Les professionnels de la pharmacie de Guinée sont à pied d’œuvre pour déclencher eux aussi, une grève générale illimitée sur toute l’entendue du territoire national à l’image des enseignants. Interrogé par notre rédaction après leur assemblée extraordinaire du 15 février passé à l’Université Kofi Annan, Dr Manizé Kolié, Secrétaire général du syndicat des pharmaciens privés de Guinée a laissé entendre que plus de 10 millions de Guinéens sont morts depuis 36 ans de façon innocente à cause des faux médicaments. Pour donc mettre fin à ces cas, les pharmaciens comptent passer cette fois-ci à la vitesse supérieure, tout en demandant à l’Etat, la limitation du nombre de grossistes en Guinée ; la fonctionnalité de la brigade médicrime et l’incinération de près de 300 conteneurs de faux médicaments retrouvés au port autonome de Conakry.

Maguineeinfos.com : Aujourd’hui vous comptez aller en grève tout comme d’autres secteurs, parlez nous de l’état des lieux et de ce que vous réclamez à l’Etat Guinéen ?

Je dirai que l’histoire est longue et remonte depuis le 20 mars 2019, date à laquelle nous avons balancés un préavis de grève des pharmaciens privés de Guinée, suite à la disparition d’un camion de faux médicaments à la brigade de gendarmerie de Matam. Ce camion qui était sous gelé judiciaire après son arrestation et les plaintes que les organisations professionnelles ont déposé auprès des juridictions de notre pays, et même la plainte du ministre de la santé. C’est au moment que nous atendions le jugement de cet élément qu’on apprend le 16 janvier 2019 la brusque disparition de ce camion. Cela a choqué tous les pharmaciens et le 09 mars, nous nous sommes retrouvés dans la salle du 28 septembre du palais du peuple, et à l’unanimité, nous avons décidé de préparer une grève sur toute l’étendue du territoire national. C’est ainsi qu’un préavis a été déposé au ministère de la santé avec copie à la primature et au Président de la République, le 20 mars. Le 27 du même mois, on a été reçu par le Chef de l’Etat. À l’issue de cette audience, le Président a instruit le ministre de la santé sur certains points qui étaient les essentiels de notre revendication à savoir : la limitation du nombre de grossistes en Guinée ; la fonctionnalité de la brigade médicrime, une organisation du conseil de l’Europe que notre pays à adhérer en 2016 et qui est chargée à la répression dont 47 pays de l’Europe ont voté à l’unanimité de criminaliser la circulation des faux médicaments falsifier à l’intérieur des pays du monde.

Alors on s’est séparé et on est rentré dans les réunions interminables au ministère de la santé où ça n’a pas marché. Finalement, les organisations professionnelles de la santé ont fait un second courrier à l’adresse du Chef de l’Etat qui nous a cette fois-ci mis à la disposition du premier ministre qui nous a reçus avec les cadres du ministère de la santé aux fins d’aplanir nos divergences. Ainsi, une commission d’évaluation de sociétés grossistes a été élaborée avec les points précis autour de 15 critères. Cette commission a donc évalué des 58 sociétés grossistes et a présenté un rapport qui a été déposé depuis le 09 octobre 2019 mais qui traine jusqu’à présent dans les tiroirs et on voit que le marché parallèle des faux médicaments explose dans notre pays. C’est pourquoi nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure.

On devrait aller en grève depuis le 20 janvier 2020. Mais bien avant cette date, il y a eu des négociations qui ont été engagées par le ministère de la santé et des agents. On a travaillé pendant 2 jours et c’est le dimanche 19 janvier 2020 à 23 heures 57 minutes que nous sommes tombés d’accord sur un protocole qui a permis de suspendre cette grève.

Alors le 20 janvier, nous sommes allés et ils nous ont montré un local, où ils ont placé une plaque de médicrime. L’inauguration a été faite et les discours se sont passés. Mais juste après, rien n’a plus bougé et les trois points acceptés lors des négociations se sont limités là. À notre grande surprise, cette brigade qui, chargée de la répression sort pour la sensibilisation. Cette manière a de plus choqué les pharmaciens et on a estimé qu’on ne pouvait plus avancer à cette allure.

