Dans la journée du lundi 26 mai 2025, un jeune homme poursuivi pour vol aggravé a été condamné à 10 ans de prison ferme. Cette décision du tribunal de Kindia alimente les débats en Guinée. Si la décision est saluée par certains, d’autres la trouvent très sévère.

Quelques heures après la verdict, Me Pépé Antoine Lama réagit en précisant que la condamnation est alignée à l’article 374 du code de procédure pénale.

« La décision de condamnation prononcée hier par le Tribunal de Kindia à l’encontre du jeune prévenu poursuivi pour vol aggravé est, juridiquement, conforme aux dispositions de l’article 374 du Code pénal guinéen. Cet article prévoit une peine d’emprisonnement de trois (3) à dix (10) ans, assortie d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 GNF, ou de l’une seulement de ces deux peines. En l’espèce, le Juge a fait le choix d’appliquer la peine maximale, sans accorder la moindre circonstance atténuante », explique l’avocat.

« Cependant, les faits ne sauraient être examinés uniquement à l’aune de la légalité stricte, sans prendre en compte les réalités humaines et sociales qui les entourent. Certes, le comportement du prévenu, qui s’est éhontément approprié les biens de pauvres orphelins, récemment endeuillés par la perte tragique de leur père, est moralement condamnable. Un tel acte, perpétré dans un contexte de deuil, trahit une profonde défaillance morale et mérite d’être fermement réprimé.Mais faut-il, pour autant, anéantir l’avenir d’un jeune primo-délinquant en l’écrasant sous le poids de la peine maximale prévue par la loi ? Faut-il ignorer les principes fondamentaux de justice restaurative, d’amendement du délinquant et de proportionnalité de la peine ? », s’interroge le spécialiste du pénal.

« À l’heure où la société guinéenne s’interroge sur la cohérence de sa politique pénale, force est de constater qu’une peine de dix ans d’emprisonnement pour le vol de biens matériels, même aggravé, jure cruellement avec d’autres décisions de justice récentes. Nombreux sont, en effet, les cas de viols ou de détournements de plusieurs millions de dollars, pour lesquels les auteurs ont écopé de deux à quatre ans de prison, suscitant incompréhension et frustration dans l’opinion publique.C’est pourquoi, au nom de la tolérance religieuse, de la qualité de primo-délinquant du prévenu, et du besoin impératif de cohérence dans l’application des peines, il apparaît nécessaire que le ministère public exerce un appel dans l’intérêt de la loi et de la société tout entière. Cette démarche ne viserait pas à absoudre le prévenu, ni à minimiser la gravité de son acte, mais plutôt à rétablir un équilibre juste entre la sanction, la réinsertion, et les exigences d’une justice équitable, humaine et cohérente. Elle traduirait aussi la volonté de la République de ne pas condamner plus lourdement le faible que le puissant, de ne pas punir plus sévèrement la pauvreté que la prédation économique, et surtout, de restaurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire », analyse Me Pépé Antoine Lama.

Ibrahima Camara