fait montre d’immobilisme devant les dérives autoritaires perpétrées dans la sous-région ouest-africaine.

La CEDEAO doit être interpellée sur le cas emblématique de la Guinée et agir conséquemment car il y va de l’avenir des Guinéens qui ne saurait être dissocié de celui du reste de la sous-région.

Par SOULEYMANE SOUZA KONATE, CONSEILLER CHARGÉ DE COMMUNICATION DE CELLOU DALEIN DIALLO ET MEMBRE DU CONSEIL POLITIQUE DE L’UFDG.