L’affaire Air-Guinée est le symbole, si ce n’est la fin, mais irrésistiblement la remise en question du mythe du technocrate guinéen. Nos supers technocrates qui, pour la plupart, avaient pourtant cloué au pilori le régime de Sékou Toure pour, clamaient-ils, son « opacité », sa « gestion clanique » et « désastreuse » n’ont pas fait mieux.

Au nom d’un « redressement économique » pour lequel ce sont plutôt les commis de l’Etat qui sont sortis les plus riches du pays, et d’un libéralisme visiblement mal assimilé, ils se sont laissés convaincre à la « boulimie » de la privatisation « exigée » par le FMI. Incapables d’assainir les finances publiques et de lutter contre le braquage de notre économie nationale, ils ont mieux ficelé ce dernier, ingénieusement cette fois, pour espérer un jour s’en justifier. C’était le FMI la faute, c’était la crise, la récession. Non, c’est le Président Conté qui en avait décidé etc. De qui se moque-t-on ?

Dans un contexte où la fiscalité d’Etat était au trou, le mieux à faire a été de vendre les entreprises publiques à des opérateurs économiques tout aussi incapables – qui en ont tiré tout seuls la plue value en les vendant aux plus offrants. Plus de 200 unités industrielles qui n’ont pas résisté au bourgeoisement de notre classe politique. Aujourd’hui, près de 40 ans après la mort de Sékou Touré, où en est-on avec l’industrialisation de la Guinée ?

Si Cellou Dalein Diallo « n’est pas le responsable » de cet aveu d’incapacités, il en sait suffisamment pour pointer du doigt les vrais responsables. Comment peut-on vendre ce joyau national qui faisait tant notre fierté, sans jamais prévoir de le reconquérir ? Où est passé notre orgueil patriotique ? Qu’on le veuille ou non, Cellou Dalein Diallo reste le symbole le plus affirmé d’un régime qui a « organisé » la régression de notre pays. Nous étions autrefois une grande nation célébrée à travers le monde, avant que des bonimenteurs ne prennent en otage l’appareil d’Etat. Relever cette nation qui s’est courbée sous le poids d’une classe politico-intellectuelle moribonde, c’est peut-être le premier défi de notre génération.

En tout état de cause, tout le tapage médiatique qui consiste à berner les moins avertis n’a de conséquence que la fuite en avant organisée et les risques politiques pour lesquels il faudrait suffisamment avertir les guinéens. Si Cellou Dalein Diallo compte un jour revenir en Guinée, après ce « pèlerinage politique », il n’est pas exagéré que ce sera tout d’abord dans l’optique de régler enfin cette affaire qui lui colle à la peau depuis des décennies. Pour un homme politique qui aspire à conduire notre destin national, la moindre des exigences envers soi est de mettre un terme à toutes ces allégations à son sujet, notamment dans l’Affaire-Guinée, en répondant à la justice de manière citoyenne. Tout autre discours n’est que baliverne !

Dans cette épreuve, qu’il devrait braver, parce que « convaincu [ lui-même ] de son innocence », Cellou Dalein Diallo a enfin l’occasion ultime de mettre la justice guinéenne à l’épreuve. Mais faut-il qu’il s’en rende suffisamment compte avant qu’il ne soit trop tard. Est-il nécessaire de rappeler que d’autres comme Moussa Dadis Camara ( ex chef d’État ), Kassory Fofana ( ex Premier Ministre ), ou Amadou Damaro Camara ( ex Président de l’Assemblée nationale ) ont fait le « choix » de ne pas se dérober de la justice, parce qu’en pareilles situations, seule la justice peut vous « blanchir » définitivement.

Par Ali CAMARA