Qu’est-ce qu’on peut donc retenir sur votre assemblée extraordinaire du 15 février passée tenue à l’Université Kofi Annan ?

À l’issue de cette rencontre qui a du lieu dans la salle Malick Condé de ladite Université, la base nous a instruit d’aller en grève dès les prochains jours. Déjà que nous sommes en train d’élaborer le chronogramme pour comment mener cette grève, nous avons eu une solidarité de la part de certaines organisations qui sont très proches de nous, notamment, l’ensemble des médecins de la Guinée. Ça voudrait dire que le jour où nous irons en grève, tous ces médecins vont nous accompagner. Alors dès les jours à venir, l’ensemble des pharmaciens seront informés de la manière dont cette grève va se dérouler sur toute l’étendue du territoire.

Docteur, toute grève a bien évidemment des stratégies. Alors qu’est-ce qu’on peut retenir des vôtres qui seront mises en place afin de pouvoir faire fléchir le gouvernement ?

Sur ce point, nous le ferons à l’image de beaucoup de pays qui l’en ont déjà fait d’ailleurs. Si on n’avait pas de concurrents qui ne sont autres que les pharmacies par terre, on allait faire le service minimum. Alors nos stratégies ne seront basées que sur la fermeture totale des pharmacies. On peut par exemple ordonner à tous les organisations professionnelles, pendant 48 heures c’est-à-dire deux jours par semaine, de ne laisser aucune structure de la pharmacie ouverte en Guinée. On pourra même aller jusqu’à 72 heures et c’est pendant que la grève va continuer que les négociations peuvent avoir lieu. Donc voilà la stratégie.

Est-ce-que vous avez déjà eu les coups de fil de la part des mandataires du gouvernement après votre rencontre de Kofi ?

Bon, je ne vais pas dire plus. Mais il y a eu déjà un coup de fil et des entretiens confidentiels se tiennent. C’est pourquoi j’ai dit après 48 heures, puisque nous attendons déjà les résultats de ces coups de fil.

Au moment que vous vous serez en grève, quelles seront les dispositions prises pour éviter que les populations continuent de s’approvisionner en faux médicaments ?

Cela sera du ressort du gouvernement. Nous, lorsque nous irons en grève, nous resterons chez nous et nous verrons si ce gouvernement va abandonner ses populations à aller se ravitailler en faux médicaments. C’est vrai que ça se fait aujourd’hui mais c’est de façon quand même un peu empêchée. Mais le jour où on dira que toutes les pharmacies sont fermées, je crois que l’Etat ne baissera pas les bras et ça sera une occasion pour lui de mettre en branle toutes ses forces pour empêcher les marchés parallèles d’évoluer. On va en grève pour avoir une réponse et ça sera la seule façon pour nous de frapper pour que l’Etat qui dormait puisse se réveiller pour dire que ça ne nous fait pas honneur de voir notre population aller se tuer dans un marché avec les faux médicaments.

Votre message à l’endroit des pharmaciens de Guinée, déjà prêts pour le combat ?

De toutes les façons, c’est que le 15 février nous avons été comblé, nous les professionnels du secteur pharmaceutique, par l’enthousiasme de nos collègues pharmaciens. Quand on dit demain, eux disent aujourd’hui. Alors cela prouve qu’ils ont un intérêt et ils souhaitent que notre pays se débarrasse définitivement de cette tare. Nous professionnels savons combien de Guinéens sont morts depuis 36 ans et j’aime souvent le dire pendant mes conversations qu’on ne peut pas demander les cimetières mais nous sommes aux environs de plus de 10 millions de morts de façon innocente à cause des faux médicaments. Alors ça veut dire que c’est une préoccupation de tout le monde. C’est pourquoi nous avons espoir que d’ici le mois de juin, nous allons pouvoir éradiquer ce fléau qui n’a que trop duré.

L’entretien de Sâa Robert Koundouno pour maguineeinfos.com