L’évolution de notre système démocratique prend du jour au lendemain, une autre tournure assez inquiétante. De nos jours, nous assistons aux multiples violations d’un certain nombre de droits reconnus aux citoyens, et, garantis par les instruments juridiques nationaux et internationaux. L’une de ces violations flagrantes est justement l’interdiction du droit à la manifestation sur toute l’étendue du territoire national par le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, et cette chasse aux sorcières déclenchée contre les Hommes de médias dans l’exercice de leurs fonctions à l’effet de leur réduire en silence.
C’est pourquoi, l’interpellation du patron du groupe Lance-lynx, en l’occurrence M. Souleymane Diallo et M. Aboubakr (le célèbre animateur de l’émission Œil de lynx) n’est autre que la preuve éloquente de ce musellement de la presse en République de Guinée. Et, cet état de fait, si regrettable résulte à mon avis de la simple volonté du pouvoir public, de vouloir à tout prix exercer une domination sur toutes forces dissidentes y compris, les contre-pouvoirs du pays.
Mais la question que l’on se pose est la suivante : faut-il dans un système démocratique ou dans un Etat de droit, faire taire les journalistes ou leur créer un cadre réglementaire et adéquat qui les permet d’exercer valablement leur métier ?
En effet, la presse représente pour la démocratie, ce que représente le poumon dans l’organisme humain. Loin s’en faux, cette phrase n’est pas un vint mot, mais un indice qui détermine la vitalité d’une démocratie participative ou même d’un véritable Etat de droit dans lequel, le respecte de la valeur humaine est au dessus de toutes les considérations. Mieux, certains donnent à la presse le caractère de quatrième pouvoir. Car elle joue le rôle d’avant-garde des valeurs de la République, de contre-pouvoir, de formateur et d’informateur de l’opinion nationale. De ce point de vue, le principe du respect de la liberté de la presse constitue à bien des égards, l’une des conditions préalables et essentielles pour le bon fonctionnement et le progrès d’une société qui se veut démocratique.
Par ailleurs, l’Etat de droit suppose aussi la liberté de la presse ou de l’expression (sauf si celle-ci viole les lois en vigueurs), ce qui implique par ricochet, que personne ne devrait être inquiété pour ses opinions. Fut-elles politiques ou religieuses.
Or de nos jours, les actions d’intimidation et d’interpellation engagées contre les Hommes de médias dans l’exercice de leurs fonctions au vu et au su de l’institution (la Haute Autorité de la Communication) censée de protéger et défendre ces derniers, sont sans l’ombre d’aucun doute un véritable recule de notre jeune démocratie. Ces pratiques que font certaines personnes investies d’une parcelle de pouvoir n’honorent ni les valeurs de la démocratie, et ne réussiront guère à instaurer ce climat de peur ou de psychose dans la cité.
Par contre, elles amènent les uns et les autres à adopter des positions qui ne favorisent ni la quiétude sociale ni la stabilité des institutions. Car, on peut faire taire une voix, mais cela ne rassure en aucune manière, qu’une autre ne se lèverait point !
Certes, je ne suis pas en train de cautionner quelques dérives et même parfois quelques manques de professionnalisme que l’on peut tous constater de la part de certains journalistes dans le traitement et la diffusion des informations. Mais au fait, ma préoccupation est d’interpeller l’Etat face à la violation des règles qui régissent le fonctionnement des organes de presse, notamment la fameuse Loi L/2010/02/CNT DU 22 JUIN 2010 portant sur la liberté de la presse, révisant la Loi organique L/91/005/CTRN/ du 23 décembre 1991.
D’ici là « je croirais à la liberté de la presse quand un journaliste pourra écrire ce qu’il pense vraiment de son journal. Dans son journal » Guy Bedos.
Aly Souleymane Camara, Analyste politique