Il y a plusieurs façons de mentir : affirmer quelque chose de faux, promettre et ne pas tenir parole, ou encore dissimuler pour mieux tromper. Il y a aussi plusieurs intentions possibles, plus ou moins louables. Mais mentir, notamment au travail, est avant tout une forme de faiblesse, de lâcheté, de trahison. Comment un dirigeant peut-il mentir ? Et quelles sont les conséquences de cette veulerie sur les équipes qui tôt ou tard découvrent que leur manager est un menteur ?
Quand je parle de mensonge, je n’évoque pas ici celui dont l’intention est de protéger, pour éviter par exemple de heurter inutilement une personne, et qui ne prêterait à aucune conséquence. Je ne parle pas non plus du mensonge joyeux, utilisé pour amuser un instant la galerie, sans autre intention que d’être ludique.
Je parle bien du mensonge pernicieux qui cherche à tromper, à trahir la confiance. La raison en est autant la malhonnêteté que le manque de courage et l’absence d’autorité, quand son auteur est justement titulaire d’une fonction d’autorité. C’est la pratique de celui ou celle qui n’assume pas ses décisions, qui est handicapé par ses choix, qui fuit ses responsabilités et qui préfère prendre le risque d’avancer caché, dans l’espoir de ne jamais être démasqué.
Dans le cadre professionnel, de la part d’un patron ou d’un manager d’équipe, mentir est une faute de management. C’est une preuve de médiocrité professionnelle, de petitesse, de lâcheté, peut-être même de faiblesse psychologique. Quand on occupe une position de référence dans une organisation, on doit assumer les responsabilités qui confèrent au rôle.
Mentir, c’est dissimuler ou feindre
Dissimuler, c’est mentir par omission. Le menteur décide de garder pour lui un certain nombre d’informations, sans pour autant dire quoi que ce soit de faux. En feignant, le menteur franchit une étape supplémentaire, puisqu’il cherche délibérément à tromper. Il y a une volonté de trahir, même si elle n’est pas assumée.
Certains mentent dès le recrutement. Qu’il s’agisse de promettre une rémunération présentée en net alors qu’il s’agissait de brut, dans laquelle figure une part variable, alors que cette dernière était supposée venir en complément de rémunération… Qu’il s’agisse de survendre des conditions de travail irréelles, des valeurs fantasmées mais non respectées, une dynamique qui n’existe pas…
Certains mentent sur des avantages proposés dans l’entreprise pour attirer ou fidéliser des collaborateurs et des collaboratrices. Qu’il soit question de l’attribution d’un véhicule de fonction, qui tarde à venir. Qu’il s’agisse de le choisir dans un niveau de gamme, avant de dégrader ou limiter l’offre, contrairement aux promesses tenues…
Certains mentent dans leurs politiques d’attribution de management package, où une classe de managers ou de dirigeants est supposée recevoir un même package défini selon des règles précises d’attribution. Puis on apprendra, parfois très vite, qu’il aura été dérogé aux règles fixées, à la tête du client, par copinage du moment, en fonction de l’humeur du jour… L’égalité de traitement promise n’existe pas, alors que c’est la règle affichée.
Mentir, c’est rompre un pacte moral
Le recrutement et la collaboration professionnelle ne reposent pas que sur un contrat de travail. C’est aussi un contrat de confiance, un pacte moral entre un patron et son collaborateur ou sa collaboratrice. Mentir ou ne pas respecter sa parole sur une rémunération, une augmentation, l’attribution d’un budget, de ressources pour une équipe, une prime, une voiture de fonction, des jours de télétravail constitue autant de motifs de déception, de vexation, de démotivation pour la personne concernée.
Ce pacte moral est aussi celui de l’engagement, de la loyauté et de la fidélité. Qui restera un collaborateur ou une collaboratrice exemplaire face à un patron menteur, face à celui qui bafoue le contrat de confiance dont il devrait être le garant ?
Qui fera son maximum pour limiter ses frais professionnels, par nécessité d’économies, quand son patron qui supprime la classe affaire en avion pour les cadres dirigeants décide lui de voyager en jet privé au lieu de montrer l’exemple ?
Qui maintiendra sa fidélité à un patron qui fixe les règles strictes d’une politique achat de véhicules de fonction, mais qui y déroge pour 3 ou 4 proches ? Ce type d’agissement aura un effet désastreux sur 100 % des autres collaborateurs.
Qui assurera de sa loyauté un patron qui promettra une égalité de traitement, d’attribution de primes, d’actions… aux membres de son Comex ou de son Codir, mais qui dérogera à la règle pour une faveur à l’un, une exception à l’autre ? Ce fait du prince ne peut avoir que des effets dévastateurs : création de rivalités, jalousie, alimentation de conflits, désengagement…
Mentir, c’est perdre la confiance des équipes
Qui peut d’ailleurs imaginer agir en secret et oser croire que personne n’aura jamais connaissance de ses agissements ? Ces trahisons sont connues de beaucoup, de l’assistante qui souvent déplore le manque d’exemplarité, ou le choix des bénéficiaires, aux DRH et directeur financier qui peuvent, ou pas, en être les bénéficiaires. Aux achats, au contrôle de gestion, à la direction juridique, nombreux sont ceux ou celles qui peuvent avoir accès à des informations qui indiquent que les règles ne sont pas respectées par celui-là même qui les fixe.
Cela conduit inévitablement à une rupture de confiance, une perte de crédit du dirigeant, vis-à-vis de tous d’ailleurs : de ceux qui savent pouvoir en profiter, voire en abuser, comme de ceux qui se savent trompés. Cela conduit à une perte de considération, de respect, de motivation, à l’installation de rancœurs durables, à la perte de confiance, de loyauté, d’engagement.
C’est ainsi que le dirigeant installe dans son entourage des détracteurs, parfois des saboteurs, surtout quand ce sont les plus fidèles qui apprennent avoir été trahis. Cela participe aussi à la démission passive, puis à la fuite des talents. C’est la raison pour laquelle il n’est pas vain de considérer que mentir est une faute de management impardonnable, et même inexcusable.
Par Frédéric Fougerat, président de Tenkan Paris, agence de communication de crise, image et réputation de personnalités sensibles